Un procès historique : La France au banc des accusés !

Les 11 et 12 octobre 2021, s’est tenu à la Cour d’Appel de Fort-de-France en Martinique un procès historique. A l’issue de ce procès, nous avons interrogé Mme Jacqueline Jacqueret, ancienne présidente du CIPN (Comité International des Peuples Noirs) pour connaître son sentiment sur l’évolution de l’affaire.

Que dire de ce procès ?

Jacqueline Jacqueret :Depuis 2005, les camara- des du MIR Martini- que (Mouvement International pour les Réparations), ont assigné l’Etat français en justice pour avoir pra- tiqué l’esclavage d’hommes et de femmes africains durant quatre siècles, soit (400 ans).

Pour mémoire, à l’initiative de Christiane Taubira, le 10 mai 2001, était adoptée la «loi Taubira», qui reconnaît la traite et l’esclavage, comme crime contre l’Humanité.

La loi du 26 décembre 1964 inscrit le crime contre l’humanité dans l’or- dre juridique français. C’est alors un unique article du code pénal qui renvoie à la charte du Tribunal inter- national de 1945 et à la résolution des Nations unies du 13 février 1946. Il déclare ces crimes «impres- criptibles par leur nature», ils peu- vent se voir juger sans aucun délai dans le temps. Concernant leur nature, l’article 211-1 dispose : «Est considéré comme crime contre l’Huma-nité la déportation, la réduc- tion en esclavage etc…»

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Ainsi, depuis 2005, les camarades du MIR Martinique mènent une lutte sans relâche pour que les droits des descendants africains déportés et réduits en esclavage que nous appelons les AFRès, soient reconnus. Pour ne pas faire face à ses responsabilités, l’Etat français continu à faire du dilatoire à chaque procès. Leurs avocats ont plaidé l’absence de preuve des plaignants qui devraient faire la preuve que leurs ancêtres africains ont été réelle- ment déportés en esclavage.

D’autre part, ils ont argumenté que les demandeurs du MIR se sont pris trop tard pour les demandes en réparation, puisque selon la loi française, le délai imparti pour agir était de quatre ans après l’abolition de l’esclavage.

Autre argument évoqué pour disculper l’Etat français, les juges de la Cour Constitution- nelle ont déclaré que la loi Taubira est une loi mémorielle et non normative.

En Guadeloupe aussi, le MIR Gua- deloupe a déjà assigné l’Etat fran- çais en justice à deux reprises pour les réparations, le combat continu.

Tout en reconnaissant que la loi Taubira prend en compte le crime, cependant l’Etat français est par- venu à enlever l’article 5 qui évoque le principe des réparations.

Le procès sera mis en délibéré le 18 janvier 2022. Les camarades du MIR ne se font aucune illusion quant à la suite qui sera réservée à ce procès.

En revanche, la Cour euro- péenne de justice a déjà reconnu la recevabilité de l’action inten- tée qui par la Guadeloupe, qui par la Martinique.Quelle est la position de l’Afrique par rapport à votre démarche ?

Les camarades du MIR Martinique ont commencé à établir des rela- tions et mener des actions avec le continent africain. Nous organisons des convois de réparation pour nous rendre en Afrique. Déjà en 2019, nous nous sommes rendus au Sénégal. Le deuxième voyage nous a conduit au Bénin.

Actuellement, il existe la Fédé- ration mondiale des MIR composée du : MIR Guadeloupe, MIR Mar- tinique, MIR Guyane, MIR Réunion, MIR Sénégal, MIR Benin, MIR France pour l’instant.

S’agissant de l’Afrique, les gens commencent à comprendre. La jeunesse africaine est debout et envisage aussi à réclamer des répa- rations à la France ainsi qu’aux autres Etats occidentaux pour les exactions commises et le dépeuple- ment du continent africain.

Tôt ou tard, l’Etat français sera mis en demeure de «passer» à la caisse et c’est sa hantise. Les avancées de notre combat sont liées aux avancées des combats menés en Afrique.

La Pan-africanisme doit évoluer de façon à ce que la diaspora africaine puisse en profiter dans le cadre de son combat pour les réparations mais aussi pour la souveraineté et l’indépendance.