Swaziland : La monarchie absolue d’Afrique en déroute

Peu connu ce petit pays d’Afrique australe et qui pour- tant cause tant de ravages du point de vue de la dignité humaine, par son régime poli- tique qui s’avère actuellement une monarchie absolue.

L’ article paru dans le journal«Le Monde diplomatique», en août 2018, sous la signature du journaliste Alain Vicky, ne peut laisser indifférents les descendants d’Afri-cains réduits en esclavage. Il convient donc de jeter un regard sur ce pays au climat tempéré, sans accès à la mer, encadré géographi- quement par l’Afrique du Sud et le Mozambique, d’une superficie de 17 364 km 2 et d’une population de 1 113 000 habitants, ayant pour capi- tale Mbabane. Sa population actuel- le s’est installée, à partir du 19 ème siè- cle au gré d’évènements divers, n otamment de guerres ethniques, tribales ou régionales, de la péné- tration des premiers blancs, de s on économie et son régime poli- tique. Il finit par devenir une colo- nie britannique sous le nom de S waziland, puis accède à son indé- pendance le 6 septembre 1968, devient membre du Common- wealth et intègre l’Organisation des Nations Unies (ONU).LA MARCHE VERS LAMONARCHIE ABSOLUE

Une monarchie constitutionnelle, rédigée par les Britanniques, est une porte ouverte sur le pouvoir absolu, avec comme premier roi, Sobhuza II, le chef suprême, sous domination britannique. Assoiffé de pouvoirs, dès 1973, annulant la Constitution, interdisant les partis politiques, supprimant le Parle- ment, il prend différentes décisions arbitraires sur le plan politique, conforté par une armée qu’il a for- mée à sa solde pour établir une monarchie absolue, plus en adéqua- tion avec la tradition du peuple swazi et qui devient de droit en 1978. La polygamie n’ayant aucune limite, à sa mort en 1982, il laisse soixante-dix épouses et plusieurs dizaines d’enfants. Cette dérive tant dans la politique que dans les moeurs, conduit à de multiples intrigues courtisanes pour assurer sa succession, sous l’influence de différentes puissances étrangères, d’Afrique, d’Europe ou d’Asie, sou- cieuses de préserver leurs intérêts d’affairistes. Le 67 ème fils, l’unique enfant d’une des épouses, né le 19 avril 1968, sera désigné par le Conseil royal pour lui succéder.

A la suite d’une régence alternée durant quatre ans par deux des épouses, le prince héritier est cou- ronné roi le 25 avril 1986, sous le nom de Mswati III. Il a toute latitude pour conforter, en le durcissant, un régime totalement sous son auto- rité. Les persécutions sont la règle lors de toute tentative d’opposition politique. Gouvernant par décrets, il nomme les ministres, rétablit le Parlement en nommant les deux tiers des sénateurs sur trente et dix députés. Cinquante-cinq députés, sans étiquette, sont élus locale- ment par les chefs traditionnels acquis à la cause du despote. Cela lui permet de faire voter une nou- velle Constitution en 2004 afin qu’elle ne puisse opposer aucun obstacle à ses décisions. L’aspect sociétal n’est pas épargné et va jusqu’au pouvoir d’augmenter lenombre de ses épouses chaque année en choisissant, au cours de la«danse des roseaux»à la fin du mois d’août, l’une des jeunes filles certi- fiées vierges qui lui sont présentées. De confession évangélique, il règne également sur la pratique religieuse, interdisant le divorce et veillant étroitement sur la tenue vestimen- taire féminine.LA DILAPIDATIONDE L’ÉCONOMIE DU PAYS

Un tel contexte politique ne pouvait que se traduire par une politique d’exploitation, d’oppression et d’as- servissement du peuple, la paupéri- sation du pays, la corruption, la répression violente de toute velléité de syndicalisation. L’économie du pays basée principalement sur la culture de la canne à sucre allait faire la fortune colossale du souverain absolu et celle de 15 000 hommes d’affaires sud-africains et héritiers d’anciens colons britanniques. Ses frasques de toutes natures, sans aucune limite, sont garanties par le prélèvement de 8% sur le budget national. En outre, 40% de la pro- duction de sucre est exportée dans le cadre d’un partenariat entre l’Union européenne et plusieurs pays de l’Afrique australe, ce qui dénote la plus grande clémence de cette insti- tution. Dans le même temps, le peu- ple s’appauvrit de plus en plus, confronté au bas salaire, à la durée du travail à 60 heures, au travail des enfants, avec un niveau de vie des plus bas de la planète. A cela s’ajou- tent les problèmes sanitaires, les maladies de toutes sortes, en parti- culier le VIH du sida et la tubercu- lose. En novembre 2010, Méde-cins sans frontières avait estimé que l’es- pérance de vie de cette population était passée de 60 ans à 31 ans à cause de différentes épidémies.

Ce pays a pourtant fêté, avec cynisme, ses cinquante années d’in- dépendance en 2018 sous le signe de «la paix, la stabilité et du pro- grès». Le roi a alors annoncé le changement de nom de son pays qui s’appellera «Eswatini».LE PEUPLE «SE RÉVEILLE»EN COLÈRE

L’article du journaliste Alain Vicky cité ci-dessus, pour la circons- tance, a le mérite d’attirer le regard du monde entier sur ce petit pays, membre de l’ONU, ignoré de beaucoup sur la pla- nète, mais dont le gouvernement despotique continue, en 2021, à faire fi de la condition humaine et de la dignité de l’homme, mécon- naissant totalement la reconnais- sance par l’ONU, en 2014, que«l’esclavage est un crime contre l’humanité».

U n sursaut du peuple s’est réalisé en 2019, provoquant une vague de grèves des fonctionnaires et en 2 021 des manifestations pour exi- ger la démocratie. En dépit de l’ins- tauration d’un couvre-feu, il sem- blerait que Mswati III aurait fui le pays en juin mais que les manifesta- t ions ayant fait un mort et des bles- sés par la répression de l’armée et de la police, se poursuivraient.

Selon l’information révélée par Afrik.com et la BBC, et confirmée p ar le Parti Communiste d’Eswa- tini, le mardi 29 juin 2021, il serait réfugié à Johannesburg, en Afri-que du Sud. Cette information a été cependant démentie par le gouver- n ement, précisant que «le roi est toujours dans le pays et continue de travailler pour faire avancer l’objectif d u royaume».

Toujours par le biais d’Afrik.com, Thokozani Kunene, membre du Parti Communiste du pays a déclaré que «l’action de protestation se p oursuivrait dans le pays jusqu’à ce que le roi Mswati III se retire et se prosterne devant la démocratie.Il a également fait savoir que l’armée et la police ont été déployées pour cibler l es manifestants, ajoutant qu’il y avait des scènes chaotiques».

I l est du devoir de tout démocrate de tourner son regard sur l’avenir de ce pays, au bord du chaos, quand on sait tous les risques d’in- féodalisation hégémonique par d’autres puissances.