Le ministre Lecornu a franchi la ligne jaune !

Les Guadeloupéens qui suivent l’histoire de la vie politique ont certainement en mémoire, ce grand cirque sur les libertés locales tenu au World Trade Center le 18 janvier 2003, où, parlant du changement institutionnel, la ministre de l’Outre-Mer de l’époque, Madame Brigitte Girardin intima aux élus guadeloupéens ce diktat : «L’article 73, c’est la ligne jaune à ne pas dépasser».

Depuis 18 ans, Brigitte Girardin est passée à autre chose. Beaucoup d’élus qui se sont soumis à son arrogance et qui sont encore en politique n’arrivent tou- jours pas à se libérer de ce diktat. Ils n’osent toujours pas à sauter cette ligne. 18 ans après, Monsieur Lecornu, ministre de l’Outre-Mer roulant lui à contre- sens, a franchi la ligne jaune, l’article 72.3 de la Constitution française, en ini- tiant une loi inique sur la gestion de l’eau en Guadeloupe, portée par deux parlementaires félons. Se rendant compte que son infraction n’allait pas atteindre son objectif, il embarque, le 22 février, le président Ary Chalus, dans une manoeuvre risquée pour tenter de déchirer la voilure hissée par les élus guadeloupéens voguant consensuellement depuis le 30 décembre 2020 vers la création du Syndicat mixte ouvert (SMO).

Dans la lettre adressée au président Ary Chalus le 22 février et qui serait, selon le ministre, la traduction de la feuille de route pour la mise en place du SMO qu’ils auraient élaborée à deux, sont étalés, sans aucune retenue, arrogance et mépris envers les élus politiques, les collectivités locales, les cadres et techniciens guadeloupéens.

Les Guadeloupéens ont du mal à croire que le président du Conseil régional Ary Chalus se serait prêté à cette forme de collaborationnisme inqualifiable. Entendant siffler le vent de la colère, dans une déclaration faite le 4 mars 2021 devant la commission départementale de coopération intercommu- nale qui a acté la création du SMO, le président a pris ses distances avec la feuille de route contenue dans la lettre du ministre.

Il a déclaré notamment : «Le Ministre peut dire ce qu’il veut. Je ne fais pas ce qu’on me dit. Ce sont les Guadeloupéens qui ont pris la décision. C’est nous qui allons décider de ce que nous voulons faire de ce SMO, sans qu’un ministre puisse se mêler».

Voila qui a le mérite d’être clair et qui signifie que le ministre aurait menti. Les préconisations contenues dans sa lettre ne seront donc pas introduites dans la phase préparatoire de la mise en place du SMO. Si ça devait se produire, il y aurait un deuxième menteur.

Dans cette affaire ubuesque, il faut bien reconnaître que le ministre, pétri dans le moule de la déloyauté a surfé sur les insuffisances et les divisions qui paralysent depuis longtemps les élus guadeloupéens et a instrumentalisé la souffrance réelle des usagers privés d’eau dans leur robinet.

Il a également bénéficié du soutien occulte de certains élus plus enclins à défendre leurs intérêts électoralistes mesquins et aussi des manigances de certains représentants proclamés des usagers prêts à toutes les trahisons pour obtenir un strapontin au conseil syndical de la gouvernance de l’eau. C’est à croire que le temps des «Pelage» n’est toujours pas révolu.

Cap Excellence qui sait aujourd’hui qu’elle n’a rien à attendre de la loi Benin- Théophile-Lecornu a le devoir de les priver de cet argument qu’ils ont vendu aux parlementaires français : l’incapacité congénitale des élus guadelou- péens à trouver un consensus sur la gestion de l’eau en Guadeloupe. Il doit prendre sa place dans le Syndicat mixte ouvert déjà créé en Guadeloupe par les Guadeloupéens.

Le Président Macron peut encore sauver l’honneur de la République en ne promulguant pas la loi Benin- Théophile-Lecornu, déjà caduc avant son adoption définitive.