2021 : Début du retour de la Gauche en Amérique du Sud ?

Le calendrier électoral fut très dense dans les pays de l’Amérique latine durant l’année 2021. Ont eu lieu des élections présidentielles et/ou législatives en Équateur, au Pérou, Nicaragua, Chili, Honduras, Salvador, Mexique, Argentine. En Bolivie, Paraguay et Venezuela se sont tenus des scrutins régionaux et locaux.

C ette année électorale fut marquée avant tout par la pandémie de Covid-19. Ce qui a accéléré la crise sociale, éco- nomique et parfois institutionnelle dans certains pays, où la colère s’est retrouvée dans les rues.

Déjà considérée comme une région la plus inégalitaire, ces crises ont provo- qué l’une des récessions les plus désas- treuses pour les peuples. Les choix des gouvernants face à la crise sanitaire ont soulevé bien des doutes et des critiques à leur politique. A l’analyse des résultats de ces différentes élections, on serait enclin à conclure que la remontée de la droite dans cette région a pris fin.

Mais, faisons un retour en arrière. Au début des années 2000, une vague progressiste a déferlé sur l’Amérique latine. Tout avait commencé avec l’élection du Président Hugo Chávez au Venezuela en 1998, permettant à la gauche de reprendre des couleurs en Amérique latine. Venezuela, Argentine, Chili, Uruguay, Cuba, Paraguay, Équateur, Nicaragua et Bolivie étaient tous administrés par un gouvernement de gauche. Ces gouvernements se sont attachés à réduire les inégalités, à redistribuer les richesses et contrecarrer leur concentration extrême. Ils ont mis en place des programmes sociaux radi- caux de réduction de la pauvreté, d’investissements dans les services publics. Selon l’hebdomadaire libéral The Economist, 43% de la population d’Amérique latine vivait dans la pau- vreté en 2000, contre 28% en 2014.

Mais, il fallait s’attendre à la réaction des riches élites devant cette politique de redistribution des richesses. Aidés par les États-Unis, l’élection de Donald Trump en 2016 et les coups d’État par- lementaires, le néolibéralisme s’était donc réinstallé dans cette région. Les conséquences ne tardèrent pas : l’inef- ficacité des programmes de ces gou- vernements conservateurs et néolibé- raux ont replongé les peuples d’Amérique latine dans la misère. Ce qui a induit évidemment la reprise des manifestations de masse même dans les pays alliés fidèles des États-Unis comme la Colombie et le Pérou.

C’est dans ce contexte d’une situation de crise sanitaire, de l’aggravation de la situation économique et sociale, et de la seule région du monde qui a réellement pris position contre le néolibéralisme au cours du siècle que la période électorale a commencé dès le mois de février 2021.

Voyons en détail ce qui s’est passé durant cette année.

EQUATEUR :C’est le candidat de droite, l’ex-banqier Guillermo Lasso qui a remporté la victoire des élections pré- sidentielles en mai 2021 battant le socialiste Andrés Arauz quoiqu’en tête au 1er tour.

SALVADOR :C’est le parti du Président actuel Nayib Bukele (centre droit) qui remporte les élections législatives. Le président Bukele sort ainsi grandement consolidé du scrutin ce qui lui confère une confortable majorité pour mettre en oeuvre sa politique.

BOLIVIE :Se sont tenus en mars 2021 les élections législatives, départemen- tales et les postes des gouverneurs. La plupart des assemblées législatives départementales demeurent contrô- lées par le MAS (Mouvement vers le socialisme), parti du président Luis Arce président du pays depuis 2020.

CHILI :En décembre 2021, le duel entre l’extrême droite et la gauche s’est soldé par la victoire du candidat sou- tenu par le Parti Communiste Gabriel Boric. Le peuple chilien a fait son choix vis à vis aux deux modèles écono- miques qui lui étaient proposés.

PEROU :Face à la droite regroupée autour de la populiste Keiko Fujimori, c’est le favori «communiste» Pedro Castillo qui remporte ses élections pré- sidentielles en juin 2021 et validée 1 mois plus tard dans un pays en pleine crise économique et un système poli- tique entaché par la corruption.

MEXIQUE :les élections législatives de juin 2021 permettent à la coalition de gauche de conserver la majorité abso- lue des sièges confortant le Président Andrés Manuel Lopez Obrador car son gouvernement détient également la majorité du Sénat.

PARAGUAY :En octobre se sont tenuesles élections municipales remportées par le parti du Président actuel, Mario Abdo Benitez (conservateur).

N ICARAGUA :P our la 4 ème f ois consécu- tive, Daniel Ortéga remporte les élec- tions présidentielles en novembre 2021. Le FSLN (parti de Ortega) rem- porte près de 76% des sièges de la Chambre des députés.

ARGENTINE :Situation tendue en Argentine avec le président Alberto Fernando (coalition du centre gauche) mais n’ayant plus la majorité dans les deux chambres. Deux ans de mandat restants seront bien compliqués pour le président Fernando.

VENEZUELA : Dans un pays institution- nellement très instable (2 présidents en fonction), les élections régionales tenues en novembre 2021 ont vu la vic- toire écrasante du parti de Maduro (réélu démocratiquement en 2018).

HONDURAS :En décembre 2021, le Honduras a élu pour la première fois une femme présidente, Wiomara Castro, candidate de gauche, au cours d’un scrutin à la participation record.

Un tour d’horizon qui montre non seu- lement que cette région du monde continue d’être en Mouvement malgré l’omni présence américaine. Les mobi- lisations populaires ont repris de plus belle quelque peu inhibées par la situa- tion sanitaire. Ce contexte a ainsi redonné de la couleur à la gauche d’où les résultats significatifs enregistrés dans certains pays. Mais au courant de l’année 2022, verra-t-on se poursuivre cette réaction du peuple vers les partis se réclamant de la gauche ? Car d’im- portantes échéances électorales sont prévues au Costa Rica, en Colombie et surtout au Brésil ; le Brésil pour lequel les premiers sondages donnent vain- queur à Lula contre le président d’ex- trême droite Bolsorano. Une élection qui pourrait donner de belles couleurs à toute la gauche dans cette région d’Amérique latine.

Et enfin, on ne pourrait pas terminer cet article sans évoquer ce qui se pas- sera au Chili. Une convention consti- tutionnelle avait été installée en juil- let 2021 et disposait d’un délai de neuf mois, extensible à trois autres, pour rédiger une nouvelle constitu- tion. En 2022, le peuple aura donc à se prononcer sur cette proposition de nouvelle constitution. Cette formida- ble expression démocratique sera observée mondialement.