Osons faire preuve de courage politique

N otre présent n’augure pas d’un avenir radieux pour les générations futures. Je re- connais au demeurant que devant la multiplicité des faits quotidiens attentatoires à notre dignité, les organisations syndicales singuliè- rement l’UGTG et la CGTG sont aujourd’hui les seuls garants du respect de la personnalité guade- loupéenne.

Cela étant, mon propos n’est pas de faire le procès de ceux qui ont opté pour la chose publique, mais de ten- ter selon une perspective objective d’éclaircir le paysage politique gua- deloupéen parsemé de nuages et parfois d’orages.

C’est une évidence qu’on ne peut récuser : l’absence des commu- nistes se fait sentir dans les assem- blées délibérantes. On se rend par- faitement compte du vide que cause de ce fait la non-représenta- tion des masses populaires et du monde progressiste au sein de ces instances. Le comportement de nos élus actuels fait partie hélas, des phénomènes de société édifiants qui jalonnent notre quotidien.

Ce qui caractérise le marasme dans lequel nous sombrons, c’est que les responsables politiques s’engagent de plus en plus dans la voie de la col- laboration avec le pouvoir et ne peuvent du fait de leur acquiesce- ment injustifié à la politique gouver- nementale manifester la moindre opposition ; - ravalés sont-ils au rang de fonctionnaires - a fortiori e ntamer un dialogue avec l’Etat français quant à la problématique d’une évolution statutaire, à la diffé- rence de ceux d’autrefois dont la contestation fut une constante de l eurs fonctions d’élus tant au niveau parlementaire que local.

E n fait, quoi que nous fassions nous subissons le poids d’une oppression multiforme. Aussi convient-il d’es- sayer de réfuter une argumentation qui plaide en faveur de la longévité du système, mais qui ne résiste pas à l’analyse et procède d’une mau- vaise foi évidente ou de la naïveté.

Ceux qui ont intérêt à ce que les choses restent en l’état disent qu’avant de changer le statut actuel, changeons ce qui ne va pas. Cela tient du non-sens et de l’illogique.

Comment peut-on en toute logique vraiment faire cesser les dysfonctionnements dont on se plaint quotidiennement, lorsque les problèmes auxquels nous sommes confrontés trouvent de toute évi- dence leur existence et leur insolu- bilité dans la nature même du sys- tème qui les a engendrés et qui occasionne leur récurrence, lorsque nous refusons d’agir sur les causes qui les font perdurer en ne substi- tuant pas à ce régime générateur de contradictions un autre mode de gouvernance basé sur une domici- liation du pouvoir ?

Il en est ainsi pour les problèmes d’eau, de transports, prolifération des déchets, expatriation forcée pour nos jeunes diplômés, efface- ment des petites et moyennes entreprises dans le cadre de la mon- dialisation au profit d’entrepreneurs venant de l’extérieur, occupation des postes de direction dans les ser- vices publics ou privés par des hexa- gonaux, atteintes voilées aux droits de l’homme, etc.

Tous ces problèmes là auraient pu trouver leur solution par le moyen d’une disposition législa- tive nous permettant d’adapter les lois provenant de la législa- tion française à nos réalités, et par voie de conséquence, nous serions dans la pratique moins exposés à la subordination du pouvoir central ; ceci sans sortir du cadre de la République, abs- traction faite bien entendu des fonctions régaliennes exercées par l’Etat, contrairement aux allégations mensongères des tenants du statu quo.

Ce changement d’ordre statu- taire que nous appelons de nos v oeux c’est l’autonomie politique dont nous avons peur, de crainte de perdre nos privilèges. Et nos politiques en sont l’ex- pression la plus parfaite. Les é lections régionales et départe- mentales imminentes offrent à ceux qui ne partagent pas les vues d u pouvoir, un espace de commu- nication avec le grand public, une occasion inespérée d’éclairer le peuple en le gratifiant d’une infor- mation objective ; c’est-à-dire mettre à nu le double jeu de la classe politique qui consiste à per- suader nos compatriotes de leur amour du pays, et dans le même temps par leurs agissements, leur collusion avec le gouvernement favorisent la pérennisation de la domination coloniale.

