La Sierra Leone et l’abolition de la peine de mort

La décision de portée humani- taire mondiale qu’a prise la République du Sierra Leone le vendredi 23 juillet 2021, par le vote à l"Assemblée nationale de l’abolition de la peine de mort, illustre certainement les deux sagesses bien connues, «chose promise, chose due» et «mieux vaut tard que jamais». Elle tourne ainsi une belle page de son histoire sur le plan juridique.

N ouvelles-Etincelles salue cette décision qui est en effet un des marqueurs d’une justice qui affiche le respect de la vie de tout être humain. Il faut rappeler que la Constitution sierra- léonaise de 1991 prévoyait la peine capitale pour le vol aggravé, le meurtre, la trahison et la mutinerie. Cette mesure a toujours été criti- quée par tous les défenseurs des droits humains, tant et si bien qu’aucune exécution n’avait été réalisée depuis 20 ans.

Lors de la cérémonie de signature de cette abolition dans la capitale Freetown, le Président de la Répu- blique et chef du gouvernement, depuis le 4 avril 2018, Julius Maada Bio, n’a pas hésité a déclaré dans son allocution, qu’une nouvelle page de l’histoire de son pays allait s’écrire après 20 ans. Désormais, la peine de mort sera remplacée par une peine d’emprisonnement à perpétuité ou à un minimum de 30 ans. La Sierra Leone est le der- nier pays africain en date à abolir la peine capitale.

CETTE AVANCÉE, AURA-T-ELLEUN IMPACT SUR LE DÉVELOPPE- MENT ÉCONOMIQUE ?

En tout cas, l’abolition de la peine de mort en Sierra Leone est une grande victoire pour cette ancienne colonie britannique d’Afrique de l’Ouest, encadrée par la Guinée, le Liberia et l"océan Atlantique. D’une superficie de 71 740 km 2 et sa population estimée à 8 025 000 d"habitants, elle a été créée à l’initiative de l’Angleterre pour installer, en 1787, des dizaines de milliers d’esclaves affranchis de ses colonies, lors de la guerre d’indépendance améri- caine. Accédée à l"indépendance le 27 avril 1961, elle devient membre du Commonwealth et prendra l’ini- tiative de fonder la Com-munauté Economique des États de l"Afrique de l"Ouest (CEDEAO) avec 14 autres pays, le 28 mai 1975.

Malheureusement, sa richesse en diamant sera la cause principale de son malheur. Le pays va être secoué par des rivalités ethniques, des coups d’Etats militaires successifs, la guerre civile pour le contrôle des zones diamantifères de mars 1991 à janvier 2002, et la corruption, entretenue par l’exploitation des mines de diamant qui profitent surtout aux chefs de régime. Cette guerre civile, au cours de laquelle des enfants-soldats ont payé un lourd tribut, s’est soldée par envi- ron 200 000 morts et l’exode de plus de deux millions de personnes. La Sierra Leone s’avère très fragile et reste un des pays le plus pauvre de la planète.

Il est à espérer qu’à la faveur de cette grande victoire d’abolition de la peine de mort, la volonté de conduire le pays sur la voie du développement dans tous les domaines continuera à être la motivation de tous ceux qui ont en charge le destin de cette jeune République. Le pays est en paix depuis 2002, ce qui a permis à l"Organisation des Nations unies (ONU) de réduire progressive- ment, voire de supprimer, diffé- rentes mesures économiques et militaires pour aider le pays à retrouver une stabilité relative.

Malheureusement, pour des rai- sons économiques, selon une étude en 2019, 35% des enfants, en majorité des garçons, sont soumis au travail, exploités comme des esclaves dans les mines de diamant, avec tous les risques que cela pré- sente, au détriment de leur scolarité et de leur formation profession- nelle. Il est extrêmement urgent que cette page soit également défi- nitivement tournée pour permettre à ce peuple constitué de plusieurs ethnies de faire aussi ce pas tant attendu, au cours de ce 21 ème siècle.UNE FORT HEUREUSE COÏNCIDENCE

Cette autre victoire sur la condition humaine et des enfants en particu- lier est d’autant plus possible et attendue que l’abolition de la peine de mort en Sierra Leone intervient dans l’année du 40 ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France. Défendue par le minis- tre de la Justice Robert Badinter, le 17 septembre 1981, adoptée res- pectivement par l"Assemblée n ationale et le Sénat les 18 et 30 septembre 1981, elle a été pro- mulguée par le Président de la R épublique François Mitterrand, le 9 octobre 1981. Il faut malgré tout signaler, qu’à la suite d’un récent sondage, 55% des Français récla- ment le rétablissement de la peine d e mort. Cela s’explique, sans doute, par la banalisation de la vio- lence et l’horreur provoquée par la cruauté de certains crimes. A la cérémonie de commémora- tion de cette abolition au Pan- théon, le samedi 9 octobre 2021, le Président Emmanuel Macron, a ux côtés de l"ancien garde des Sceaux Robert Badinter, a déclaré solennellement que la F rance allait «relancer le combat pour l"abolition universelle»de la peine de mort. Une «rencontre au p lus haut niveau» aura pour but de «convaincre» les dirigeants des pays qui continuent à l’appliquer de «l"urgence de l"abolir».

En 2021, 144 pays ont aboli la peine de mort de droit ou de fait. 54 pays l a pratiquent encore. Il ne fait aucun doute que la Sierra Leone, d’une manière ou d’une autre, sera au ren- d ez-vous du concert de ces 144 pays pour exiger cette «abolition universelle». L’humanité entrera alors dans une ère nouvelle.