BACCALAURÉAT 2021 : LE GRAND ORAL Pourquoi ce nouveau mal ?

On n’en finit pas dans le sys- tème éducatif français de désor- ganiser depuis une cinquantaine d’années, dans le seul but de marquer un passage

D ans cette valse de réformes, à chaque nomination de ministre dans cette insti- tution si fragile. Inspecteurs, chefs d’établissements, ensei- gnants, élèves, parents, s’avèrent «noyés» dans des textes officiels, par vague, dont ils n’ont pas le temps d’émerger, pour affronter la suivante.

Les réformes du Baccalauréat de 2020, caractérisées par l’épreuve dite «le grand oral», suspendues mais reprises pour 2021, avec des aménagements pour toutes les séries, traduisent encore cette non- préparation, aggravée par la pandé- mie covid-19. Qu’importe, le minis- tre de l’Education nationale Michel Blanquer tient aussi à laisser son empreinte, ce que rend encore plus difficile la pandémie covid-19. Mais, il faut y aller, élections prési- dentielles 2022 obligent, avant de quitter l’institution.

Nouvelles-Etincelles a essayé de contacter, en vain, plusieurs syn- dicats d’enseignants à ce sujet.

Nous remercions Monsieur Gustave Byram, de l’UNSA d’avoir répondu à nos questions.Quel est votre avis sur l’épreuve «Legrand oral», d’un style tout à fait nouveau ?Gustave Byram :C’est effectivement une épreuve non seulement d’un style tout à fait nouveau mais aussi, à très gros coefficient, 10. Le but du ministre, c’est

de faire en sorte que les élèves passent tous à l’oral alors qu’avant, l’écrit était privilégié. Nous pensons que ce coeffi- cient est trop élevé car, il peut mettre en difficulté de bons élèves ayant des problèmes à l’oral.Qu’en est-il du Bac 2021 concernantl’épreuve «Le grand oral» ?

C’est très compliqué, pour une prépa- ration optimale des élèves. Donc, même si au niveau de l’UNSA, on n’ap- pelle jamais des mineurs à faire des manifestations et surtout à être dans la rue, on les comprend parfaitement, parce que ces enfants voient qu’ils ne sont pas bien préparés et que, quelque part, ce serait un échec s’ils font effec- tivement comme le ministre l’a prévu. D’ailleurs, la caractéristique de ce gou- vernement et de ce ministre, c’est que le ministre annonce des choses sans concertation avec les organisations syndicales. C’est le premier gouverne- ment, celui de Macron, qui le fait. Généralement, on pouvait ne pas être d’accord avec le ministre, mais on arri- vait à faire bouger un certain nombre de choses. Avec ce gouvernement et Blanquer notamment, c’est à travers la radio, les médias, que nous avons des informations, alors que nous sommes des professionnels sur le terrain. C’est un vrai problème. Maintenant, je ne sais pas s’il fera marche arrière, par rapport à ce qu’il avait prévu mais, en fait, il faut dire que le Bac, cette année, sera un peu compliqué avec ce grand oral.

Les enfants ont bien constaté qu’ils sont en danger. L’année dernière, cela n’a pas été une année normale. Les élèves étaient déjà en grande difficulté. C’est année, c’est exactement la même chose car, maintenant qu’on est à la mi- jauge, cela se passe très mal. On a des cours à la fois en présentiel et/ou des cours en visioconférence. A peine 10 à 20% de la classe peuvent être connec- tés ; il y a d’autres établissements qui, un jour fait cours, un jour ne fait pas cours pour chaque mi-jauge, puisqu’ils ne font pas cours en visioconférence. Forcément les programmes ne seront pas terminés. C’est pourquoi nous pen- sons que le contrôle continu, sans «Le grand oral», serait la meilleure chose pour les élèves.

Depuis 2018, année de la décision de «Le grand oral» pour 2020, des for- mations ont-elles été mises en place pour les enseignants et y a-t-il des enseignants spécialement pour cette discipline ?

Très peu de formations prévues et très peu d’enseignants ont pu suivre. Avec le covid, tout a été décalé. Quand on n’a pas été formé suffisam- ment, on ne peut pas former les autres. Il y a normalement des ensei- gnants pour cette épreuve nouvelle mais, d’après ce que nous savons, cela n’a pas été fait convenablement.

N’avez-vous pas le sentiment que lesréformes sont d’un rythme que, ni enseignants, ni chefs d’établissements, n’arrivent pas à suivre ?

C’est exactement cela ! En plus, il n’y a aucune évaluation. Chaque ministre arrive avec ses idées et à moyens constants, comme si son prédécesseur n’avait rien fait, La seule réforme qui a été faite où on a mis quelque chose en plus, c’est au niveau du premier degré, avec le dédoublement des classes de cours préparatoires notamment.

Qu’en est-il aujourd’hui du problèmeposé par le port du masque ?

Je crois que certains parents ont mieux compris son intérêt pour la protection de toute la communauté, même si nous comprenons que certains enfants peuvent avoir des difficultés. Ce que nous avons regretté et qui a tout déclenché en Guadeloupe, c’est, que ce soit au niveau des parents, des ensei- gnants, ils entendent brusquement une nouvelle à travers les médias. Forcément il y a une certaine réticence. Quand une décision est prise en France, il faudrait préalablement en discuter avec les associations de parents d’élèves, les organisations syn- dicales, pour expliquer le bien-fondé. Ce qui n’est pas fait et qui a généré cette réaction brutale de parents.

Votre sentiment est-il positif ou néga- tif sur l’avenir de cette génération d’élèves perturbée depuis 2020 ?

Ce qui se passe depuis deux ans est quand même dommage. Nous pensons que, sitôt terminée cette pandémie, qu’il faudrait une vraie discussion avec les responsables pour voir comment rattraper une partie du temps perdu. Ce sera très difficile. Que ce soit l’année dernière ou cette année, les pro- grammes ne sont pas terminés. Nous avons essayé de donner le maximum, avec les possibilités offertes par l’ensei- gnement en distanciel mais rien ne pourra remplacer le maître dans la classe et les parents découvrent, qu’enseigner est une affaire de professionnels.