Nous sommes des insulaires

C ela peut paraître comme on dit souvent pour rappeler une évi- dence, «défoncer une porte ouverte». Que la Guadeloupe soit un archipel, un territoire insulaire dans l’espace caribéen est une réalité géographique connue de tous. L’insularité étant par défini- tion : «l’Etat d’un pays composé d’une ou plusieurs îles». C’est le cas de la Guadeloupe.

Mais, la question qui se pose est de savoir si ceux qui vivent sur ce petit territoire aux frontières délimitées par l‘océan Atlantique, la mer des Caraïbes se pensent insulaires, vivent en «îliens». Rien de moins sûr ! Les rapports de domination politique que subit la communauté d’hommes et de femmes que nous formons sur ce territoire se tradui- sent, entre autres, par un système d’enseignement extraverti produi- sant l’ignorance et l’aliénation qui a fait de nous des êtres «hors sol».

Le Guadeloupéen est donc conditionné pour se considérer comme vivant dans un grand ensemble continental. Depuis tout petit, on lui apprend qu’il est Français et Européen. L"histoire violente de la traite négrière transatlantique et de l’esclavage, l’a longtemps empêché de regarder et de s’approprier la mer comme un atout, une richesse.

En fait, ce qui caractérise les territoires (insulaires), ce n’est pas tant la compétence économique mais plutôt la compétence politique. Celle- ci s’entend comme la capacité des autorités locales, d’une part, à obte- nir des avantages asymétriques de la métropole, et d’autre part, à des- siner et à décider de manière autonome une trajectoire adaptée de développement économique. (Jean-François Hoareau, Professeur des universités, La Réunion). Il n’y a donc pas de fatalité à l’insularité.

Maintenant qu’un débat semble vouloir s’enclencher sur un nouveau modèle de développement économique comme substrat à un chan- gement de société, le choix d’un modèle économique insulaire se trouve naturellement au coeur de la réflexion.

Pour avancer dans cette construction, il faut commencer par invalider les notions de handicap structurel que les «continentaux» fixent comme limite au développement des petits territoires insulaires : l’éloi- gnement des centres de l’économie, la faible superficie du territoire, la taille de la population, l’étroitesse du marché, etc.

La réussite de petits territoires insulaires comme l’île de Barbade dans la Caraïbe, contredit cette approche. Les atouts de l’insularité peuvent être sa position stratégique à la fois carrefour et étape sur les routes maritimes.

Promouvoir le développement insulaire exige de repenser la politique de transfert qui est pour l’heure un choix politique extérieur, avec pour objectif d’éliminer l’économie assistée et de renforcer les capacités productives du territoire.

L’enjeu c’est d’exploiter les atouts naturels et humains de notre terri- toire dans une démarche rationnelle et planifiée selon un modèle éco- nomique diversifié de type mixte.

La réussite de notre archipel réside aussi dans sa capacité à évoluer dans l’environnement qui l’entoure.