Au Brésil Lula est libre de reprendre sa vie politique
Incarcéré en 2018, en pleine campagne électorale des prési- dentielles, Lula a vu une pre- mière fois son avenir d’éclaircir en 2019, lorsqu’un juge de la Cour suprême l’a remis en liberté pour vice de procédure. Récemment il vient de rempor- ter une deuxième victoire, la Cour suprême ayant statué (à trois juges contre deux) que le tribunal qui l’avait jugé n’avait pas la compétence de le faire.
UNE DÉCISION IMPORTANTEMAIS INSUFFISANTE
La décision prise par la Cour suprême du Brésil a fait l’effet d’une bombe. En effet en annulant quatre condamnations qui le visaient l’insti- tution a permis à Lula de reprendre sa vie publique, et de se présenter aux présidentielles de 2022, si tout reste en l’état. Mais Lula n’est pas pour autant innocenté contraire- ment à ce que certains ont hâtive- ment conclu. Car la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur le fond mais sur la forme, et en décidant que le tribunal de la ville de Curitiba était incompétent la justice suprême a repassé le «bébé» à un tribunal de Brasilia, qui doit rejuger Lula. L’histoire n’est donc pas finie. Par ailleurs de nombreux spécia- listes du Brésil ont fait remarquer que cette décision, comme d’autres depuis quelques temps, avait tout l’air d’une décision politique. En effet pourquoi intervient-elle seule- ment maintenant ?UNE POSSIBLE MACHINATIONPOLITIQUEIl n’est nullement exclu que cette décision ait beaucoup plus de zones d’ombre qu’on ne pourrait le penser. En effet en annulant la décision du tribunal de Curitiba, la cour suprême renvoie du même coup les plaintes contre le juge Moro qui avait statué dans ce jugement. Ce juge ultra-corrompu et partial avait été récompensé par Bolsonaro par le poste de ministre de la Justice, pour ses bons et loyaux services d’éviction de Lula pendant la cam- pagne de 2018. Depuis, on a su de quelle manière il avait rendu la jus- tice grâce à la presse. La décision de la Cour suprême protège donc le juge Moro des poursuites engagées contre lui. Mais ce n’est pas la seule zone d’ombre. Car en permettant à Lula de revenir en politique la déci- sion d’aujourd’hui remet en scène l’affrontement Bolsonaro -Parti des Travailleurs incarné par Lula. Or, même si Lula reste immensément populaire au Brésil, il n’est pas entiè- rement assuré d’une victoire, car la gauche n’est pas totalement unie. Il n’est donc pas exclu que cette annulation des condamnations soit pleine d’arrières pensées.
UNE SITUATION INQUIÉTANTEAU BRÉSIL
La situation sanitaire actuelle du Brésil est dramatique. L’épidémie est hors de contrôle. Le pays a à sa tête un cinglé qui joue avec la santé de son peuple comme le faisait Donald Trump, il y a peu. Las hôpi- taux sont débordés. Les pays voi- sins, Argentine, Venezuela, Pérou, Chili entre autres subissent les conséquences du chaos brésilien. Comme si cela ne suffisait pas Bolsonaro change de ministre de la Santé pour la quatrième fois. Et il continue à montrer son total dédain de la science et de la méde- cine en ironisant sur les vaccins qui pourraient transformer les patients en crocodiles. Mais le plus inquié- tant ne se trouve pas seulement dans la situation concrète du Brésil il est aussi dans l’état du corps électo- ral qui continue dans une propor- tion non négligeable de soutenir Bolsonaro. Certes, il a beaucoup perdu de son crédit, mais des mil- lions de Brésiliens sont encore prêts à voter pour lui.UNE LEÇON À RETENIR !
Qu’il s’agisse des élections améri- caines, où rappelons-le un déplace- ment de moins de 100 000 voix (sur près de 166 millions de votants) aurait donné la victoire à Trump, ou de la situation actuelle du Brésil ce grave danger pour la démocratie que sont les populistes- nationalistes-racistes comme Bolsonaro ne doit pas être sous- estimé. Car certains électeurs peu- vent très bien continuer à valider des politiques totalement anti- d émocratiques, une fois ces diri- geants au pouvoir. Il vaut mieux ne pas se faire d’illusion sur la lucidité d e certains, elle ne viendra pas spontanément et il faut continuer sans relâche le travail idéologique de conscientisation.
C’est à ce prix que nous préserve- r ons l’avenir de nos sociétés qui ont été fragilisées par la crise multi- forme que nous vivons. La liberté r endue à Lula pour reprendre son activité politique est une bonne nouvelle, mais il faut qu’il y ait der- rière une activité militante soute- nue pour transformer cette vic- t oire d’un homme en victoire pour tous les Brésiliens.