La rentrée scolaire sera-t-elle compromise ?
La situation sociale et sanitaire exigent une réflexion sur la prochaine rentrée scolaire. Pour mieux appréhender la réalité, nous avons interrogé Jean Dernault, le nouveau Secrétaire général du SPEG (Syndicat des Personnels de l’Education en Guadeloupe).
Vous venez d"être porté à la tête dusyndicat dans une période particu- lière. Comment se présente la ren- trée scolaire 2021 entre crise sani- taire, sociale et morale ?Jean Dernault :Les 3 et 4 juillet 2021 s’est tenu le 9 è me congrès du SPEG. Un nouveau conseil syndical composé de 21 membres a été mis
en place et effectivement j’ai été nommé Secrétaire général du SPEG pour les 3 ans à venir. Il est vrai que le contexte est particulier et sans aucun doute, la rentrée s’annonce difficile. Difficile parce qu’en plus des problèmes que nous connais- sons chaque année, postes non pourvus, multiplication des postes à compléments de services, clas- ses à effectifs élevés, travaux non terminés dans certains établisse- ments scolaires, viendra s’inviter, pour une 2 ème rentrée consécutive, la situation sanitaire.
En effet, la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a modifié le champ de compétences des com- missions administratives paritaires (CAP)
. Dorénavant, les commis- sions administratives paritaires ne sont plus consultées en matière de mobilité depuis le 1 er janvier 2020. Par conséquent, l’opacité, dénon- cée par le SPEG, dans laquelle les mutations se sont réalisées aussi bien dans le premier degré que dans le secondaire, nous prédit beaucoup de dysfonctionnements à la rentrée. Concernant le mouve- ment intra départemental, les pro- fesseurs des écoles ont été d’abord confrontés au refus de certaines bonifications ce qui compromettait leur chance d’obtenir leur voeu en matière d’affectation et ensuite ont été victimes d’erreurs de l’adminis- tration dans le listing des postes ce qui aura pour conséquences des classes sans enseignants alors que dans certaines écoles ils seront en surnombre.
A toutes ces difficultés récurrentes viendront s’ajouter les problèmes liés à la pandémie. Vu l’accélération considérable depuis la mi-juillet 2021 de la circulation du coronavi- rus SARS-Cov-2 et de ses variants les plus contagieux (variant delta en l’occurrence) dans la population de notre archipel et vu la déclaration par la loi du 5 août 2021 (relative à la gestion de la crise sanitaire) de l’état d’urgence sanitaire sur le terri- toire de la Guadeloupe à compter du 7 août 2021 jusqu’au 30 sep- tembre 2021, la rentrée scolaire risque d’être difficile.
Le ministère de l"Éducation natio- nale a diffusé dernièrement un nou- veau protocole sanitaire et un cadre de fonctionnement pour l"année scolaire 2021-2022. Ce protocole prévoit une graduation des mesures (échelle de 4 niveaux) selon la situation épidémique qui pourra être évaluée localement. En fonc- tion de la situation épidémique, le passage d"un niveau à un autre pourra être déclenché au niveau territorial par le ministère de l’Éducation nationale.
Ce protocole sanitaire, comme les précédents d’ailleurs, suscitent des interrogations :
• Qui prendra la décision de passer d’un niveau du protocole à un autre en Guadeloupe ?
• Les collectivités locales de Guadeloupe ont-elles déjà pris conscience de leur responsabi- lité dans la mise en oeuvre de ce protocole ? • Relations «académie/collecti- vités locales» quelles disposi- tions communes ?
• Les collectivités se sont-elles don- nées les moyens de garantir, contrairement aux années précé- dentes, qu’aucune école, qu’aucun collège et aucun lycée ne manquera d’eau, de gel hydro alcoolique, de savon et de masques pendant toute l’année scolaire ?
En outre, le protocole précise que seuls les élèves non vaccinés seront considérés comme cas contacts et ne pourront être en présentiel s’il y a un cas de Covid dans une classe en collège et lycée. Là aussi le SPEG constate une incohérence dans cette décision dans la mesure où, jusqu’à maintenant, il est précisé que les personnes vaccinées peu- vent être cas contact et par consé- quent transmettre le virus.
Quant à la continuité pédago- gique annoncée par le ministre de l’Education, le SPEG s’inquiète de sa mise en application compte tenu des expériences de l’année dernière dans les écoles et établis- sements de Guadeloupe. Les effets d’annonce n’ont rien à voir avec la réalité du terrain.
Présentiel ou distanciel, quelle orga- nisation concrète pour les équipes pédagogiques, les CPE, le personnel de vie scolaire, le personnel de santé et d’assistance sociale, le personnel ATSS ? De quels matériels disposent chaque établissement ? Quels pro- fils d’élèves ? Quelle formation, quelle adaptation pédagogique pour les personnels ? Quels moyens supplémentaires en ressources humaines alors que le gouverne- ment supprime des postes ?
