Collégiens conscients de leurs difficultés. Enseignants très engagés pour la réussite scolaire

Bien plus qu’une profession, le métier d’enseignant est tradi- tionnellement, avant tout, un sacerdoce qui participe à la for- mation des hommes pour en faire des citoyens responsables appelés à bâtir la société.

C ette devise se concrétise, chaque année, au collège de Gourdeliane, à Baie-Ma- hault, dans le cadre du dispositif national dit «Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS)». L’action qui s’est déroulée le mardi 30 mars 2021, de 10h00 à 12h30, dans la salle de restauration, à l’ini- tiative des chevilles ouvrières de ce dispositif : Madame Claire Broussil- lon, professeur de mathématiques, responsable de la coordination pédagogique de l’équipe discipli- naire; Monsieur Michel Mado, pro- fesseur d’éducation musicale, chargé des relations avec les parte- naires extérieurs, de la logistique et de la communication, en témoigne.

Il s’agissait d’une rencontre d’échanges d’élèves de troisième en difficulté, avec quatre profes- sionnels guadeloupéens :Madame Catherine Gustave chef d’entre- prise, dans le domaine du mobilier pour espaces collectifs, avec une partie BTP ; Monsieur Camille Vaïtilingon, chef d’entreprise en BTP, Monsieur Fabrice Calabre, chef d’entreprise agricole, d’éle- vage porcin et de restauration ; Madame le docteur Mona Hédre- ville, cardiologue

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Quatre professionnels qui ont pu, avec beaucoup de générosité, d’en- thousiasme et de conviction, retra- cer leur parcours, sans langue de bois, en s’appuyant parfois sur des enregistrements vidéos. Ils se sont attachés à faire prendre cons- cience, que la réussite relève, avant tout, de la volonté, de l’estime de soi, de l’amour dans ce que l’on fait et de ceux pour qui on intervient, et non du niveau des revenus que l’on peut en tirer.

Il convient de féliciter cette heu- reuse initiative qui, incontestable- ment, contribue à lutter contre le chômage et la précarité et à per- mettre que chaque jeune par- vienne à s’insérer. Nouvelles- Etincelles a interrogé l’un des res- ponsables du dispositif MLDS et les quatre intervenants.

Michel Mado : Cette manifestation est le fruit d’une réflexion. Pour cette séance durant les vacances de Pâques, on voulait présenter un for- mat se différenciant des heures classiques de mise à niveau et de révision. Elle vise à sensibiliser les gamins sur l’estime de soi, leur orientation, avec des personnes qui peuvent être des référentes, qui sont des modèles guadeloupéens de réussite. Ainsi, chaque élève pourra se dire que, «moi aussi, je peux être un professionnel dans tel ou tel corps de métier».

Il s’agit d’un regroupement de trente à cinquante élèves de troi- sième, volontaires, détectés en dif- ficultés, et avec l’accord des parents, pour leur donner le goût de la chose scolaire. Le dispositif dure toute l’année, avec des actions multiformes : sorties de cohésion, révision des acquis, fami- liarisation avec le jardin de plantes médicinales et d’arbres fruitiers.

Action financée par le rectorat, défendue par les enseignants du collège et inscrite dans le projet d’établissement, afin de lutter contre toutes les disparités et de fournir au maximum d’enfants des options de la réussite. Elle concerne toutes les disciplines mais, il n’y a ni formalisme, ni formalités. On tient compte des aptitudes des en- fants, telles des prédispositions pour les arts graphiqu

es, pour la musique, pour les sciences. L’ap- prenant est mis au centre de toutes nos démarches et atten- tion. On exploite le domaine où il a le plus de choses à dire «pouy pé sa réyoné : sé vwèman sa nou ka fè». Pour qu’il s’épanouisse, c’est vraiment ce que nous faisons.

Concernant notre rétribution, «sé dé bidgé ki pa jen trè oclè, ki pa finansé, pou lè moman. Sé pa sa ki an tèt an nou. Nou ka goumé pou sé zélèv-la. Si yo ban nouy, sé byen. Si yo pa ban nouy, nou ké ni lasatisfactyon dè vwè dé zélèv ka réisi é ki pa an lari- la». La question de notre rétribution n’est pas une priorité d’autant que ce budget n’est jamais très au clair. Notre seule satisfaction, dans tous les cas, c’est de voir réussir des élèves en difficultés et qui ne seront pas, demain, dans la rue.Catherine Gustave :Quand Mon-sieur Mado m’a sollicitée, j’étais très heureuse de pouvoir rencon- trer ces élèves en difficultés et leur dire, qu’à force de

courage, d’abnégation, on peut s’en sortir. Je suis très enthousiasmée de leur montrer que, chez nous aussi, on avait des modèles pour réussir. Cette rencontre a été très riche. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les questions des élèves. Cela nous a permis de comprendre quelle est la perception des élèves des chefs d’entreprises, de l’argent, du rap- port avec l’argent et quelque part aussi, de déconstruire certains cli- chés. J’espère qu’on leur a apporté des éléments à leur questionne- ment et de déconstruire le mythe du chef d’entreprise et de l’argent. Dès que je suis disponible, j’inter- viens très souvent, avec plaisir, au niveau des jeunes.

Camille Vaïtilingon : Dès que j’ai reçu l’invitation de Monsieur Mado et que j’ai constaté qu’il s’agissait du collège, je me suis dit que c’est bien. Notre politique, à part l’entreprena- riat local, est aussi de montrer aux jeunes qui sont les adultes de demain, que c’est possible de faire des choses et d’essayer d’apporter le maximum à son pays de Guadeloupe. J’étais très surpris par leur curiosité, émerveillé de consta- ter qu’ils s’intéressent au pays et à leur avenir. C’est la première fois que je fais une telle intervention mais je côtoie beaucoup de personnes et je trouve que la jeunesse s’intéresse de plus en plus au monde de l’entrepre-nariat. C’était une opportunité et je tiens à dire que si c’était à renouve- l er, je le ferais sans aucun problème.Docteur Mona Hédreville :Je suis toujours motivée, d ès qu’il s’agit de nos enfants. Mon métier de cardio- logue me conduit à la sensibilisation de la population, depuis l’école jusqu’à nos aînés, sachant qu’elle est atteinte très tôt par les maladies cardiaques. J’aime parler de mon parcours et entendre celui des autres. J’ai l’habitude d’in- tervenir au niveau de l’Education Nationale. Je prends de mon temps pour le faire car je considère que c ela fait partie de mon métier. Notre jeunesse a besoin de guides, de repères, Elle est notre reflet, notre futur. A partir du moment que l’on s’estime soi-même, on doit l’esti- m er. Je suis fière qu’elle a été très attentive aux témoignages des qua- tre adultes.Fabrice Calabre :J’ai toujours eu cette volonté de trans- mission aux jeunes. Dès lors qu’une occasion m’est pro- posée, je la saisis. Il s’agit d’un public bien ciblé qui en demande. J’ai eu l’occasion d’intervenir dans d ’autres établissements sco- laires et lors de colloques orga- nisées par différentes institu- tions pour des porteurs de pro- jets. Ce qui est important pour m oi, c’est de transmettre cette image du Guadeloupéen qui s’est construit en Guadeloupe, avec les éléments qu’il avait, et qui parvient. J’ai eu des enfants attentifs, qui posaient des ques- tions. Je craignais qu’en raison des vacances, ils fussent plutôt embêtés d’être là. Ce n’était pas le cas du tout. Ils étaient vrai- ment motivés et si c’était à refaire je le referais.