Nouvelle-Calédonie : un indépendantiste kanak élu à la tête du gouvernement, une première

Louis Mapou, un indépendan- tiste a été élu jeudi 8 juillet à la présidence du gouvernement collégial de Nouvelle-Calédonie, une première depuis l’accord de Nouméa de 1998 qui intervient à quelques mois du troisième et dernier référendum d’autodéter- mination prévu le 12 décembre.

«C’est un honneur et un privilège. On doit porter un héritage qui est lourd, celui de notre figure de proue, Jean-Marie Tjibaou», a déclaré Louis Mapou après son élection, rendant ainsi hommage au diri- geant kanak assassiné en 1989.

Louis Mapou, 62 ans, a obtenu six votes parmi les onze membres du gouvernement : les trois voix de son parti l’UNI-FLNKS (Union nationale pour l’indépendance) et les trois voix de l’autre branche du FLNKS, l’Union Calédonienne (UC). Le loyaliste Thierry Santa, président sortant, a remporté quatre suf- frages et le membre du gouverne- ment issu du parti de centre droit, Calédonie ensemble, a voté blanc.

Le ministre des Outre-mer Sébas- tien Lecornu a adressé «ses félicita- tions républicaines» à Louis Mapou et l’a invité pour une rencontre pro- chainement à Paris ou en visiocon- férence pour évoquer, entre autres, la crise sanitaire et «les difficultés structurelles des finances publiques calédoniennes».PREMIER GOUVERNEMENT INDÉPENDANTISTE

Cette élection, remportée pour la première fois par un kanak, met fin à une crise institutionnelle de plus de cinq mois durant laquelle le 17ème gouvernement de l’ac- cord de Nouméa, élu le 17 février, n’a pu entrer en fonctions car les frères ennemis du FLNKS -l’UNI et l’UC- se disputaient la présidence. Un accord a été trouvé la semaine précédente. Dans l’intervalle, l’exécutif sortant a expédié les affaires courantes. Faute de candidat, la vice-prési- dence -qui par tradition revient au camp adverse- n’a pas été attribuée. En raison de cette vacance, l’exécu- tif entrera pleinement en fonction d’ici une semaine au plus tard.

Isabelle Champmoreau, membre du gouvernement, a expliqué que son parti Avenir en Confiance (AEC, non indépendantiste) ne briguait pas ce poste car le FLNKS «a rompu les équilibres institutionnels» en faisant chuter le gouvernement de Thierry Santa le 2 février. «Nous ne sommes pas caution de la politique qui pour- rait être mise en oeuvre dans les pro- chains mois», a-t-elle fait valoir, déplorant en outre que «la frange la plus radicale des indépendantistes avait pris le pas sur les modérés que représentait»le candidat de l’UC.

Louis Mapou, qui appartient à l’aile gauche du FLNKS, est issu d’une formation d’inspiration marxiste, le Palika créé en 1976 soit quelques années après l’émergence de la revendication indépendantiste kanak.

DESSINER L’APRÈS RÉFÉRENDUM

«Presque comme un fait exprès, nous arrivons au moment le plus difficile que traverse la Nouvelle- Calédonie depuis ces trente der- nières années», a déclaré le nou- veau chef de l’exécutif en référence à la crise des finances publiques et à l’important déficit des comptes sociaux. Selon lui, ces deux dossiers seront ses urgences, avec la réou- verture des frontières «d’ici la fin de l’année». La Nouvelle- Calédonie, exempte de Covid-19, a mis en place depuis mars 2020 un sas sanitaire et a drastiquement réduit sa desserte aérienne.

Appelant «la Nouvelle-Calédonie à faire une introspection économique, politique et sociale», le leader kanak a également inscrit sur sa feuille de route la lutte contre les inégalités, contre la dérive d’une partie de la jeu- nesse kanak et contre les violences faites aux femmes. Dans ce but, il a assuré vouloir diriger «un gouverne- ment de proximité» et «se projeter au-delà du référendum dans un cadre apaisé et serein».

Les deux premiers référendums sur l’indépendance organisés en novembre 2018 et en octobre 2020 ont été remportés par les pro- France avec respectivement 56,7% et 53,3% des suffrages. Lors de récents échanges à Paris, à l’invita- tion du Premier ministre Jean Castex et de Sébastien Lecornu, il a été décidé que le référendum du 12 décembre serait suivi, quel qu’en soit le résultat, d’une période de transition jusqu’à «un référendum de projet» avant le 30 juin 2023.

Sebastien Lecornu Ministre des Dom : «Je me félicite de l’accord au sein du gouvernement de Nouvelle-Calédonie pour dési- gner son président. J’adresse mes félicitations à Louis Mapou et lui souhaite pleine réussite : à Paris ou en visioconférence, je l’invite à un échange prochain sur nos dif- férents sujets communs».