L’économie sociale et solidaire une alternative de developpement pour la Guadeloupe ? (1 è re partie)

Comme chaque année, le mois de novembre marque le lance- ment du mois de l’économie sociale et solidaire, durant lequel les acteurs, portés par les Chambres régionales de l’écono- mie sociale et solidaire (CRESS), organisent à travers toute la France et les territoires d’outre- mer des événements permet- tant de présenter leurs actions et les enjeux pour notre société 1 .

T out au long du mois de Novembre, des évènements auront lieu pour promotion- ner l’ESS. Vous pouvez consultez les rendez-vous à l’adresse : https://lemois-ess.org/tous-les- evenements.

Concept «juridiquement» naissant, à la suite du vote de la loi 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l"écono- mie sociale et solidaire, mais histori- quement et culturellement ancien, l’économie sociale et solidaire plus communément appelée ESS dési- gne un ensemble d"entreprises organisées sous forme de coopé- ratives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionne- ment interne et les activités sont fondés sur un principe de solida- rité et d"utilité sociale 2 .

L’utilité sociale est une notion employée pour distinguer les activi- tés qui servent l’intérêt de la société de celles qui servent avant tout l’in- térêt d’individus (intérêt particu- lier) ou de groupes d’individus (intérêt mutuel) 3 . L’apparition offi- cielle du terme en France date d"un arrêt du Conseil d’État de 1973, considérant qu’elle est une condi- tion autorisant l’exonération fiscale pour des structures associatives 4 .

Durant des années, des travaux de recherches et d’expérimentations, les experts tenteront de donner un cadre juridique précis qui sera apporté par la loi du 2014-856 du 31 Juillet 2014 relative à l’ESS. L’article 2 de la loi définit l’utilité sociale de la manière suivante :«Sont considérées comme poursui- vant une utilité sociale au sens de la présente loi les entreprises dont l’ob- jet social satisfait à titre principal à l’une au moins des trois conditions suivantes :

1° Elles ont pour objectif d’apporter, à travers leur activité, un soutien à des personnes en situation de fragi- lité soit du fait de leur situation éco- nomique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle et particu- lièrement de leur état de santé ou de leurs besoins en matière d’accompa- gnement social ou médico-social. Ces personnes peuvent être des sala- riés, des usagers, des clients, des membres ou des bénéficiaires de cette entreprise ;

2° Elles ont pour objectif de con- tribuer à la lutte contre les exclu- sions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et cultu- relles, à l’éducation à la citoyenneté, notamment par l’éducation popu- laire, à la préservation et au dévelop- pement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;

3° Elles concourent au développe- ment durable dans ses dimensions économique, sociale, environnemen- tale et participative, à la transition énergétique ou à la solidarité inter- nationale, sous réserve que leur acti- vité soit liée à l’un des objectifs men- tionnés aux 1° et 2°». Les acteurs de l’ESS poursuivent un intérêt différent que celui des acteurs de l’économie « classique ». Pour pouvoir être considérés com- me faisant parties de l’ESS, le fonc- tionnement des acteurs de l"écono- mie sociale et solidaire doivent répondre à des modes de gestion spécifiques, qui s"appuient sur un cadre juridique adapté. Les entre- prises relevant de l’ESS adoptent des modes de gestion démocra- tiques et participatifs. Leurs res- sources financières sont générale- ment en partie publiques, et elles encadrent strictement l"utilisation des bénéfices qu"elles réalisent :LE PROFIT INDIVIDUEL ESTPROSCRIT ET LES RÉSULTATS SONT RÉINVESTIS

L’article 1 er de la loi du 31 Juillet 2014 stipule : «[…] Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;[…] Les bénéfices sont majoritairement consacrés à l"objectif de maintien ou de développement de l"activité de l"entreprise 5 […]».

En tout état de cause l’économie sociale et solidaire poursuit un but diamétralement différent de celui de l’économie classique néo-libérale qui repose sur des principes régis par le marché à la recherche constante de débouchés pour écou- ler sa production en minimisant ses coûts de production et en maximi- sant ses bénéfices.

L’ESS EST LA RÉSULTANTE DED EUX CONCEPTS QUI SE COM- PLÈTENT : L’ÉCONOMIE SOCIALE ET L’ÉCONOMIE SOLIDAIRE

L’économie socialequi se définit par les statuts des structures qui la c omposent (associations, coopéra- tives, mutuelles et fondations). Ces structures défendent l’idée de satis- faire les besoins essentiels des femmes et des hommes que celui du capital. L’économie sociale plonge ses racines dans le mouve- ment ouvrier du XIX è me siècle et sa résistance à la logique productiviste de la révolution industrielle. Face à leurs conditions de vie précaires, les travailleurs, inspirés par des pen- seurs du socialisme dit «utopique», se sont organisés et ont créé des sociétés de secours mutuels, des comptoirs alimentaires et des coo- pératives de production.

L’économie solidairerassemble les organisations dont l’objectif pre- mier est l’utilité sociale. C’est dans les années 1970 que ce concept naît afin de répondre aux préoccu- pations des populations, touchées notamment par le chômage et l’ex- clusion sociale. Ses nouveaux acteurs apportent des solutions à ces problématiques à travers, par exemple, les structures d’insertion par l’activité économique (IAE) et l’entrepreneuriat social. Par ailleurs, ils proposent d’autres façons de produire, de consommer et d’échanger, comme le commerce équitable ou le maintien d’une agri- culture paysanne respectueuse de l’environnement.

