L’écriture inclusive sous l’angle du féminisme

Dans toutes les sociétés animales, primaires ou évo- luées, les composantes utilisent pour communiquer un moyen d’expression

Ce moyen d’expression peut être sonore, gestuel ou olfactif. Dans la société animale de la lignée humaine à laquelle nous appartenons, selon l’histoire évolu- tive, nous utilisons, à l’exception des muets, des langues sonores avec leur tonalité, leur fluidité, leur sensi- bilité auditive. Certaines sont même qualifiées de «belles langues», de «langues compli- quées»de «langues agressives», pour leurs règles d’écriture ortho- graphiques, grammaticales ou d’expression orale. Cependant, les langues ne sont pas statiques dans le temps et peuvent évoluer dans tous leurs aspects, tant et si bien que certaines sont recon- nues vivantes ou mortes.LA GUADELOUPE ETSA LANGUE OFFICIELLE

Nous ne rentrerons pas dans l’his- toire de la colonisation qui a contraint le peuple guadeloupéen à adopter la langue française comme langue officielle. Les Africains, réduits en esclavage, ont été contraints, sur la terre des Arawaks et des Caraïbes qu’ils avaient foulée, de créer un moyen pour communiquer, le créole, enri- chi par des vocables de ces derniers. Après avoir été pendant très long- temps maintenu dans la catégorie de langage, il a été classé, le 7 mai 1999 dans la rubrique des «langues régionales», par le colonisateur, à la suite du traité européen du Conseil de l’Europe, en 1992.

Le Créole est une langue bien vivante, autant que le Français, l’Anglais, l’Espagnol, l’Allemand, pour ne citer que celles qui sont le plus enseignées dans nos écoles par le système éducatif assimila- tionniste français. Il peut différer d’une région à l’autre mais, le nombre de locuteurs se totalise par millions sur la planète. Le Créole, langue maternelle, depuis des générations, prend une place de plus en plus grande en Guadeloupe, grâce à tous ceux qui l’ont toujours utilisé dans leur quo- tidien, dans leurs chansons, pour le promouvoir et le valoriser. Des créolophones se sont mis à un moment donné à le structurer, pour le rendre «universel», tant par son expression que par son orthographe. Certes, un travail qui n’est pas à l’abri de critiques mais qui a le mérite d’exister par l’élabo- ration même de dictionnaires créoles. En tant que langue vivante, il faut s’attendre à son évolution, autant que la langue française qui nous a été imposée.LA LANGUE FRANÇAISE DE PLUS EN PLUS IMPACTÉE PAR LE FÉMINISME

Rappelons, pour bien fixer les idées, que le féminisme représente tous les mouvements d’idées philoso- phiques visant à obtenir la légalité totale entre les femmes et les hommes. C’est un combat plus ou moins difficile, selon les Etats, les sociétés. En France, il a pris son sens actuel depuis la fin du 19ème siècle et se poursuit de nos jours sous dif- férentes formes.

La Guadeloupe, plus particulière- ment, a depuis l’abolition de l’escla- vage, élevé la femme au statut fami- lial de «poto mitan», marque de haute reconnaissance sociétale. Quoique que disent certains socio- logues guadeloupéens des généra- tions bien postérieures au «baby boom» de l’après deuxième guerre mondiale, il n’y a jamais eu une volonté de réduire la femme en état d’infériorité par rapport à l’homme ou de la dominer.

On se devait simplement d’appli- quer strictement les règles qui étaient enseignées dans l’école d’as- similation française. Les manuels d’enseignement ménagers, de leçons de choses, de lecture et d’his- toire, notamment, ont fait leur oeuvre dans cet aspect de la famille. Le livret de mariage définissait bien la notion de «chef de famille».

En saluant et en défendant ces mouvements d’égalité qui ne pourront jamais aboutir à placer un signe mathématique d’égalité entre les deux mots (hom- me=femme) mais seulement le signe mathématique de diffé- rence (homme#femme), n’est-il pas légitime de dire qu’ils tendent trop souvent vers l’exagération ? C’est certainement le cas pour l’écriture inclusive.

L’ÉCRITURE INCLUSIVE FACE AUFÉMINISME : UNE ABERRATION

Nous l’avons dit précédemment, la langue française, langue vivante, est en évolution constante, du point de vue syntaxe, grammatical et orthographique.Les projets de réformes contemporains les plus récents, visant à la simplification de l’orthographe, ce qui a provo- qué des débats, sous le ministère de l’Education nationale de Najat Vallaud-Belkacem, en 2016, con- cernent la suppression de l’accent circonflexe et du trait d’union.

A cela s’ajoute, depuis quelque temps «l’écriture inclusive» qui désigne la pratique du double genre masculin et féminin, à l’écrit comme à l’oral, condamnant la sempiternelle règle grammaticale et orthographique qui a fixé, par simplification, que «le masculin l’emporte sur le féminin».

Ces féministes à outrance veulent l’adoption académique de «l’écri- ture inclusive». Celle-ci consisterait à exprimer les deux genres, féminin et masculin, dans la formulation d’une même phrase, écrite ou orale. Les deux genres seraient exprimés distinctement ou par une formula- tion graphique utilisant un point médian : On écrirait ou dirait alors :«les sénatrices et les sénateurs»ou«les sénateur.rice.s».

Nous pourrions par exemple avoir la phrase : «Les électeurs, les électrices guadeloupéen.ne.s sont très écoeu- rés(es) des propos de campagne tenus par leurs député.e.s et séna- teur.rice.s, tous et toutes des révolté.e.s.». Nous rappelons qu’il y a seulement quelques années, on a obtenu que des substantifs neutres, employés autrefois au masculin c omme au féminin, soient fémi- nisés en ajoutant un «e». Docteur donne docteure ; pro- fesseur donne professeure.D ES EMBALLÉS GUADELOU- PÉENS POUR L’ÉCRITURE INCLUSIVE

Comme d’habitude, des Guadelou-péens, influencés par la mode ou désireux d’apparaître comme des «sachants», des modernes, des avant-gardistes, sont devenus des propagateurs sans discernement de «l’écriture inclusive». Nous les renvoyons à la lettre datée du 7 mai 2021 de l’Académie française, signée par H élène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel et Marc Lambron, directeur en exercice q ui condamnent systématique- ment cette demande en souli- gnant les graves dangers.

En vérité, les combats à mener pour permettre à la femme d’occuper toute sa place, rien que sa place, sont encore trop nombreux pour chercher à les complexifier. Il faut s’engager sur d’autres situations, d’autres luttes, pour tenter de résoudre tous les problèmes de l’hu- manité sur cette terre et qui s’avè- r ent de plus en plus urgents.

Ces propagateurs guadeloupéens, n e doivent pas être «plus royalistes que le roi» et seraient mieux inspi- rés de s’engager dans la structura- t ion universelle de notre belle langue créole dont les vertus éman- cipatrices s’affirment de plus en plus, même si nous ne sommes pas encore à l’heure de l’adoption de la langue officielle de notre nation souveraine, Karukéra.