Carnaval capitolien !

Début janvier, nous assistons généralement à des défilés de groupes dans les artères des villes et communes de la Guadeloupe : c’est le Carnaval, période au cours de laquelle on inverse les rôles, et où on est dans la dérision.

Le carnaval capitolien auquel nous avons eu droit le 6 janvier 2021, dans ce que le Président français a appelé le «temple séculaire de la démocratie américaine» a été orchestré par un homme politique antisystème - signe marqueur de l’inversion des rôles - et mis en oeuvre par des anti «héros modernes», engoncés dans leur peau de bête… pour certains…

Difficile pour l’Amérique qui, du Big stick au Soft Power, s’est toujours voulu gardienne du monde dit civi- lisé, étendard de la liberté déployé sur la «barbarie».

Certes, ce n’est pas l’équivalent de cette nuit du 6 février 1934 qui vit en France les ligues marcher sur le Palais-Bourbon en criant «À bas la République parlementaire !».CE N’EST PAS NON PLUSLE PUTSCH RATÉ D’HITLER À MUNICH

Il serait d’ailleurs tout à fait injuste d’attribuer à ces événements de janvier, un caractère unique, dans la mesure où dans beaucoup de pays, des parlements ont été pris d’assaut. C’est le cas au Guate- mala où plusieurs dizaines d’émeutiers avaient carrément mis le feu pour marquer leur refus de l’adoption du budget.

Il faut se rappeler aussi le saccage de la Chambre, en Arménie par des manifestants qui contestaient la signature d’un cessez-le-feu au Nagorny - Karabakh… de même, qu’il ne faut pas oublier l’envahisse- ment du siège des institutions, au Kirghizistan en guise de contesta- tion du résultat des législatives. Dans ce contexte de Covid, des manifestants anti masques avaient dévoilé leur intention d’attaquer le Reichstag, siège du Bundestag à Berlin.

Pas très loin de chez nous, en Haïti, les images d’un Parlement en bataille ont aussi impres- sionné, tout comme celles de cen- taines de manifestants faisant irruption dans le Parlement de Macédoine, mécontents de l’élec- tion qu’ils estimaient injuste du président de l’assemblée. Etc.

Le fait est que, c’est l’Amérique qui délivre les bons points, en trouvant certains agissements vertueux, comme l’auto proclamation de Juan Guaido au Venezuela, tandis que d’autres seraient tout simplement des attaques contre la démocratie. C’est ainsi que les États-Unis d’Amérique se taisent quand un coup d’État en Bolivie chasse un Président largement réélu dès le premier tour, quand des mani- festations de nantis au Brésil évincent du pouvoir le Parti des travailleurs pour permettre un retour de l’extrême droite. Etc.

L’invasion du Capitole, un retour de bâton, c’est simplement l’expres- sion d’une société violente de cow- boys où on a le droit de s’armer et d’exporter sa violence belliqueuse, hors de son «charnier natal» contre le reste de la planète qui n’accepte pas la domination américaine.

La violence politique des États-Unis d’Amérique fait donc partie de l’éthos de ce pays qui s’est retrouvé face à ses fondements, dans une inversion des rôles où les méchants n’étaient pas ailleurs comme d’habi- tude, mais bien à l’intérieur.

Joe Biden, allié des GAFAM, de Wall Street et du monde de la finance aura beau dire, pour cal- mer la situation, que l’Amérique est un «un peuple béni par la démocratie», c’est simplement oublier que Tocqueville déjà disait que le modèle américain n’était pas à suivre.

Quant à nous, dans notre pays où la connivence née de l’habitation est souvent au centre du champ poli- tique, il convient de se garder des comportements populistes cons- truits sur nos frayeurs pusillanimes et qui privilégient l’affichage média- tique au détriment de toute réflexion qui engagerait la Guade- loupe vers sa réelle émancipation.