Faire le point sur l’affaire dite du «Pokémon», raccourci saisissant pour masquer un problème de société

JQ ai entendu le 23 juillet 2021, sur les ondes, un parent d’élève expatrié, jubilatoire et hilare, se vanter d’avoir tordu le cou à la décision du conseil de dis- cipline du collège de Grand-Bourg qui avait prononcé l’exclusion d’un de ses fils, pour un soi-disant problème de cartes Pokémon que l’élève n’aurait pas remises à la direction de l’établissement.

Il m’a paru surprenant qu’un élève soit renvoyé pour cela. J’ai voulu en savoir plus et je crois qu’il est temps de faire le point sur cette affaire qui ne peut se résu- mer à ce qu’une partie de la presse a réduit à une querelle d’egos laissant croire à l’opinion qu’une «pwofitasyon» aurait été perpétrée à l’encontre d’un élève.DE QUOI S’AGIT-IL ?

Il faut d’abord savoir que la décision d’exclure l’élève n’a pas été prise par le chef d’établissement, seul, comme l’aurait fait un géreur d’ha- bitation, en vertu d’un pouvoir dis- crétionnaire. Elle est le résultat d’une commission de discipline qui par définition réunit des organes représentatifs de la communauté éducative. Mais elle vient surtout sanctionner une série d’actes d’in- discipline perpétrés tout le long de l’année par un élève qui a bénéficié de l’extrême tolérance de ses parents, le conduisant à nier toute autorité au sein de l’établissement et ceci dans un contexte global qui doit nous inciter, nous Guadelou- péens, à réfléchir sérieusement sur l’avenir de notre pays… L’élève n’a pas été sanctionné pour une simple affaire de cartes non remises, mais plutôt pour une série d’actes d’in- discipline caractérisée, commis tout le long de l’année.

Cette décision fait suite à une longue série de comportements, répétés et s’étalant dans le temps, peu en rapport avec ce que l’on est en droit d’attendre d’un adolescent scolarisé. Cela doit être dit et vous devez le savoir : ce n’est pas un fait isolé que l’on doit réduire, par la stratégie de l’angélisme, à une his- toire de cartes non remises : c’est faux. En salle d’études, au CDI -dont il a été interdit d’accès-, en cours, dans l’enceinte même de l’établisse- ment, l’élève en question a fait l’ob- jet depuis septembre 2020, de maints signalements écrits pour son attitude singulière, se manifestant par des agressions physiques et ver- bales envers ses camarades, par l’irrespect des consignes, l"irres- pect des enseignants, l’irrespect de l’encadrement de l’établisse- ment, qu’il s’agisse des assistants d’éducation, des conseillers d’édu- cation, du personnel de direction, de la principale adjointe à la prin- cipale elle-même… Doigts d’hon- neur dans le dos du personnel d’encadrement, refus d’obtempé- rer systématiques, et ce, à tous les niveaux, flatulences et mauvaises attitudes en salle de cours etc…

Ses nombreuses incartades, com- mises, je le répète, tout le long de l’année scolaire, ont été signalées à ses parents, pour qu’une solution soit trouvée, dans le cadre de la coéducation, ce processus interactif et collectif qui favorise la socialisa- tion de l’enfant. Ceux-ci, au contraire ont érigé les élèves (ils sont deux) au rang de victimes tout en adoptant une attitude d’agressi- vité extrême envers l’encadrement du collège, conduisant l’élève concerné à dénier toute autorité au chef d’établissement lui-même.

Tout moun enmé ti moun a yo, mais faut-il pour cela adopter une attitude hors-sol, là où la coopéra- tion est plus que jamais nécessaire pour faire grandir ceux d’au- jourd’hui ? Ce principe de coopéra- tion a conduit les membres de l’équipe de direction à convier les parents, courant décembre 2020, à une réunion, afin d’envisager des solutions et surtout de compren- dre le comportement, un peu par- ticulier des deux élèves.

Mais c’était sans compter sans le comportement, particulier lui aussi, des responsables paren- taux, car tout recommençait de plus belle en janvier 2021, ren- dant de plus en plus difficile la coéducation de cet élève et celle de son frère.

UN PÈRE, VIOLENT, FIER À BRAS ET SEXISTE

Devant les menaces persistantes de la famille qui s’accompagnaient d’une forme de déni, et de leurs conséquences sur la cohésion de la communauté scolaire, le Rectorat avait dû accorder la protection juri- dique à certains personnels du col- lège, particulièrement fragilisés par le comportement inapproprié et hargneux du parent d’élève, vis-à-vis d’une direction, exclusivement féminine. Tous ces faits ont eu une conséquence sur la santé du person- nel, nécessitant des arrêts de travail.

