«Dékatyé» les manoeuvres de l’Etat

La situationqui se développe en Guadeloupe actuellement, doit ê tre appréciée avec la plus grande lucidité et gérée avec prudence et sang-froid. Car, il ne faut pas croire que ce qui se passe doit être imputé aux seules conséquences de la crise du Covid 19. Tous les mouvements en cours renvoient à l’intervention de L’Etat en Guadeloupe.

Cela a commencé bien avant l’apparition du virus, et pour être précis, le coup d"envoi de cette offensive de l’Etat pour invalider la représentation élue et l’appareil polico-administratif de la Guade-loupe a été donné par le Président Emmanuel Macron dans son discours à Saint-Martin, au len- demain de l’ouragan Maria.

Mis en accusation en public pour incompétence, gabegie, pré-vérifi- cation, détournement de fond, les élus ont subi l’outrage, sans un sur- saut politique.

La première victime de cette ligne de confrontation affichée a été la PDG du groupe Semsamar. Auréolé de cette première victoire, fortifié par une feuille de route claire qui consistait à nettoyer les écuries d’Augias, l’ex- préfet Philippe Gustin pouvait, des lors, s’installer en tant que préfet-gou- verneur de la Guadeloupe.

La tâche lui a été facilitée par la lâcheté des élus, leur insuffisance, leur position assimilationniste et leur gestion entachée de faits de corruption. Ce qui lui a permis de gagner une deuxième manche en «déchoukan» Lucette Michaux-Chevry l’égérie de la droite, en savonnant la planche pour noyer Jacques Bangou, en obtenant la dissolution du Siaeag consi- déré comme un repère de brigands.

Cette politique de l’Etat qui ne relève pas de l’improvisation s’inscrit dans un contexte international où le néocolonialisme français, avec son bras politique le franc CFA, subit les coupsde boutoirs de la jeunesse africaine, lancée sur le chemin de la libération de l’Afrique du vautour français. L’impérialisme français prépare son repli dans ses dernières colonies et notamment en Guadelou-pe, promue à un rôle de nouvel Eldorado, avec sa réserve mondiale de la biosphère.

Décentralisation ou pas, l’Etat français est engagé dans un processus de vassalisation des Assemblées locales pour se maintenir comme le seul et unique pouvoir politique dans le pays. Mais, il a un obstacle majeur à sur- monter pour gagner cette partie : c’est la volonté du peuple.

La France déjà aux abois sur le front extérieur, n’entend pas faire dans la nuance. Elle veut imposer son pouvoir absolu, par la force. Voilà pourquoi elle mobilise tout son appareil d’Etat dans la recherche d’un rapport de force avec les Guadeloupéens.

C’est ce qui explique le comportement inqualifiable de l’appareil judiciaire dans l’affaire de l’empoisonnement au chlordécone et dans l’intervention des gendarmes qui a entraîné la mort de Claude Jean-Pierre, à Deshaies. Le vote d’une loi parlementaire qui décide, à la place des élus, l’organisation pour la gestion de l’eau, participe à cette stratégie, tout comme la provocation orchestrée avec la convocation du militant indépendantiste Luc Rei-nette et le harcèlement musclé par les services fiscaux, la dégradation des rapports sociaux sous l’oeil impavide des services de l’Etat compétents pour faire res- pecter les droits et les règlements.

Il est clair que l’Etat conduit une stratégie à double détente, à savoir ; soit la Guadeloupe se «couche» ou alors, la confrontation se résoudra dans la rue. Il y a là comme un relent du climat qui a entouré Mai 1967.

Si c’est le but recherché, le risque est grand car, comme l’a dit le grand penseur communiste Karl Marx «l’histoire se répète, tout d’abord comme une tragédie, après comme une farce». Paru le 25 février 2021 n°911