Aînés, troisièmes âges, séniors : Brutalement rappelés aux réalités de la vie

2021, année du 70 ème anniversaire d’une fête appelée, en 1951, au niveau de la France : «Journée des vieillards». En Guadeloupe, comme ailleurs, des générations ont, pendant longtemps, considéré cette phase de l’existence comme un achemi- nement vers la fin de la vie.

Ces «vieux», hommes et femmes, qui avaient tant donné, tant sur le plan familial que profes- sionnel, méritaient désormais un repos dans l’amour de leur environ- nement familial. Et, ils en jouis- saient, surtout quand des enfants, petits et arrières petits-enfants ne s’étaient pas trop éloignés. Dans certains cas, malheureusement, ils terminaient leur vie dans des «asiles des vieux». Différentes séman- tiques péjoratives qui, au fil du temps, ont fait prendre conscience de la connotation fort dommagea- ble pour la personne âgée qui appa- raissait désormais comme un poids pour la société.

Alors, des appellations plus dignes, plus valorisantes, étaient inventées, pour marquer la reconnaissance à l’égard de toute personne parvenue à un certain âge : le «troisième âge» au-delà de 60 ans pour l’Organisa- tion des Nations Unies, les «per- sonnes âgées», les «Aînés», les «Séniors», autant de vocables pour faire prendre conscience que ces hommes et ces femmes continuent à contribuer à la vie de la commu- nauté et sont des références pour les jeunes générations : «une per- sonne âgée qui s’en va est une ency- clopédie qui se perd»

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Cette «Journée des vieillards», a aussi beaucoup évolué dans sa conception et dans son déroule- ment. Elle a été la «Semaine natio- nale des vieillards» puis, la «Semai- ne nationale des retraités et des personnes âgées et de leurs asso- ciations». Elle est devenue en France au début des années 1990, la «Semaine Bleue», titre accompa- gné du slogan : «365 jours pour agir, 7 jours pour le dire». Une semaine célébrée avec des thèmes fixés chaque année.

Notre pays Guadeloupe a véritable- ment pris en compte cette manifes- tation à l’initiative du Conseil géné- ral que depuis une dizaine d’années. Sans doute devant la lourdeur d’une telle organisation de masse, un concept d’année bleue au niveau des communes a été mis en place en 2018, mais, il n’a pas connu le même succès.RAPPELÉS AUX RÉALITÉS DE LA VIE

Malheureusement, la pandémie a, depuis 2020, renvoyé ces per- sonnes âgées des Ehpad, des asso- ciations, des centres d’accueil ou de leurs domiciles, aux réalités de la vie et aux stigmates de leur existence. En effet, depuis le 16 mars 2020, les seules consignes qui leur sont mar- telées et qu’elles doivent bien obser- ver, sont : «Rèsté a kaz-aw ! Restez chez vous ! Vous êtes des personnes fragiles ! Attention à vos comorbidités diverses ! Portez le masque ! Eloignez- vous de vos enfants et petits-enfants ! La maladie est plus grave chez les vieux, les personnes au-delà de 60 ans ! A plus de 70 ans, on n’a prati- quement aucune chance de survie»!

Et pourtant, jusqu’en 2019, que de compatriotes de ces catégo- ries affichaient leur vitalité, leur joie de vivre et de pouvoir rompre leur isolement !Les «Aînés», les «Séniors» pouvaient être sollicités dans les entreprises privées comme publiques pour faire profiter de leur expérience, Ils rivalisaient de talents artistiques, culturels et sportifs.

Aucun message rassurant ou d’es- poir à leur adresse, depuis la pandé- mie. Tous ces compatriotes sont malheureusement renvoyés aux réalités de la vie, abandonnées sou- vent dans leur solitude. En citoyens raisonnables ils observent rigou- reusement la consigne :«Rété a kazaw !». D’ailleurs, beaucoup ont tiré leur révérence entre temps.

N ous avons interrogé des respon- sables d’Ehpad et d’associations qui ont bien voulu répondre à nos questions.

M adame Clairville, coordinatrice de la vie sociale :Nous avons un effec- tif de 24 résidents. Depuis le début d e la pandémie, il n’y a pas eu de ruptures des relations sociales. Nous avons pris des dispositions pour tout concentrer en interne, sans qu’il soit nécessaire de sortir. Des logiciels supports comme Whatsapp, Skype, nous ont permis d’assurer des communications visuelles et des visioconférences. Ils ne sont pas coupés de leurs familles. Nous avons un parc, un beau jardin où ils peuvent sortir et se sentir moins enfermés. Depuis la créa- tion de la Semaine bleue, nous avons participé chaque année. Nous ferons notre Semaine Bleue en interne.

Monsieur Christian Geofroi, président de l’Association Eveil 4 de Les Abymes :Les activités de l’association sont totalement arrêtées depuis plusieurs mois. C’est pour nous un sérieux han- dicap du point de vue financier car, nous louons un local, avec les charges y afférentes, eau, électricité, téléphone. Notre principale activité qui rapporte des recettes, est le théâtre. Au début de la pandémie, en 2020, nous avons pu organiser deux séances qui nous ont permis de faire face mensuellement à nos dépenses sinon, nous serions en cessation de paiement. Nous n’avons pas déposé de dossier d’aide au niveau du gouverne- ment. Nos adhérents qui sont du troisième âge vivent très mal cette situation de confinement, car ils ne peuvent pas sortir, pas même pour se rencontrer dans le local. D’autre part, 70% de cet effectif d’une centaine environ ne vivent pas en couple ce qui augmente considéra- blement leur état d’isolement. Ils souhaitent vivement retrouver une vie normale. Nous avons mal- heureusement enregistré plusieurs décès parmi nos membres, au cours de cette pandémie.

Madame Christine Houblon, ex- présidente, présidente d’honneur Club Nouvelle Aurore Trois- Rivières : Le club des aînés de Trois- Rivières est un club phare au niveau de Guadeloupe. Jusqu’à la pandé- mie, nous faisions énormément d’activités, tant culturelles que sportives. En mars 2020, à l’arrivée du covid, le club a été fermé. Les adhérents ayant peur du covid, comme tout le monde, ne sortent plus. Ils regardent la télévision. J’appelle néanmoins, de temps en temps, quatre, cinq personnes, pour prendre des nouvelles, pour garder le contact. C’est un club que j’aime. Nous avons des relations affectives de proximité. Le club est en grande difficulté financière car, évidemment, il ne peut y avoir appel de cotisations. Il faudra, lors de la reprise, que les Institutions aident l’ensemble des clubs à redé- marrer et fonctionner, d’une autre manière, étant donné qu’il va fal- loir vivre avec le covid. Le club compte environ une centaine d’adhérents. Au cours de ma prési- dence, les personnes âgées atten- daient avec impatience la Semaine Bleue. On peut dire, qu’avec la pandémie, les clubs des aînés sont dans la sinistrose.