Des incendies que l’on peut éviter… Si seulement…

Cela devient insupportable, ces incendies qui se répètent d’une commune à l’autre, en particulier les plus importantes de la Guadeloupe, parmi lesquelles on peut citer Pointe-à-Pitre, Basse- Terre, Les Abymes, Le Moule, Saint-François, Petit-Bourg

Les causes sont diverses, par- fois même très banales, tel l’incendie récent cau- sé par l’oubli de débrancher un fer à défriser. Ils sont souvent accidentels, dus à l’état du réseau électrique. Plus rarement criminels. Assez souvent aussi le fait de squatters ou de sans domicile fixe (SDF).

L’évènement est tragique quand on déplore malheureusement des vic- times. Et à cela s’ajoute secondaire- ment des situations qui touchent à l’économie, au social. En effet, en quelques minutes, des patrimoines immobiliers et des outils de travail, fruits de dizaines d’années de sacrifice, partent en fumée avec pour consé- quences, le désarroi de plusieurs familles, face au chômage, la perte du logement, la perte de revenus et de documents très importants. Tout est à reconstruire et commence alors un véritable calvaire.

Le dernier incendie qui a ravagé plu- sieurs maisons dans le centre-ville de Le Moule a clôturé l’année 2020, le mercredi 30 décembre. Il n’a heureuse- ment causé que des dégâts matériels très importants.

C’est donc la consternation, très sou- vent, de voir réduites en cendres, des bâtisses anciennes en bois, mixtes ou en dur, qui représentaient de véritables monuments, compte tenu de leur his- toire multiséculaire. Des témoins muets mais exprimant, par leur archi- tecture, un passé colonial et qui fai- saient partie néanmoins du patrimoine immobilier de la Guadeloupe. Au-delà de leur valeur vénale, ils avaient une valeur affective, aussi subjective qu’elle puisse l’être, pour leurs propriétaires ou les héritiers. Certaines de ces bâtisses sont classées, au fil des ans.

Il conviendrait par conséquent que toutes les autorités, tant locales qu’au niveau de l’Etat, mettent en oeuvre une véritable politique pour prévenir de telles catastrophes.

Dans notre numéro 761 du jeudi 08 février 2018, sous le titre «Droits de succession : Une procédure à humani- ser», nous avons exposé les problèmes fondamentaux que rencontrent les familles, à la suite d’un décès, pour régler l’obligation de déclarer la succes- sion, dans le délai légal imparti. Nous avons appelé les parlementaires à pren- dre en charge ce dossier, pour une légis- lation facilitant ces démarches. Nous renvoyons nos lecteurs à cet article. La loi Serge Leitchimy n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 qui établit le vote majoritaire des héritiers pour régler l’in- division est, certes, une avancée mais ne vise qu’un aspect du problème.

La Guadeloupe, est un pays de risques naturels : volcaniques, sismiques, cyclo- niques, notamment. On peut compren- dre que de tels phénomènes, prévisi- bles ou non, jettent dans le dénuement, du jour au lendemain.

Par contre, ces incendies dont il est question, il faut l’affirmer sans am- bages, pourraient être évités si seule- ment… Oui, éviter si seulement :

- Les propriétaires se résignaient, avec courage, à régler leur succession, avant leur disparition, pour éviter, en particu- lier, tout conflit d’héritage

- Les différents héritiers mettaient toute la volonté pour s’accorder, afin de ne pas laisser à l’abandon le patrimoine acquis par leurs parents, au prix d’impor- tants sacrifices. Trop souvent, en effet, se vérifient le dicton de notre compa- triote parolier : «Sé lè moun ni byen a séparé ou ka vwè ki moun ki byen». Il faut être pénétré du fait que, protéger, conserver autant que possible le patri- moine légué en héritage, même quand sa valeur est surtout affective, est incon- testablement un geste de respect, de sauvegarde de son identité et de ses racines : «sé la lonbrik anmwen téré».

- L’Etat avait une attitude plus compré- hensive, plus humaine, plus collabora- tive à l’égard des héritiers, à la suite d’un décès, et ne se montrait pas, par le biais des services des impôts, soucieux seu- lement de percevoir sa part de l’héri- tage. Dans les six mois suivant la date du décès, les héritiers doivent déposer une déclaration exhaustive des biens ayant appartenu au défunt, en préci- sant leur nature et leur valeur car, c’est en fonction de cette dernière que les droits de succession seront évalués par les services des impôts. Ces formalités de déclaration de succession entraî- nent de multiples dépenses, non pré- vues au budget, auprès des notaires et des experts immobiliers, notamment. Et, quelle que soit la situation de ceux qui sont concernés par cette succes- sion, ils devront respecter le délai de paiement de ces droits de succession, avec des lourdes pénalités, en cas de retard. Le seul moyen de s’en sortir étant de renoncer à l’héritage.

On comprend alors que, pour toutes ces raisons, indivision ou complexité des démarches à entreprendre, parfois sans aucun document attestant que le défunt est bien propriétaire du bien ou répertoriant l’ensemble des héritiers, le bien peut rester dans un état d’aban- don, constituant des «dents creuses», en pleine agglomération ou dans des secteurs plus retirés, pendant de très longues années, avec tous les risques que l’on connait.

C’est pourquoi, nous suggérons, encore une fois, la mise en place, au niveau des services fiscaux, d"un gui- chet spécifique, dédié à ces problèmes, pour écouter, conseiller les héritiers et prendre des décisions justes et équita- bles, en collaboration étroite avec le notaire chargé de liquider la succession.

Nous affirmons que cela contribuerait, non seulement à la perception par l"Etat des droits de succession mais aussi à changer l"image de certaines agglomérations, défigurées par la vétusté de certaines maisons et à réduire voire supprimer les risques de pertes en vies humaines et de patri- moines immobiliers par des incendies.