Rendre hommage à Jacob Desvarieux doit nous inciter à mieux structurer l’éducation artistique de notre peuple

cation artistique de notre peuple Il a été rendu hommage sur hommage à Jacob Desvarieux, dont la mort a provoqué une émotion certaine dans la popu- lation. Le sachant atteint du Covid, et placé en réanimation, le pays tout entier a retenu son souffle en espérant qu’il puisse s’en sortir. Hélas…

Dès l’annonce de son décès, tous ses ti- tres qui avaient fait danser et chanter des gens de toutes générations étaient repris dans les radios, dans les familles, sur les téléphones, partout où un son, une mélodie pouvaient accrocher à sa personne et à sa musique qui propulsait la Guade- loupe dans la planète.

Sa rencontre à la fin des années 1970 avec Pierre-Edouard Déci- mus, Freddy Marshall, qui sont à la recherche de sonorités nou- velles, dans une Guadeloupe qui après les chocs pétroliers, rentre dans une modernité qu’elle n’a pas générée, va donner une tex- ture et une épaisseur à des rythmes basiques du Carnaval, habillés de funk disco, dans l’air du temps car, le disco occupe le mar- ché du disque, à cette période.

Jacob qui vit en Europe, après avoir passé une partie de son enfance au Sénégal où il a appris la guitare, est lui aussi un amateur d’expérience qui a travaillé avec le Saintois Joyeux Le Cocotier et a aussi produit avec le Zulu Gang, après avoir fondé un groupe de rock : The Bad Grass. Les titres tels que Mi yo, Lagé mwen, Soley, qui sortiront de cette rencon- tre traduisent une forme de contes- tation et donnent une couleur parti- culière qui tranche sur les produc- tions de la période précédente, avec la présence de cuivres percutants et des choeurs où se mélangent des v oix féminines. Ce sera le zouk.

Certains disent regretter que cette orientation du début se soit quelque peu édulcorée en passant d e la contestation, aux fourches caudines du marché, avec des textes standardisés, bien loin des m essages sociaux et identitaires des premiers temps, ce qu’ont tou- jours dénié Jacob Desvarieux et les tenants de cette nouvelle musique.

En vérité, l’évolution du groupe s’éloignera un peu de sa tendance originelle, ce qui créera des ten- sions, lesquelles ne vont pas pertur- ber pour autant l’incroyable succès que connaîtra Kassav à un moment où dans les années 1980, on veut pour amortir, dérégulation, déré- glementation, marqueurs féroces de la mondialisation.

Quoi qu’il en soit, l’avènement du zouk va considérablement modifier la production musicale. Kassav va progressivement atteindre les play list des chaînes nationales fran- çaises, avec des passages dans les émissions télé, ce qui lancera vérita- blement sa carrière internationale avec Jacob en véritable leader.

Une des icônes de la musique mon- diale, le trompettiste Miles Davis, influencé sans doute par son bas- siste Marcus Miller, va déclarer en 1989 lors d’une interview à RFO Guadeloupe : «je pense zouk…», démonstration rythmique à l’appui. Kassav, lors de cette épopée musi- cale, va pendant plusieurs années remplir les stades notamment en Afrique, (francophone ou non).

Le zouk va durablement, avec ses nombreuses variantes, occuper l’espace public musical, et jusqu’à ce qu’au milieu des années 90, le dance-hall occupe l’attention des jeunes.QUE FAUT-IL RETENIR ?

Si la musique est marqueur d’un temps, il ne faut pas perdre de vue qu’un artiste, un groupe, une ten- dance peuvent constituer une avant-garde trompeuse sur la réa- lité des structures économiques, des relations entre les hommes, entre les Etats…

La forte personnalité de Jacob Desvarieux, ses riches et diverses expériences musicales, tout com- me les succès de Kassav, ne doi- vent pas nous faire oublier, ou plu- tôt devrait nous inciter, à doter notre pays de Guadeloupe des structures de formation, d’éveil, der enforcement à la pratique musi- cale, mais aussi, d’une manière générale, à l’insertion de la culture c omme moyen de favoriser l’es- time de soi chez les Guadelou- péens. La grande déferlante du zouk a révélé, en dépit d’une cer- taine monotonie dans les exécu- t ions et les paroles, un potentiel extraordinaire de créativité.

Faut-il alors laisser à l’initiative pri- vée, forcément sélective, le soin de détecter, de former dans les domaines de la culture, quel que soit le champ envisagé ?

Alexandre Isaac, alors qu’il s’agis- sait de faire rentrer l’instruction dans la sphère publique, n’avait de cesse de réclamer : «des écoles, encore des écoles !».

Alors, ne pouvons-nous pas rêver de structures de formation artis- tique dans toutes les communes, capables de conduire vers des conservatoires de musique, de pein- ture, de danse etc. ? D es maisons d’édition, des produits dérivés, des espaces d’exposition et de conservation de la mémoire m usicale, doivent occuper nos rêves pour qu’ils deviennent réalité.

La volonté politique, accolée à une vision d’un pays responsable, capa- b le d’assumer son destin devrait être la suprême inspiration pour que nous ne soyons pas installés dura- blement dans le statut de consom- mateurs d’oeuvres musicales.

La culture, champ de lecture d’une société, doit permettre à celle-ci de s’émanciper.

Si Jacob Desvarieux et Kassav sont des modèles inspirants dont nous sommes fiers, notre pays doit se donner les moyens pour construire une offre qui nous permette, comme disait Carlos Fuentes, de vivre des fruits de notre culture

Donner du sens à notre être par l’éducation artistique : Sé sèl médi- kaman nou ni !