Où en sommes-nous de l"apprentissage du créole ?

Depuis 2002, la langue créole est enseignée en seconde langue étrangère dans les collèges et lycées de Guadeloupe. La poli- tique linguistique menée par l’Éducation nationale tend à s"engager vers une généralisa- tion de l"enseignement du créole dès le niveau élémentaire dans les territoires d"Outre-Mer mais encore trop peu de profes- seurs sont formés à cela. Mirna Bolus, professeur agré- gée de langue créole à l"univer- sité des Antilles et chercheuse à l"Espe de Guadeloupe, nous éclaire à ce sujet

D epuis deux ans, la langue créole a officiellement inté- grée le cercle des langues vivantes régionales qu"il est possible d"enseigner au niveau universitaire grâce à l"agrégation. Ce concours, le plus élevé au sein du parcours de l"enseignant après le Capes, permet aux candidats de devenir des pro- fesseurs d"enseignants en langue créole. «J"avais un doctorat en créole qui me permettait déjà d"enseigner àl"université mais ce diplôme supplé- mentaire est une vraie avancée pour former davantage de professeurs en langue créole. Il est important que ces derniers soient qualifiés et reconnus pour leur maîtrise de notre langue». UNE ATTENTE CROISSANTE

En Guadeloupe, la demande de l"ap- prentissage du créole est forte et constante depuis plusieurs années et le faible nombre de professeurs formés ne permet pas de répondre à celle-ci. «Longtemps, le créole était vu comme secondaire dans notre société. Il avait parfois même mau- vaise réputation, étant la langue que l"on utilise lorsqu"on veut rétablir l"or- dre mais, pour autant, elle fait partie de notre histoire et elle nous permet d"ancrer notre réalité»explique Mirna Bolus. Au fil du temps, la population milite pour plus de classes bilingues et cherche à se rapprocher de ses racines linguis- tiques. «Le créole est une langue qui se vit. Nous ne pouvons pas la laisser au placard. Elle nous permet d"élever notre niveau de compréhension dans n otre quotidien et de solidifier notre identité guadeloupéenne».

De plus, de nombreuses familles sont désireuses d"inscrire leurs e nfants dans des classes encadrées par des enseignants créolophones.«Je crois qu"un enseignant qui ne p arle pas le créole subira des limites dans son enseignement. On nous a beaucoup incité à parler français mais je pense que la langue créole favorise l"intégration. A l"époque, il y avait seulement quelques étudiants volontaires et intéressés par l’appren- tissage de l"initiation au créole. Aujourd"hui, ils sont des dizaines en cursus Master Professeurs des écoles à s"intéresser aux fonde- ments de celle-ci. A terme, le but, pour nous agrégés, est d"avoir des professeurs formés dans tous les établissements scolaires et pour tous les niveaux d"études».

PERPÉTUER L"USAGE DU CRÉOLE

En effet, la langue créole est un terrain de jeu et d"études au niveau m ondial. «Certains pays nous envient la richesse de notre langue. C"est un produit de luxe que nous d evons valoriser et mettre en lumière». Une volonté affichée en Guadeloupe, bien moins dans les a utres territoires d"Outre-Mer. «En Martinique et en Guyane, ils sont plus réticents à encourager son apprentissage alors qu"à La Réunion c"est tout le contraire. Ils sont en avance sur nous et ont adapté une vraie politique militante envers le maintien de l"usage du créole à l"école».

Mirna Bolus, enseignante et cher- cheuse, a aussi à coeur de montrer l"apport du créole. «C"est un réel avantage d"être bilingue. Cela offre une ouverture d"esprit et une ouver- ture sur le monde et cela doit com- mencer dès le plus jeune âge. Il y a aussi des domaines, notamment la médecine, où la maîtrise du créole pourrait être une force supplémen- taire pour les élèves». D ÉVELOPPER DES PROJETSD"INITIATION

E n dehors de sa présence timide au sein du circuit scolaire, la langue créole et son apprentis- s age ne semble pas suffisam- ment structurée dans la société guadeloupéenne. «Des cours de créole, ouverts à tous, étaient dis- pensés à l"université. Cela n"existe plus malheureusement. Certaines maisons de jeunesse et de quartier proposaient également des initia- tions mais cela semble être de plus en plus rare». Il s"agirait alors de se tourner auprès des mouve- ments culturels et des groupes de carnaval ou faire appel à des particuliers qui proposent des cours du soir. «Il y a un travail de maillage à développer autour de l"enseignement du créole dans nos villes et il peut se faire conjointe- ment avec la population guade- loupéenne avec pour ambition de cultiver la nécessité et la validité de notre créole».