ÉDUCATION NATIONALE :Faut-il «brûler» les turbulents ?

«L"éducation est la première priorité nationale. Le service public de l"édu- cation est conçu et organisé en fonc- tion des élèves et des étudiants. Il contribue à l"égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d"apprendre et de progresser. Il veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des éta- blissements d"enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l"école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s"enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la commu- nauté éducative». Ainsi fut écrit et l"on crut que cela aurait suffi.

Mais, retranchée dans ses terribles contradictions, mue par ses mis- sions inavouables, la société dans laquelle nous vivons a littéralement transformé la réalité des humains. Les valeurs soutenant les relations ont disparu, les principes de base guidant nos attitudes ne sont plus légion, les références n’existent plus laissant la place à une jungle humaine où la lutte pour le profit faisant fi de toutes les considéra- tions reste le seul objet de vie.

Cette société inégalitaire reproduit sa ribambelle d’inégalités garantis- sant sa pérennité au détriment de cette armée de ces gens qu’on appelle prolétaires obligés de survi- vre pour vivre.

Et l’école fait partie de ces «fabriques» qui reçoivent, trans- forment et rejettent des soldats pour les besoins de la cause.

Produit par excellence de cette société, cette école reproduit ces mêmes inégalités et toutes allu- sions à des références ou autres études viendraient confirmer cette affirmation.

Bien sûr dans cette école de la République, scolarité obligatoire étant, se retrouve par endroits, une mixité sociale mettant à nu et en exergue d’énormes difficultés de cohabitation.

Car l’école, cette école, notre école ne peut être sanctuaire au milieu d’un champ de bataille. Elle est un petit coin de notre vaste espace sociétal telle une scène réduite de spectacles connus.

Alors oui, il peut se trouver un petit garçon, même pas 10 ans, terrori- sant une «armée éducative». Et l’institution, «devant assurer la sco- larité inclusive de tous les enfants», se doit de prendre toutes disposi- tions pour l’accueil, l’accompagne- ment et l’éducation de cet enfant.

Cela signifie en clair que l’école devra prendre en compte les difficultés comportementales et/ou d’appren- tissage de l’élève dans la classe mais aussi durant les moments de vie sociale incluant restauration scolaire, récréations, sorties…

Cela suppose certainement que cet enfant bénéficie de la mise en place d’un cadre particulier dans le domaine relationnel qui lui garan- tisse une certaine écoute, des échanges voire de la bienveillance.

Cela exige une réelle implication des parents pour un «partenariat intelli- gent» tenant compte des réalités et moyens économiques, intellectuels, culturels, psychologiques favorisant un dialogue réel et constructif.

Cela pourrait sous-entendre l’existence de projets et d’ac- tions mettant en cohérenceles attitudes de tous les intervenants pédagogiques et éducatifs.

Tout un projet donc, dont la mise en oeuvre relève on l’aura compris de dispositions dépassant largement les louables intentions gravées des textes et règlements officiels.

A l’analyse, force est de constater que l’école n’offre pas les besoins de sa politique, elle n’est pas conçue pour permettre aux acteurs qui s’y meuvent de donner la pleine mesure de leurs capacités et répon- dre ainsi aux exigences pompeuse- ment affichées.

L’école que nous connaissons est victime ou corollaire d’un système économique basé sur la course au profit, la croissance et la consom- mation à outrance générant bien évidemment des comportements déviants et parasites.

Elle est, cette école, incarcérée dans un système scolaire privilégiant encore une vision passéiste, en dépit des discours drapés de modernisme, acceptant trop facile- ment l’échec comme fatalité et la soit disant réussite scolaire comme seul passeport pour une insertion programmée.

Une école qui, surtout, n’offre mani- festement à ses enseignants ni les moyens indispensables en terme de formation initiale et continue (péda- gogie moderne, psychologie de l’en- fant, communication, gestion de groupes…), ni l’indispensable valori- sation de cette mission d’enseigner.

Chez nous, le coefficient colonial exacerbe au quintuple les pro- blèmes évoqués et l’on est à se demander si, trop souvent, le petit turbulent de 10ans à peine, n’est pas plutôt victime des vio- lences de l’institution.

En fait, il ne faut pas le brûler car, «Si un enfant ne peut apprendre de la façon dont nous lui apprenons, peut-être devrions-nous lui ensei- gner de la façon dont il apprend».