L’adieu à Lucette Michaux-Chevry

Le lundi 13 septembre, ont été célébrées à la cathédrale de Basse- Terre par Monseigneur David Macaire, administrateur apostolique du diocèse de Guadeloupe, les obsèques religieuses de Lucette Michaux-Chevry, une personnalité de premier plan de la vie politique en Guadeloupe et en France au cours du demi-siècle écoulé.

Dès l’annonce de sa mort une onde d’émotions, de tristesse, de regrets a traversé la Guadeloupe. Tous ceux qui la portaient au coeur ne voulaient pas croire que celle que l’on croyait inaltérable avait fini par lâcher prise pour passer sur l’autre rive.

Les hommages, les gestes d’affection et de reconnaissance qui ont fusé de toutes parts exprimaient bien la dimension de la femme politique qui ne laissait personne indifférent, partisans ou adversaires.

Lucette Michaux-Chevry, le leader longtemps incontesté, qui a fait et défait dans le landerneau politique pendant plus de cinquante ans s’en allait sans bruit après s’être extirpée des tumultes de la vie publique, il y a deux ans.

Aujourd’hui, une personne est morte, ce qui est le lot de tout être humain et certainement la seule égalité que nous avons dans la vie. C’est d’abord cette personne humaine que nous regardons aujourd’hui, avec ses qualités et se défauts en étant juste et bienveillant.

Je ne partageais pas les positions politiques de Lucette Michaux-Chevry et nous nous sommes opposés souvent sans concession. Mais, je dois à la vérité de dire qu’elle a fait preuve d’une grande intelligence politique, d’un sens tac- tique inné et d’une grande maîtrise dans la conduite des hommes pour construire sa carrière. De mon point de vue, sa longévité et ses succès poli- tiques tiennent au fait qu’elle communiait avec «l’âme» du peuple guadelou- péen. Là ou d’autres pensaient que l’important était de travailler à l’émanci- pation politique, elle avait fait le choix de la proximité et d’apporter des réponses immédiates aux besoins quotidiens des gens.

Cette démarche était doublement payante : La reconnaissance et la filiation car les gens d’en bas la percevaient comme l’une des leurs. Ce sont des valeurs sur lesquelles se forge la solidarité et qui aident à passer les obsta- cles. LMC en a largement profité tout au long de sa carrière politique.

Je pense sincèrement que, par-delà ses contradictions, elle avait le sens du pays profond. Elle n’avait aucune conviction idéologique affirmée, mais elle avait un instinct populaire indiscutable.

Lucette Michaux-Chevry avait en elle, en regardant objectivement les choses quelque chose de la Guadeloupe. Ce qui explique, les grands choix stratégiques qui ont marqué sa carrière : la création du LPG (mon Parti c’est la Guadeloupe), la création d’Objectif Guadeloupe et la signature de la Déclaration de Basse-Terre en 1999.

C’est en regardant tout cela que j’ai, avec le Parti Communiste Guadeloupéen, apporté les yeux grands ouverts mon soutien à la Déclaration de Basse-Terre et proposé la création du Comité guade- loupéen qui a mis en débat dans le pays le Projet guadeloupéen.

C’est cette personnalité qui, comme l’impératrice Zita, a franchi le seuil de son église lundi, dépouillée de tous ses titres et oripeaux pour, après l’aban- don, obtenir le «pardon» de son dieu, nous a dit l’évêque. Le jugement divin n’est pas de mon ressort. C’est une affaire entre Dieu et son disciple.

Mais, viendra le temps d’un autre jugement, c’est celui de l’histoire. Dans ce cadre sera analysés, expertisés les actes publics et les résul- tats des actions menées par cette haute personnalité qui a exercé tous les pouvoirs politiques en Guadeloupe.

Acteur, directement impliqué au plus haut niveau de la gestion poli- tique du pays au cours de cette période, j’apporterai ma part de vérité à l’écriture de cette histoire.