L’explosion du nombre de milliardaires avec la pandémie, symbole d’un système économique en phase terminale
La crise ne fait pas que des per- dants. Comme le rappelle le Financial Times (FT), le nombre des ultrariches et leur patri- moine explose à la faveur de la pandémie. L’occasion de rappe- ler l’urgence d’un changement radical de modèle.
C’ est dans les pages du Financial Times (qu’on ne peut guère accuser de proximité avec la CGT) que l’on trouve des chiffres effarants sur le «boom» des milliardaires à travers le monde. Le journal s’inquiète que cette augmentation vienne nourrir un sentiment «anti-milliardaires» - inquiétude pas totalement dénuée de fondement, soyons honnêtes.
Citant la liste «Forbes» des milliar- daires en 2021, le FT note 700 milliardaires de plus par rapport à 2020, ce qui correspond à une hausse de 35% du nombre de mil- liardaires. Le poids des milliar- daires en % du PIB a également explosé, comme le montre la part en bleue foncée du graphique ci- dessous, avec une grosse perfor- mance des milliardaires français dont le patrimoine passe de 11% à 17% du PIB. La seule fortune de Bernard Arnault (150 milliards de dollars, soit environ 122 milliards d’euros) représente 5,1% du PIB annuel du pays. C’est trois fois le budget de la transition écologique pour garder un ordre de grandeur.COMMENT L’EXPLIQUER ?
Plusieurs facteurs rentrent en ligne de compte. Gardons en tête un élé- ment crucial : la fortune des milliar- daires n’est pas composée de «cash» et Bernard Arnault n’est pas assis sur une montagne de billets sur le mode de «Picsou». La fortune des milliardaires est majoritaire- ment composée d’actifs financiers, en premier lieu d’actions. Ce sur quoi Bernard Arnault est assis, comme le reste des milliardaires, c’est sur du pouvoir !
Le pouvoir de décider de l’organi- sation de la production, pour enri- chir les actionnaires. Les Banques centrales des différents pays ont créé plusieurs milliers de milliards de dollars de monnaie supplémen- taire. Cette monnaie est venue abreuver les marchés financiers, et a soutenu la valeur des actifs finan- ciers (c’est notamment ce qui explique la remontée en flèche du CAC 40 en France). Cette remon- tée des actifs financiers a donc fait exploser le patrimoine des plus riches, qui sortent donc à nouveau grands gagnants de la crise, du moins pour l’instant.
Le Financial Times s’inquiète de possibles mouvements sociaux. Il est en effet difficilement compré- hensible que certains s’enrichis- sent en période de crise, quand la majorité trinque. On voit bien combien cela renforce notre argumentaire sur l’urgence d’en finir avec un système économique totalement défaillant.
80 % des milliardaires ont hérité de leur fortune. Mais la fortune des milliardaires ne date pas de la pandémie. La justification ? Le «génie» de nos classes domi- nantes, leur capacité d’innova- tion, leur vision particulière. Loin, très loin de la réalité. 80% des mil- liardaires français ont… hérité de leur fortune ! Nous sommes les champions du monde de l’héri- tage et des privilèges. Sans doute sommes-nous incapables de mesurer l’effort considérable qu’il faut pour… bien naître.
Évidemment, cela reproduit les iné- galités (les vacances en jet-ski pour les uns, l’été au travail pour les autres), mais cela reproduit surtout la domination d’une poignée d’indi- vidus sur nous toutes et tous : le pouvoir économique se transmet de génération en génération.
La pandémie révèle à nouveau la déconnexion totale entre l’expé- rience de celles et ceux qui travail- lent et de ceux qui s’approprient les fruits du travail. C’est une affaire d’inégalités (et donc de fiscalité), mais c’est surtout une affaire de pouvoir (reprendre le contrôle col- lectivement sur la production et la répartition des richesses). Nos revendications sont plus que jamais d’actualité, et les privilèges retour- neront à leur juste place : les livres.