Quand un élève se permet de met- tre en cause la compétence et l’au- torité des responsables de l’établis- sement, que le père, dans une réu- nion dont l’objectif était d’arrondir les angles, garde son comporte- ment agressif, se mettant en colère, interrompant les gens, accusant de mensonge le personnel de l’établis- sement, laissant tomber son masque alors que l’on est en pleine période de Covid, en répondant à l’injonction qui lui est faite de l’ajus- ter correctement «je m’en fous, je suis vacciné», c’est que cet élève-là se sent autorisé… autorisé à dire à un encadrant qui le menace d’un rap- p ort : «faites-vous plaisir…». Il en est de même quand cet élève se permet de chanter à tue-tête à proximité d ’un responsable : «an ko…w…». Que dire, quand l’élève clame à la cantonade après être sorti du b ureau de la principale : «ils ne savent pas à qui ils s’attaquent»et que son père renchérit et confirme ce fait en disant, «nous n’avons pas pour habitude de nous laisser faire…»?

Que dire quand il est fait allusion, dans les circonstances précises, aux qualités de boxeur du parent d’élève ? Une mère qui a menacé le person- nel et a fait l’objet d’une interdiction d’entrée dans l’établissement. Le comportement particulièrement outrancier et menaçant de la mère, elle aussi, lui a même valu un arrêté d’interdiction d’entrée dans l’éta- blissement. Reçue par un membre du personnel d’encadrement pour une affaire de carnet, elle prévient que l’on aura affaire à son mari, que celui-ci va venir et qu’il y aura des problèmes. Ce sont des menaces !

Les parents de l’élève, loin de se préoccuper de la question disaient clairement qu’ils croyaient toujours en la version des élèves, -car dans l’affaire, je le redis, il y a deux fils- en évoquant ce qu’ils appellent le fli- cage et le harcèlement institution- nel (propos de la mère). Ce sont des parents qui dans leur rapport avec l’établissement mettaient régulièrement en accusation les personnels et ne recherchaient pas la coopération.

C’est donc une affaire, je le répète, qui a mûri depuis longtemps, émail- lée de nombreux rapports sur les deux fils et que l’on ne peut réduire à un simple affaire de «Pokémon», comme on a voulu le faire croire à l’opinion en déclarant que «derrière ces cartes à jouer que se disputent les adolescents et les enfants, il y avait surtout un bouquet émotion- nel où les fleurs de l"amour-propre, de l"orgueil, de l"humiliation et de la fierté faisaient mauvais ménage».

Peut-on simplement parler d’émo- tion, d’humiliation, là où la respon- sabilité du chef d’établissement est engagée quand il s’agit de respec- ter et de faire respecter les injonc- tions, destinées à protéger la vie des élèves, celle des enseignants, celle des parents par ricochet, celle de la communauté éducative. C’est en ce sens que l’établissement avait interdit l’utilisation de cartes per- sonnelles pour les jeux, dans le cadre du protocole Education nationale prohibant l’échange entre élèves, lesquels avaient reçu m aintes formations à ce sujet.

Il faut savoir que dans l’établisse- m ent, les jeux utilisés par les élèves étaient fournis par les encadrants et constamment désinfectés, pour les r aisons évidentes que tout un cha- cun peut comprendre, en cette période de pandémie, d’autant que le contexte sanitaire de Marie- Galante était tendu. Invités à remet- tre ses cartes, l’élève contrairement à ses camarades, est passé outre et a refusé, quel que soit le niveau hié- rarchique qui lui faisait la demande.

Etait-ce donc une simple affaire d’ego comme j’ai pu l’entendre dans la presse ? Non, c’est une affaire d’éducation : sé dé ti moun malélivé. Men chak chien ka… an jan a yo. C’est aussi une affaire de sécurité sanitaire. Il aurait simple- ment suffi que l’élève remette les cartes ou explique les raisons pour lesquelles il ne pouvait pas les remettre à l’encadrement de l’éta- blissement, au lieu de regarder la principale de façon insolente et de répondre, Non ! Il faut cependant à la lumière de ce que l’on a voulu éri- ger en simple fait divers, tenter de lire les menaces qui pèsent sur la société guadeloupéenne.DES DALTON SOUS LESTROPIQUES ?

En réalité, voilà un couple qui se comporte comme des Dalton tropi- caux, où la mère menace de repré- sailles, par le bras armé de son mari, le personnel avec des phrases du genre : «vous aurez affaire à mon mari», ou le parent lui-même qui menace de «revenir… et pas seul…». On ne sait trop pourquoi. Ne par- lons même pas des courriers mena- çants, au ton dominateur, irrespec- tueux adressés à l’établissement. Une plainte contre les parents pour harcèlement, menaces et chan- tage a été déposée en mai 2021... L’affaire dite du «Pokémon» sert plutôt de prétexte pour mettre à mal l’autorité de la communauté éducative et pas que… Qui se sentent autorisés et au-dessus des gens d’ici.