Ces deux mouvements sont com- plémentaires, l’économie solidaire a revitalisé les valeurs défendues par l’économie sociale :UNE ÉCONOMIE AU SERVICEDE L’HOMME ET NON AU SERVICE DU PROFIT 6

Mettre «l’humain au coeur de l’éco- nomie», telle est l’ambition qui anime l’ensemble des acteurs de l’Économie Solidaire et Sociale. Les acteurs de l’économie sociale et solidaire replacent ainsi l’économie dans son contexte, c’est-à-dire comme moyen au service de la société, non comme une fin en soi.

Le modèle économique de l’ESS met l’accent sur la coopération et la solidarité et non sur la concurrence entre les individus. Il prône une gou- vernance respectueuse de tous les salariés, orientée vers une prise de décision la plus démocratique possi- ble. Les principes fondateurs qui régissent le fonctionnement des entreprises de l’économie sociale et solidaire se retrouvent au sein des principes suivants :Coopération et démocratie :une gouvernance démocratique des e ntreprises basée sur le principe«une personne = une voix».Libre adhésion : participation volontaire des membres (adhé- rents, bénévoles, bénéficiaires, coo- pérants, militants, salariés, …) qui s’appuie sur l’engagement person- nel et collectif.Recherche de l’intérêt général ou collectif :un projet d’entreprise qui vise à répondre à des enjeux com- muns, collectif à toutes et tous, sou- cieux de son environnement.Lucrativité limitée :une gestion qui vise à une répartition équitable des excédents en donnant la prio- rité au développement du projet d’entreprise (réserves impartagea- bles/échelle des rémunérations).Primauté de la personne humaine sur le capital :porter plus d’attention aux personnes qu’à la recherche de profit.

Les acteurs de l’Économie sociale et solidaire

Les différents acteurs se définissant de l’ESS sont les structures sui- vantes :Coopératives :agricoles, com- merces, banques, etc…MutuellesSociétés commerciales d’utilité socialesFondationsAssociations

La diversité des acteurs de l’ESS, ainsi que la pluralité des domaines d’activités nécessitaient une struc- turation afin de défendre les intérêts de l’économie sociale et solidaire mais surtout faire valoir ses spécifi- cités dans la société.

Cette structuration, la loi n° 2014- 856 du 31 juillet 2014 relative à l"économie sociale et solidaire en a posé les cadres notamment au tra- vers de son Chapitre II : Organisation et promotion de l’éco- nomie sociale et solidaire.À suivre… QUELQUES MOTS CLÉS DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

ESS : Le terme d’Economie Sociale et Solidaire regroupe un ensemble de structures qui repo- sent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants. Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement.

La Démocratie participative :La démocratie participative est une forme d’exercice du pou- voir qui vise à faire participer les habitants du territoire aux décisions politiques. Elle a d’abord été utilisée dans les projets d’aména- gement du territoire et d’urbanisme, mais elle s’étend maintenant à des sujets comme l’en- vironnement ou les projets de territoire.

Coopérative :Une coopérative est un groupe- ment d’individus (commerçants, consomma- teurs, producteurs…) choisissant de mettre leurs moyens en commun afin de satisfaire leurs besoins. Le fonctionnement de la coopé- rative est singulier : il est basé sur le principe démocratique «1 homme, 1 voix». De plus, les bénéfices ne sont pas distribués mais réin- vestis dans la coopérative.

Commerce équitable :Construire un modèle différent d’échanges Nord-Sud, basé sur d’autres rapports entre les consommateurs des pays riches et les producteurs des pays pauvres. Cela consiste à acheter des pro- duits agricoles ou artisanaux à un prix juste et stable, au lieu de laisser s’appliquer les lois du marché dans leur brutalité. Il permet aux producteurs de vivre dignement et favorise le développement. Le surplus de revenu obtenu étant en effet investi dans l’habitat, l’éducation ou la santé, et dans la diversifica- tion de la production.

Monnaie locale complémentaire (MLC) : Une monnaie locale est une monnaie complémen- taire de la monnaie officielle. Elle ne peut être utilisée que sur un territoire restreint : ville, région, et ne concerne qu’un éventail réduit de biens et services. Elle est mise en place par une association qui en assure la gestion avec l’aide d’un établissement financier. On ne peut payer avec la monnaie locale que certaines marchandises. Une monnaie locale peut servir à payer des achats du quotidien dans le cadre du commerce de proximité, de la vente de produits locaux. La monnaie locale sert en général à développer l’économie locale en favorisant le commerce et la production de proximité. La monnaie locale peut également servir à développer des projets solidaires. Comme on ne peut la dépenser que locale- ment, une MLC retient l’argent dans l’écono- mie locale et donc la favorise. Elle préserve les échanges et le lien social.

La finance participative (crowdfunding signi- fie financement par la foule) :permet le déve- loppement de projets de tous types en s’ap- puyant sur les contributions financières du grand public, en dehors des circuits de finan- cements traditionnels (banque, business angels, etc…). Ce mode de financement est de plus en plus populaire sur internet. Il per- met aux particuliers de soutenir le projet de son choix, selon ses critères (région, activité, impact). A l’origine le financement participatif a permis de financer des projets sociaux ou artistiques. En pleine évolution le crowdfun- ding s’adresse aujourd’hui également aux entreprises en création ou menant des projets d’innovation. Ces différents projets peuvent être portés par des particuliers, des entre- prises ou des associations... Les contributions financières sont collectées via les plateformes internet spécialisées par mode de finance- ment : Le don (avec ou sans contrepartie), le prêt (avec intérêt ou sans intérêt), l’investisse- ment, soit en obligation soit en action.1. Source : https://www.economie.gouv.fr 2. Source : https://www.economie.gouv.fr/cedef 3. Source : Fiche synthèse Utilité Sociale TIESS Bibliothèques et Archives Nationales du Québec Mars 2018 4. Source : https://www.avise.org/ 5. Source : https://www.legifrance.gouv.fr 6. Source : ESS Le Labo de l"ESS (lelabo-ess.org)