Au MACTe : Un documentaire sur la révolution guinéenne de Sékou Touré

Pourquoi toujours parler de l’Afrique, alors que nous avons nos propres problèmes à régler ici disent les Guadeloupéens ? Cela rappelle les propos de cer- tains patriotes qui, lorsque nous parlions de fraternité de peuples, nous rétorquaient, agacés : «zafè a dòt pèp pa ka gadé nou». Et pourtant…

Le destin de la France est, depuis 5 siècles, lié à celui du continent noir et, en ce début du 21ème siècle, quand l’Afrique commence sa longue et pénible marche vers son émancipa- tion, la réponse vient du Sénat fran- çais et du Président Emmanuel Macron qui déclarent : «L’avenir de la France, c’est l’Afrique».

Si l’avenir de la France, c’est l’Afrique, que dire de notre avenir à nous qui, majoritairement, avons dans nos gènes l’ADN de tous les peuples du continent Africain, peuples qui ont par leur sueur et leur sang fécondé ce pays de Guadeloupe qui est le nôtre et que nous aimons.

A vous de juger. Le 27 décembre 2020 a pris fin le contrat de 75 ans qui, sous le Général de Gaulle, livrait les immenses richesses de 14 pays d’Afrique aux affairistes et multina- tionales françaises.

UNE INITIATIVE FORT LOUABLEDE LA PRÉSIDENTE DUMACTe

C’est donc dans ce nouveau contexte géopolitique que nous devons saluer l’initiative du MACTe et de sa présidente qui a fait venir chez nous le Professeur Manthia Diawara d’origine malienne et enseignant à New-York, qui a vécu la révolution guinéenne de Sékou Touré. Il a expliqué être retourné dans ce pays en 2003 voir ce qui restait de la vie culturelle, du travail des intellectuels et comment la jeu- nesse de ce pays faisait face à la mondialisation.Le documentaire de 80 minutes, un des quatre proposés, surprend agréablement par les images proje- tées. Le Professeur Diawara a filmé la jeunesse au travail, sur les mar- chés, dans les universités, parlant librement, surtout les jeunes femmes, de polygamie, de mondia- lisation, de pauvreté et d’espoir de développement de leur pays.

Interviennent aussi dans ce film des Afro-Américains qui ont for- tement soutenu la révolution gui- néenne : Stokley Carmaïchel des Black Panthers, Harry Belafonte et surtout l’acteur Dany Glover. Seul inconvénient : leurs interven- tions, en Anglais, a gêné certains téléspectateurs.

Le Professeur Diawara, ami d’An- gela Davis et de Maryse Condé, a évité avec pudeur (ou prudence peut-être) de parler des dérives de la révolution qui a conduit à l’exil et à l’emprisonnement certains de ceux qui avaient pourtant accom- pagné Sékou Touré.

Mais, a-t-il conclu, la grande réus- site de ces derniers, c’est d’avoir «libéré les corps». Mais il est facile de comprendre qu’il a libéré l’âme du peuple. Car le film est parcouru de très belles musiques tradition- nelles, de danses exprimant la détermination d’un peuple qui refuse d’abdiquer.

La Guinée, nous a dit le Professeur, est le seul pays d’Afrique où la cul- ture est authentique, au sens pre- mier du terme.

Nous rappelons, nous, que c’est aussi le seul pays qui avait voté «Non» au référendum du Général de Gaulle, d’où la colère de ce der- nier et le boycott ou la mise en qua- rantaine de Sékou Touré.

Après le visionnage du film, la prési- dente du MACTe interroge le Profes- seur : «Pourquoi, puisque vous sillon- nez l’Afrique, n’êtes-vous pas retourné pour revoir ceux de vos amis et les jeunes que vous avez interviewés ? ».

M. Diawara, avec un sourire désar- mant qui fait également sourire la salle, a cette réponse : «Non, je n’y suis pas retourné. Je crois que je suis dépassé car, j’ai la nostalgie de ce que j’ai vécu en Guinée en 2003 et c’est de cette nostalgie que je puise la force de continuer».

On comprend qu’il préfère rester sur des images positives et qu’il a peur d’être déçu. C’est humain et on le comprend…