Présidentielles en Russie : Le candidat du Parti Communiste, plus que jamais leader de l’opposition avec 17% des voix,

On aurait pu écrir e le résultat de cette élection avant même son déroulement, Vladimir Poutine revient à la tête de l’Etat Russe, pour un mandat de six ans cette fois. Le candidat communiste Guennadi Ziouganov reste plus que jamais le premier représentant de l’opposition au régime des oligar ques.

Le candidat du pouvoir et du Parti de l’ordre, Vladimir Poutine est élu Président de la Fédération de Russie avec 64% des voix.

Derrière, le candidat du Parti Communiste (KPRF), avec 17,1% des voix, devance plus que jamais l’oppo - sant officiel, le leader d’extrême- droite Vladimir Jirinovski (6,7%), et les «oppositions de sa Majesté», les vieux amis de Poutine, le vieux politicien de centre-droit Serguei Mironov (3,7%) et le milliardaire Mikhail Prokhorov (6,9%).

Tout semblait écrit à l’avance dans un contexte de fraudes massives commises dans la plus totale impunité, à tel point que le président Dimitry Medvedev pouvait se permettre à quelques jours du scrutin de lancer à une série d’opposants«of ficiels» du régime que le«scrutin présidentiel de 1996 n’avait pas été remporté par Eltsine» et que la frau- de avait alors empêché Ziouganov de devenir président !

Un triomphe d’autant plus surprenant en apparence que la colère gronde depuis plusieurs semaines en Russie. Contrairement aux allégations des médias occidentaux et du pouvoir Poutinien, ce ne sont pas une poignée d’agitateurs libéraux qui la mènent. Dans l’immense majorité des cas, les communistes avaient pris la tête des manifestations d’opposi - tion au régime.

L’EXCELLENT SCORE RÉALISÉ AUX LÉGISLATIVES

(20%, soit une progression de 90%) masquait sans nulle doute un résul - tat bien meilleur, sans doute égal ou supérieur à celui de Russie Unie, selon plusieurs centres d’estimation indépendants. Le pouvoir a eu peur d’un deuxième tour face au candidat communiste comme en1996 , qui aurait remis en cause la légitimité supposée incontestable du président Poutine .

LES RAISONS DE LA COLÈRE POPU- LAIRE : DES CONDITIONS DE VIE QUI NE SOUTIENNENT PAS LA COMPARAISON AVEC L’ÉPOQUESOVIÉTIQUE

Les origines du mécontentement populaire massif au sein de la popula - tion russe remontent à loin, ils ne sont pas le simple produit de la crise capitaliste actuelle. I ls r emontent à 1991, la liquidation de l’Union soviétique et du modèle social égalitaire qu’il portait, avec toutes ces imperfections. La décennie 1990 reste une « décen - nie horrible » pour les Russes, la privatisation de la moitié des entreprises d’État, bradées à une poignée d’oli- garques conduit à la chute de la production, de moitié, et à l’appauvrisse - ment général. Les conséquences sociales sont dramatiques .

Cinq millions de russes «disparaissent» entre 1991 et 2001, un déficit qui ne peut s’expliquer seulement par des rai - sons naturelles. Selon la r evue médica - le britannique Lancet, au moins un million d’hommes russes en âge de travailler seraient morts depuis1991 en conséquence directe de la pri- vatisation du système de santé. Mais les chercheurs, très prudents, émettent l’hypothèse que le chiffre réel était bien supérieur .

L’ère Poutine a conduit à un rétablisse- ment de l’ordre politique nécessaire au développement capitaliste, alors que le «capitalisme sauvage» d’Elstine conduisait à une impasse pour les «nouveaux riches» même. Néanmoins, Poutine a poursuivi sur la même voie, celle des privatisations mais encadrées, celle d’un modèle de croissance basé sur la rente pétrolière et gazière et la casse de l’appareil industriel national, celle de la compétitivité internationale par la compression du coût du travail.

Les indicateurs sociaux ne peuvent masquer une misère réelle dans la population russe. Le pays compterait 24,5 millions de pauvr es (18% de la population) mais 40% des Russes s’estiment pauvres. Derrière les 6 millions de chômeurs reconnus selon les critè- res du BIT, une pratique du sousemploi et des bas salaires généralisée.

Enfin, le salarié russe moyen est aujourd’hui plus pauvre que le salarié moyen soviétique en 1991.

Le salaire moyen réel en Russie (500 euros par mois) est encore en 2001 selon les chif - fres du Rosstat (INSEE russe) inférieur à 5% à celui de 1991.

Et derrière ce salaire réel se cachent des profondes inégalités. Le salaire mini- mum, que touchent 30% des salariés russes, s’élève à 100 eur os par mois , au moins 25% en-dessous du minimum vital pour survivre.

Le différentiel entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres est de 1 à 60.

Le pays compte en 2011 101 milliardaires soit deux fois plus qu’en 2008. Les milliardaires ne connaissent pas la crise ! En 2008, 16 d’entr e eux étaient députés de Russie Unie.On n’est jamais aussi mieux servi que parsoi-même. Des fraudes massives, du «tour de manège» aux «âmes mortes» ! On comprend mieux la nécessité pour le pouvoir d’orchestrer cette grandmesse électorale comme une forme de légitimation d’un pouvoir de plus en plus illégitime, de frauder un résultat censé apporter une caution au régime de la corruption et de la fraude.

Néanmoins, les fraudes ont atteint des niveaux inédits , que les commissions d’observateurs du Parti Communiste dénonçaient heure par heure aux quatre coins du pays.

LES COMMUNISTES REFUSENT DE RECONNAÎTRE CE SCRUTIN ILLÉGITIME ET CONTINUERONT LA LUTTE CONTRE CE RÉGIME CORROMPU Ivan Melnikov, vice-secrétaire du Parti Communiste et responsable de la vigi- lance par rapport aux fraudes électorales, est clair sur le sens à donner à cette farce électorale «Nous regrettons de devoir dire que nous pouvons considé - rer ces élections ni comme justes ni comme libres. Ce n’est que la confirma- tion d’une campagne où s’est manifesté un contrôle dictatorial total sur les moyens médiatiques». Le candidat communiste Guennadi Ziouganov a osé dresser le parallèle avec le scrutin douteux de 1996 qui avait vu la victoire de Boris Eltsine et annonce avec résolution : «Nous ne pouvons reconnaître ces élections, nous les considérons comme injustes, illégitimes et frauduleuses !».

Le secrétaire du Parti communiste a annoncé sa détermination à continuer la lutte contre la fraude électorale, sans illusions tout en indiquant que la lutte à venir serait à mener sur un autre terrain, l’organisation de la colère :

«Nous avons toute une organisation prête à se battre pour les idées que nous avons défendu pendant la cam - pagne. Nous allons tout faire pour le faire de façon pacifique et démocratique, mais nous allons intensifier la pression dans la rue, et pour continuer la bataille des idées, à partir de l’organisation».