Nous devons remettre les choses dans leur contexte. Il faut être aveu- gle pour ne pas voir que Marie- Galante et quelques communes de la Guadeloupe font l’objet d’une OPA par des «…allogènes, autre- ment organisés, autrement pourvus, autrement dominateurs aussi et sûrs d’eux-mêmes qui auront tôt fait d’imposer à nos populations la dure loi du colon», comme l’a dit exactement Aimé Césaire il y a de cela une quarantaine d’années, a joutant qu’il redoutait «autant la recolonisation sournoise que le génocide rampant». Il s’agit de la c onséquence immédiate de la politique négrière de dépopula- tion de la Guadeloupe menée par l e gouvernement français depuis les années 60… DES EXPATRIÉS, COMME ON N’EN VEUT PLUS CHEZ NOUS

Dans ce cas de figure, j’ai lu dans la presse que la rectrice avait privilé- gié la mission éducative. Com- ment en effet demander aux enseignants, à la communauté scolaire de prendre leurs respon- sabilités vis-à-vis des problèmes de santé mais aussi vis-à-vis de l’éducation des élèves et donner quitus aux bravades d’un couple de Thénardier, excité, qui éduque à n’accepter aucune autorité ?

En tranchant ainsi, la rectrice a sans doute suivi l’avis de la commission d’appel, mais elle ne sait pas, ou elle ne le sait que trop bien, qu’elle a ouvert la boîte de pandore car bien- tôt on verra fleurir ce comporte- ment, né de cette jurisprudence dite du «Pokémon»…

Les enseignants n’ont pas été for- més à traiter ces questions, qui relèvent de l’éducation primaire que les parents doivent donner à leurs élèves. De plus en plus, dans les établissements scolaires, des enseignants sont agressés, inju- riés, malmenés.

Il est regrettable que les ensei- gnants, le personnel de direction du collège de Grand-Bourg aient été dénigrés à ce point et que la hiérarchie, soucieuse de je ne sais trop quel équilibre, désavoue une décision qui était de nature elle, à ramener le calme dans l’établisse- ment. Il n’y a pas de place en Guadeloupe pour les Etéocle ou des Polynice. Nous devons pren- dre nos responsabilités.

La Guadeloupe terre d’accueil, j’en- tends bien. Le fait est que, Madame la rectrice ne fait que passer, comme beaucoup de dirigeants expatriés de ce pays. Elle est dans son rôle. Nos problèmes à nous Guadeloupéens demeurent. Il est peut-être grand temps que nous prenions nos responsabilités et que nous bannissions la peur de notre comportement. Cette décision ne participe-t-elle pas ou n’entraîne-t- elle pas une logique de dénigre-m ent des personnels de direction autochtones, histoire de justifier la caldochisation de la Guadeloupe.

Car, au-delà, n’est-ce pas là la s tricte application en Guadelou- pe, du plan Messmer pour la Nouvelle-Calédonie en 1972, d ont l’objectif était, «à court et moyen terme, l’immigration mas- sive de citoyens français métropoli- tains… en améliorant le rapport numérique des communautés» ?

Nous y voyons l’intention implicite de faire de Marie-Galante, une nou- velle Orania, d’autant qu’avec la fin de l’OCM sucre, la énième restruc- turation de l’industrie sucrière va aboutir fatalement à la fermeture d’une usine ? Laquelle selon vous ? Les petits planteurs de Marie- Galante, endettés, n’auront qu’une s olution : vendre leurs terres !

C’est ce à quoi se préparent les agences immobilières, extrême- ment actives, hargneuses et pros- p ectives sur tout le territoire de notre pays, dirigées par des expa- triés, ainsi que des géomètres du même acabit, dont le dessein affirmé est de faire de la Gua- deloupe, dans son ensemble, un camp de vacances. Les prix de l’im- mobilier continueront à grimper, rendant impossible aux Marie- Galantais l’acquisition du foncier qui les a vu naître.

«J’ai vu dans la forêt une étrange créature : je ne sais quel mille-pattes a ussi gros que mon bras»disait Guy Tirolien qui, s’il revenait n’aurait pas reconnu son «île plate», laquelle a bien bougé.

I l est important de réagir avant que tout ne soit que «Cata- clysmes ! Catastrophes ! Cala-mités ! »pour citer l’auteur de Balles d’orqui nous conterait, s’il était là, des histoires de Zamba et de compère Lapin, autour de la Mare au punch avec toute sa force symbolique du refus appelant à la dignité ancrée dans l’âme marie-galantaise et guadeloupéenne.

Dans ce jeu de Pokémon, le pre- mier joueur qui n"a plus de carte Pokémon disponible pour le combat, a perdu la partie…