Comment organiser un «contact tracing» quand le nombre de per- sonnels d’assistance sociale, de santé et de vie scolaire est insuffi- sant pour assurer un accompagne- ment de qualité de tous les élèves ? Il faut donc réagir !
En attendant la position du SPEG est claire. Il ne sera pas acceptable que les élèves de Guadeloupe per- dent encore cette année des jours de cours, dans ce contexte sanitaire suffisamment anxiogène pour tout un chacun, à cause d’un manque d’anticipation des collectivités locales et de l’académie.
Normalement à cette date la mise en oeuvre du protocole sanitaire dans les écoles, collèges et lycées de Guadeloupe devrait être une prio- rité dans les collectivités. Les solu- tions liées au problème d’eau (citernes et autres…),la gestion du stock des produits obligatoires (gel hydro alcoolique, savon…), la gestion des personnels pour assu- rer la désinfection des écoles et des établissements pour appliquer les gestes barrières devraient être la priorité. A pa lè ou fen pou-w a- y mèt manjé si difé !Quels sont les problèmes propresà l"Éducation en Guadeloupe qui n"ont toujours pas trouvé de solution ?
Malgré la grande mobilisation du SPEG en janvier 2020 pour deman- der un moratoire sur la suppression systématique des postes dans l’aca- démie de Guadeloupe, malgré le rapport de la mission parlementaire qui reprend nos arguments quand à la situation particulière de notre académie qui impose de sortir d’une vision comptable, nous avons tout même perdu 17 postes dans le second degré pour la rentrée 2021. Si le SPEG a dû entamer un mouve- ment de grève le 20 janvier 2020, c’est bien parce que les problèmes de fond n’ont jamais pu être abor- dés et que les échecs successifs des politiques éducatives mises en oeuvre dans l’Académie de Guade- loupe sont dus à une ignorance des problématiques fondamentales.
• Comment résoudre la question des difficultés scolaires importantes et de l"échec qui s"affichent dès le primaire et qui conduisent imman- quablement à l’illettrisme ? • Quelle doit être la place de la réa- lité linguistique, sociologique et cul- turelle des enfants dans l"école ?
• Quels parcours de formation proposer ? Quelle est la place de notre langue maternelle, de notre histoire, de notre environ- nement naturel et géographique, de nos arts et expressions cultu- relles et artistiques, de nos moeurs, traditions et habitudes comportementales dans ces par- cours de formation ?
• Quelle politique de recrutement et de formation des maîtres mettre en place pour assurer la prise en compte de nos réalités ?
• L’orientation, souvent faite par défaut, est faussée par deux contraintes : le nombre de places disponibles et le manque de filières de formation diversifiées en adéquation avec nos besoins en développement. Comment transformer cette situation, cause supplémentaire d’échec après la troisième et après le Bac ?
• Quelle politique d’identification des besoins et d’attribution des moyens définir pour mettre en phase notre réalité géographique (c’est-à-dire le caractère archipé- lagique de l’Académie), nos besoins pédagogiques et en matière de formation, en sortant de la logique de ratio et de globali- sation qui ne rend pas compte de ces nécessités ?
• Quelles solutions pérennes pour lutter contre l’expatriation forcée des néo-titulaires de Guadeloupe? L’Etat est principalement responsa- ble de cette situation car rien n’est fait pour favoriser le maintien sur ce territoire, gravement touché par le chômage des jeunes, des lauréats des concours de la fonction publi- que qui doivent chaque année, à leur grand désespoir, abandonner leur famille et leur domicile pour aller occuper leur poste en France.
Comment comptez-vous agir pourque nos enfants ne soient pas les grandes victimes de la société ?
Notre congrès est un moment d’analyse et de débat sur la situation de l’éducation en Guadeloupe. Il nous a permis de faire le point sur les nombreux problèmes qui gan- grènent l’éducation. Nous avons aussi arrêté des résolutions qui doi- vent nous permettre d’agir durant les 3 prochaines années car :
• Les élèves doivent être valorisés dans leur travail et leurs ambitions.
• L’école en Guadeloupe doit de nouveau jouer son rôle d’ascen- seur social.
• Les élèves de l’académie de Guadeloupe doivent bénéficier de conditions d’apprentissage favora- bles à leur réussite et à leur épa- nouissement.
• Tous les personnels doivent béné- ficier de conditions favorables pour mener à bien leur mission.
Mais nous resterons attentifs à toutes les situations nouvelles qui pourraient encore aggraver et les conditions de travail de nos col- lègues et la réussite de nos élèves.NOU KA RÉTÉ MOBILIZÉ POU LÉKÒL GWADLOUP VANSÉ !