L’équilibre de la population guadeloupéenne est-il menacé ?

Une question qui, à n’en pas douter, peut susciter beaucoup de polémiques. Et pourtant ! Que nos compatriotes se rassu- rent ! Le Parti Communiste Guadeloupéen, Parti internatio- naliste par essence, trahirait son idéologie Marxiste-Léniniste, en faisant oeuvre de racisme, de xénophobie ou autre haine des étrangers. D’ailleurs, c’est le point bien levé qu’il rappelle, avec forte conviction, chantant son hymne révolutionnaire à la gloire des travailleurs du monde entier, hymne rentrée dans l’his- toire depuis : «L’Internationale sera le genre humain».

C eci dit, cette préoccupation qui tonne, mais en silence, de plus en plus dans le cra- tère cérébral des Guadeloupéens, mérite d’être traduite par une telle question. Et, c’est simplement ce que nous faisons pour rester fidèles à notre historique slogan : «Tout le monde le pense, mais l’Etincelle le dit».Ainsi, le débat est ouvert, en toute objectivité, sans langue de bois, sans politique de l’autruche, sans «masko»intellectuellement. Mais, sous quel angle l’aborder ? Cérébral ? Economique ? Culturel ? Ethnique ? Numérique, par rapport aux tranches d’âge ? Révolution- naire ? Nous tenterons d’éclairer nos lecteurs mais nous leur laisse- rons la liberté de réponse.

LA POPULATIONGUADELOUPÉENNE AU REGARD DE SON HISTOIRE

Cette formulation, «l’équilibre de la population guadeloupéenne», pourrait légitimement s’entendre, consciemment ou inconsciem- ment, en termes d’équilibre céré- bral, vu toutes les souffrances endurées par tous ceux qui ont fer- tilisé cette terre. Ceux qui relèvent d’une politique esclavagiste et d’une politique trompeuse d’enga- gés espérant trouver un Eldorado. Ce n’est point le cas. La population guadeloupéenne «pa pèd tèt ay», a bien la «tête sur les épaules», en dépit du fait qu’elle est souvent gazée au gaz lacrymogène, meur- trie dans sa chair par des fusillades, impactée par divers cataclysmes naturels, empoisonnée au chlordé- cone. Les actions révolutionnaires ou de révolte contre la pwofitasyon sont la preuve de cet équilibre. La capacité de résilience a été toujours mise à l’épreuve avec succès. Que de Guadeloupéens émérites font preuve de leurs capacités intellec- tuelles, de leur intelligence, savoir et savoir-faire dans tous les domaines, quel que soit le niveau scolaire atteint ou le cursus universitaire ! Sous l’angle cérébral, ce n’est donc pas de la folie ; ni de la paranoïa, ni de la schizophrénie. La Guadeloupe«pa tèbè, pa brak». Donc cet équili- bre cérébral de la population guade- loupéenne n’est pas menacé.

Il faut dire que, jusqu’à l’époque où le vivre ensemble s’avérait implicite- ment une obligation de la commu- nauté, cette résilience était favori- sée, par une franche solidarité pour préserver des maux de toutes sortes et qui se traduisait par exem- ple, par : «vwazin, voyé zié anlè sé ti moun-la ban mwen, en ka sòti», et la garde des enfants était assurée par un voisin ; «Sé yonn a lòt» et le champ de cannes était coupé par l’entraide généreuse ; «bay coco pou savon» et la nourriture était assurée par des échanges de pro- duits du jardin ; «linj sal ka lavé an fanmi», et il n’y avait pas d’étalage des difficultés familiales sur la voie publique. Cette propension à l’en- traide, à la convivialité, à l’hospita- lité, a permis d’accueillir, à bras ouverts, d’autres humains, en par- ticulier ceux qui ont fui un état de guerre ou d’instabilité politique et qui sont restés dans la discrétion, mais avec la motivation de contri- buer à la mise en valeur de ce pays, de s’adapter à l’existant, de parta- ger les cultures, dans le respect de l’identité et l’amitié des peuples.

LA POPULATIONGUADELOUPÉENNE AU REGARD DE SON ÉCONOMIE

C’est évidemment en nous référant aux statistiques de l’Institut national de la statistique et de l’évolution de l’économie (Insee), qu’une réponse, d’ailleurs connue de tout le monde, peut être apportée. Nous lisons :«En 2019, la balance commerciale de la Guadeloupe, structurellement déficitaire, s’établit à -2,7 milliards d’euros. Le déficit augmente ainsi de 88 millions d’euros en un an. Les importations, en progression de 2,9%, en sont les principales respon- sables. Les exportations baissent de 1,6% et participent de façon plus limitée à la dégradation de la balance commerciale, puisque leur volume ne représente que 10% de celui des importations». En ayant, de plus en plus conscience des problèmes de la banane, de l’industrie sucrière avec une épée de Damoclès sur l’usine de M arie-Galante, de la mise en cause de l’octroi de mer, on ne peut que s’attendre à une accélération de la d escente de la courbe de l’écono- mie. Alors, oui, l’équilibre de la population de la Guadeloupe est menacé dans son économie.L A GUADELOUPE AU REGARDDE SA DÉMOGRAPHIE

Là aussi, le «bât blesse» et beau- coup plus gravement. Et, c’est aussi en nous référant aux statis- tiques de l’Insee que nous pouvons répondre. Ces statistiques nous enseignent, qu’en 2017, la popula- tion de la Guadeloupe, si on globa- lise des tranches d’âge, est la sui- vante : de 0 à 29 ans : 35,5% ; de 30 à 75 ans ou plus : 64,5%.

