Noël 2020 dans un contexte de pandémie«Chak kochon pé ké tini sanmdi-ay !»

On s’y attendait depuis plu- sieurs mois, avec la persistance du Covid-19. Les festivités de Noël et du jour de l’an prendront une forme très particulière, pour tenir compte des dispositions sanitaires gouvernementales. Nous encourageons donc les compatriotes à redoubler de vigilance car, la vie n’a pas de prix et, à bien se pénétrer qu’une année chasse l’autre, dans l’es- poir qu’à Noël prochain, la Guadeloupe retrouvera ses «mès é labitid».

E st-ce à dire pour autant que ces deux périodes tant atten- dues seront vécues comme les autres jours de cette pandémie, dans la monotonie ? Certainement non ! Bien au contraire, le moment sera propice pour retrouver les habitudes ancestrales vécues jusqu’à la fin des années 1960, lorsque Noël était véritablement, non seulement un moment de par- tage, de gaieté, de défoulement, en famille, entre amis, mais aussi de recueillement, marqué par la messe de minuit.

D’ailleurs, l’interdiction de manger avant la fin de cette messe, était généralement observée. Le «Chan- té nwèl» associatif, médiatique, orchestré, ou sur invitation dans un espace donné, avec chorale rigou- reusement constituée, innové depuis la fin des années 1990 pour réhabiliter les manifestations spon- tanées d’antan qui avaient prati- quement disparu, ne peut être considéré, pour le moment, comme la tradition. Ce «Chanté nwèl» modernisé, si apprécié qu’il peut l’être, se déroule dans d’autres conditions et sous d’autres formes.

Il faut cependant rappeler que c’est de façon tout à fait arbitraire que le 25 décembre a été choisi comme jour de célébration de la naissance de Jésus-Christ, laquelle n’a pu être datée avec certitude. Le 25 décem- bre, retenu par l’église de Rome au 4ème siècle, a été imposé peu à peu à la chrétienté.

La Guadeloupe, fortement évangé- lisée dès la colonisation, n’est donc pas restée en reste évidemment et a toujours pris les dispositions néces- saires, sous tous les aspects, pour célébrer dignement cette nais- sance. Cette précision donnée ne doit pas servir de prétexte à certains pour déboulonner nos pratiques et nos cultures, à l’instar du déboulon- nage de statues.

Du nombre de ces dispositions d’an- tan figure incontestablement, au premier plan, le repas du Réveillon le 24 décembre, au label antillais :«Chak kochon tini sanmdi-ay». Les autres produits d’accompagnement se multiplient, tant en nourriture qu’en boissons, mais l’impasse ne peut être fait sur : le boudin, le jam- bon, le riz, les pois de bois, les ignames, le rhum, le shrubb, l’ani- sette, le sirop de groseille. Aucune modération n’était observée mais, depuis quelques décennies, la légis- lation nous oblige à souligner dans ce texte que : «l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consom- mer avec modération».

Il ne faut point se faire d’illusion. Le contexte de pandémie n’empê- chera pas de sacrifier, pour la bonne cause, des cochons élevés à cette fin durant de longs mois car, c’est aussi une opportunité pour regarnir, même modestement, le porte- feuille et prévenir les mauvais jours : les anciens étaient aussi soucieux des imprévus de la vie, surtout du point de vue santé. Cet élevage familial, trop réglementé malheu- reusement aujourd’hui par des législations européennes néfastes au bon développement de l’archipel guadeloupéen, combattait, prépa- rait l’enfant à la vie citoyenne et occupait sainement l’adulte, en dehors de sa profession.

D’autres cochons, auront plus de chance cette année. Leurs proprié- taires attendront des jours meil- leurs, Pâques ou Noël 2021 peut- être. Ils sont inquiets, malgré tout, à l’approche de ce jour, pour avoir vu et entendu les cris de douleur assourdissants de leurs congénères, égorgés par la lame pointue et tran- chante du couteau, les quatre pattes solidement et artistique- ment liées, gueule ficelée, boucher en tête et assistants encadrant le futur cadavre installé sur support rudimentaire, s’ingéniant à immobi- liser la bête pour recueillir le sang giclant de l’artère carotide, dans le vase adéquat déjà saupoudré de sel pour éviter la coagulation.

Evènement contrastant terri- blement avec le grand amour prodigué pendant de longs mois, parfois deux à trois ans, attaché la corde au cou, en pleine nature sous un arbre, ou luxueusement logé dans un parc clos, partiellement recouvert. Mais, ainsi va la vie de cochon. C’est le terrible principe de la chaîne alimentaire.