Aux funestes actions de ceux qui disent qu’ils sont de gauche pour égarer l’opinion, mais qui en réalité agissent en symbiose avec ceux qui sont nommément de droite, il est temps d’y mettre fin ; puisqu’ils refusent unanimement qu’ils soient de gauche ou de droite de remettre en cause le système lui-même, ce qui les différencie des vrais progres- sistes et fausse par le fait même le vote de l’électeur guadeloupéen.

Il s’agit en définitive de barrer la route aux semeurs de confusion, incarnation du vice, de la ruse, de la cupidité, qui ne sont jamais lassés d’abuser de la crédulité du peuple et n’ont d’autre mobile que de sacrifier l’intérêt supérieur du pays sur l’autel de leurs propres intérêts.

Par conséquent, remplacer les deux exécutifs sortants par leurs amis ou par eux-mêmes renvoie à un coup d’épée dans l’eau : «kout’ sab an dlo pa ka maké»et ne fait pas disparaitre la nocivité du régime assimilationniste, ni les causes induisant sa longévité.

Pour les candidats au contraire favorables au changement il faut crever l’abcès, parler franche- ment. Il faut tenir donc un lan- gage clair, un langage de vérité qui dévoile la nécessité d’obtenir une autonomie politique pour notre pays, en mettant l’accent sur l’exigence absolue d’un chan- gement radical de statut motivé par la situation actuelle et non d’une évolution institutionnelle.

Plus la revendication d’autonomie sera évacuée, moins elle aura d’im- pact dans la conscience collective, moins elle deviendra intelligible, aura une réceptivité moindre auprès du grand public. Il s’agit aussi d’enlever une fois pour toutes de l’esprit de nos compa- triotes la mystification dont ils s ont victimes ; à savoir que l’auto- nomie est un mode de gouver- nance qui accorde des pouvoirs é largis aux pays qui en sont béné- ficiaires, mais n’a aucun rapport avec la sécession ; puisque l’Etat f rançais maintient sa présence depuis des décennies dans les territoires dotés de ce statut ; par exemple la Nouvelle- Calédonie ou la Polynésie.

Nul n’ignore que le pays Guadeloupe est dans un état catastrophique. Les communistes toutes les fois qu’ils siégeaient dans les assemblées délibérantes n’ont jamais failli au devoir qui leur incombait de défendre l’intérêt général et ceux des classes défa- vorisées. C’est une aberration que de croire à notre développement dans le cadre du système actuel.

La vision que nous offre le réel est d’autant plus pessimiste que nos représentants font montre d’une soumission aveugle au pouvoir. L’heure est donc à un change- ment dans notre type de rela- tions avec la France. Depuis des lustres la France hexagonale considère comme normal de nous dicter ce qui est bon pour nous par-delà la distance.

Nous sommes placés devant cette alternative : résister ou disparaître en tant que peuple ; laquelle exige que pour faire cesser cette équi- voque qui plane sur la capacité de nos élus, qu’ils se débarrassent de la peur et de la lâcheté qui les paralysent et leur interdisent d’user de l’audace dont ils ont besoin pour imposer à l’Etat colo- nial français un changement de statut. Alors osons croire en nous- mêmes ! Osons faire preuve de courage politique ! «An nou tiré pyé an nou an vyé soulyé».

C’est le défi que lancent à notre immobilisme les prochaines élec- tions régionales et départemen- tales, pouvant propulser à la tête des deux exécutifs des hommes neufs, de vrais progressistes sus- ceptibles d’infléchir le cours assimilationniste de notre vie politique locale ; à condition que prévale au sein de la campagne un discours sincère axé sur le désintéressement, de nature à démystifier l’électorat. C’est notre voeu le plus cher et celui de la Guadeloupe progressiste.