Elle passe d’ailleurs de 400 586 habitants en 2007 à 390 253 habi- tants. Le taux de natalité, de 1968 à 1995 est de 34,9%. La courbe, irré- gulière dans sa chute, passe à 12,4% de 2012 à 2017, pour attein- dre 11,3% en 2019.

Ces paramètres conduisent à répé- ter que la population de la Guadeloupe est vieillissante. Les causes, nous les connaissons. Faute de pouvoir occuper sa place, la jeu- nesse s’en va, souvent sans l’inten- tion ou l’espoir de retourner, exode entreprise dans un but bien précis par des gouvernements, depuis la création du Bumidom, faisant place à des allogènes qui s’installent sur cette oasis de rêve, émergée en toute beauté sur la mer des Antilles. La seule motivation apparente de ces allogènes : fuir les mauvaises conditions climatiques et en trouver de meilleures pour faire fructifier leurs affaires, profiter du soleil, de la mer et autres attraits, jouir d’une paisible retraite, dans l’immédiat ou à terme. Et pour cela, ils ne tardent pas à dégainer des velléités pour obtenir, d’une manière ou d’une autre, l’interdiction de tout ce que ce pays connait comme «mès é labi- tid», des moeurs et habitudes qui ont scellé pourtant au quotidien et durant des siècles, les rapports humains sur cette terre ancestrale et qui ont fait un peuple ou en d’au- tres termes, une nation sans Etat.

N’est-ce pas Aimé Césaire de renommée mondiale qui, le pre- mier, a parlé de «génocide par subs- titution» ce que témoignent les réa- lités suivantes «le coq ne doit plus chanter» ; le ferreur de chaussures doit évacuer le trottoir ou alors je lâche mon chien en lui disant : «Vas embrasser le nègre», à l’instar d’un certain Srinsky à Basse-Terre ; «les tambours ne doivent plus rouler et raisonner» ; «la voiture à pain ne d oit plus s’annoncer pour approvi- sionner» ; «les senteurs de la bonne cuisine créole ne doivent plus déranger». Quant aux maisons de divinités, «au diable faut-il les e nvoyer», et nous en passons…

Est-il besoin de rappeler seule- m ent que, les Arawaks qui ont été les premiers à occuper cet archi- pel, étaient empreints d’une grande sagesse et vivaient en par- faite harmonie avec la nature. Combien nous apprécions les roches gravées qu’ils nous ont lais- sées ! Les Caraïbes se seraient ins- tallés dans les effets des Arawaks et ont baptisé Caloukéra, «cette île aux belles eaux», cette eau qui manque aujourd’hui cruellement, par spoliation.

Ces Caraïbes ont été exterminés peu après l’arrivée de Christophe Colomb et ses 1 500 hommes, quand ils mirent pied à terre, le 04 novembre 1493. Ils les firent reculer d’une île à l’autre. Quelques-uns ont survécu heureusement, en se réfu- giant à La Dominique. On connait la suite du peuplement et cela est indépendant de la volonté de ceux qui ont été nommés des esclaves, plus précisément, qui sont des Africains réduits en esclavage. Nous partageons mutuellement, avec bonheur, nos coutumes, en é voquant notre histoire, quand nous avons l’opportunité de nous rencontrer sur cette terre de G uadeloupe ou dans leur refuge de La Dominique.

ALORS, LA GUADELOUPE À PLUSOU MOINS LONG TERME

Cette dialectique conduit donc, en toute légitimité, à trouver une réponse à la question cardinale :«L’équilibre de la population guade- loupéenne est-il menacé ?».

C’est pour éviter que «les mêmes causes ne produisent les mêmes effets» que tous les Guadeloupéens ont compris mais regrettent cette nécessité de l’exode des jeunes pour s’accomplir ailleurs. Ils ne sont pas prêts d’oublier ce qui s’est passé et qui se passe en Nouvelle Calédonie et dans d’autres pays. Ils insistent alors pour que cette jeunesse revienne dans son pays Guadelou- pe, pour occuper sa place, toute sa place, sur la terre de ses ancêtres. Nous lui faisons confiance.

Ces éclairages étant apportés, la liberté de répondre à la question cardinale est laissée à chacun qui doit ouvrir les yeux et les oreilles, pour cocher l’une ou l’autre des deux cases «Oui» - «Non» de chaque rubrique, dans la plénitude de sa conscience.