PATRICE LUMUMBA :Le soutien de la Belgique à la dictature de Mobutu (3 è me partie et fin)

L’armée belge est intervenue à deux reprises au Congo pour aider Mobutu et son régime dictatorial à mettre fin à des actions de résistance d’organisa- tions lumumbistes, la première fois en novembre 1964 avec l’opération Dragon Rouge et Dragon Noir respectivement à Stanleyville et à Paulis. A cette occasion, l’opération a été menée conjointement par l’armée belge, l’armée de Mobutu, l’État-major de l’armée des États-Unis et des merce- naires parmi lesquels des Cubains anti-castrites.

D ans un discours prononcé à l’assemblée générale des Nations unies en novembre 1964, Ernesto Che Guevara avait dénoncé cette intervention. Il l’a aussi dénoncée dans un discours prononcé à Santiago de Cuba en disant : «Aujourd’hui, le souvenir plus présent, plus poignant que tout autre est certainement celui du Congo et de Lumumba. Aujour- d’hui, dans ce Congo si éloigné de nous et pourtant tellement présent, il y a une histoire que nous devons connaître et une expérience qui doit nous être utile. L’autre jour, les parachutistes belges ont pris d’as- saut la ville de Stanleyville».(Extrait du discours de Che Guevara à Santiago de Cuba, le 30 novembre 1964, à l’occasion du 8 ème anniversaire du soulèvement de la ville mené par Frank País).

La deuxième intervention de l’ar- mée belge s’est déroulée à Kolwezi au coeur de la région minière du Shaba (Katanga) en mai 1978 en collaboration avec l’armée française et celle de Mobutu. La justice belge n’a toujours pas rendu de jugement sur l’assassinat de Lumumba.

L’affaire n’a pas été classée grâce à l’action de tous ceux et de toutes celles qui veulent que justice soit rendue. La famille de Lumumba continue son action pour exiger la vérité. Un juge d’instruction belge est toujours en charge de l’affaire car l’assassinat a été qualifié de crime de guerre pour lequel il n’y a pas de prescription. Et comme le souligne l’avocat de la famille, Christophe Marchand, cité par la RTBF le 23 juin 2011 «les principaux commanditaires sont morts aujourd’hui (…) mais d’anciens conseillers et attachés de cabinet du ministère des Affaires étrangères sont toujours vivants».LUMUMBA : UNE FIGUREDEVENUE EMBLÉMATIQUE

La figure de Lumumba a traversé l’histoire et constitue encore aujourd’hui un exemple pour tous ceux et celles pour l’émancipation des peuples. Lumumba n’a jamais capitulé. Sa popularité était telle sous le régime du dictateur Mobutu que celui-ci a décrété en 1966 que Patrice Lumumba était un héro national. Non content de l’avoir renversé en septembre 1960 puis d’avoir été un des prin- cipaux organisateurs de son assassinat, il a essayé de s’appro- prier une partie de son aura. Le jour de son exécution, le 17 jan- vier, est un jour férié au Congo- Kinshasa.

À Bruxelles, suite à des années d’ac- tion des militant·es anti-colonia- listes, le conseil municipal de Bruxel- les-Ville a voté le 23 avril 2018 la création d’une place Patrice- Lumumba, qui a été officiellement inaugurée le 30 juin de la même année, date du 58 ème anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo.

Cela est bien peu de chose. Au-delà de dire la vérité sur la lutte de Lumumba et d’exiger que justice lui soit rendue, l’important est de pro- longer son combat et celui de tous les Congolais et Congolaises qui ont lutté et luttent pour qu’on mette fin à toutes les formes de spoliation, d’oppression et d’exploitation.

C’est pourquoi, le CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde) considère que les autorités de la Belgique doivent :

- Reconnaître publiquement et nommer l’ensemble des méfaits et crimes commis par Léopold II et le royaume de Belgique à l’en- contre du peuple congolais, et de lui adresser en conséquence des excuses officielles ;

- Approfondir un travail de mé- moire, en impliquant les acteurs concernés, tant dans l’enseigne- ment que dans les activités d’éduca- tion populaire, en passant par les espaces institutionnels ;

- Procéder à une restitution de l’ensemble des biens culturels congolais; - Soutenir activement une remise en cause de tous les symboles colo- nialistes dans l’espace public belge ;

- Réaliser à un audit historique de la dette afin de procéder à des répara- tions et rétrocessions financières inconditionnelles pour les montants p erçus en conséquence de la coloni- sation du Congo ;

- Agir au sein des instances multila- térales (Banque mondiale, FMI, Club de Paris, etc.) afin que leurs membres procèdent à une annula- tion totale et inconditionnelle des dettes odieuses de la République démocratique du Congo ; - Soutenir publiquement tout moratoire sur le remboursement de la dette qui serait décrété par le gouvernement congolais afin d ’améliorer le système de santé public et de faire face à l’épidémie de Covid-19 et d’autres maladies q ui provoquent des décès qui sont tout à fait évitables si les dépenses de santé publique étaient nette- ment accrues.

Le CADTM apporte son soutien aux différents collectifs qui en Belgique convoquent des actions dans la fou- lée de Black Lives Matter et tous ceux qui agissent sur le thème de la mémoire coloniale. Le CADTM apporte son soutien au peuple congolais pour faire face aux conséquences sanitaires, économiques et sociales de la c rise du Covid-19. Malgré les dik- tats des créanciers et les graves manquements des gouverne- m ents congolais successifs qui se traduisent par une sévère répres- sion et un déni flagrant des droits humains fondamentaux, les mou- vements sociaux congolais résis- tent. Le CADTM apporte son sou- tien à ces luttes qui visent à faire triompher la justice sociale.

C et article a été publié sur le site du Comité pour l’annula- t ion de la dette du Tiers-monde (CADTM).