Les pandémies et autres chocs de l’histoire

C ertes, une tragédie mondiale comme la pandémie de Covid-19 a réveillé un moment la conscience que nous constituons une communauté mondiale qui navigue dans le même bateau, où le mal de l’un porte préjudice à tout le monde. Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble. C’est pourquoi j’ai affirmé que la tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agen- das, nos projets, nos habitudes et priorités. A la faveur de la tempête, est tombé le maquillage des stéréotypes avec lequel nous cachions nos égos toujours préoccupés de leur image ; et reste manifeste, encore une fois, cette appartenance commune à laquelle nous ne pou- vons pas nous soustraire : le fait d’être frère.

Le monde a inexorablement progressé vers une économie qui, en se servant des progrès technologiques, a essayé de réduire les «coûts humains», et certains ont prétendu nous faire croire que le libre mar- ché suffisait à tout garantir. Mais le coup dur et inattendu de cette pandémie hors de contrôle a forcé à penser aux êtres humains, à tous, plutôt qu’aux bénéfices de certains. Aujourd’hui, nous pouvons recon- naître que «nous sommes nourris de rêves de splendeur et de gran- deur, et nous avons fini par manger distraction, fermeture et solitude. Nous nous sommes gavés de connexions et nous avons perdu le gout de la fraternité. Nous avons cherché le résultat rapide et sûr, et nous nous retrouvons opprimés par l’impatience et l’anxiété. Prisonniers de la virtualité, nous avons perdu le goût et la saveur du réel».

La douleur, l’incertitude, la peur et la conscience des limites de chacun, que la pandémie a suscitées, appellent à repenser nos modes de vie, nos relations, l’organisation de nos sociétés et sur- tout le sens de notre existence.

Mais nous oublions vite les leçons de l’histoire, «maîtresse de vie». Après la crise sanitaire, la pire réaction serait de nous enfoncer davan- tage dans une fièvre consumériste et dans de nouvelles formes d’auto-préservation égoïste.

Plaise au ciel qu"enfin de compte il n’y ait pas «les autres», mais plutôt un «nous» ! Plaise au ciel que ce ne soit pas un autre épisode grave de l’histoire dont nous n’aurons pas su tirer leçon !

Plaise au ciel que nous n’oublions pas les personnes âgées décédées par manque de respirateurs, en partie comme conséquence du démantèlement, année après année, des systèmes de santé !

Plaise au ciel que tant de souffrances ne soit pas inutile, que nous fas- sions un pas vers un nouveau mode de vie et découvrions définitive- ment que nous avons besoin les uns des autres et que nous avons des dettes les uns envers les autres, afin que l’humanité renaisse avec tous les visages, toutes les mains et toutes les voix au-delà des frontières que nous avons créées.Tiré de la lettre encyclique Fratelli Tutti sur la fraternité et l’amitié sociale (2020)PAR LE PAPE FRANÇOIS