Théo, ton amendement c’est du bidon !
D ans un communiqué, le sénateur Dominique Théophile exprime sa satis- faction de voir son amendement portant sur la participation des maires a u Congrès des élus départementaux et régionaux retenu par la Commission mixte paritaire du Parlement. Ce qui ouvre la voix à son adoption dans la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration, simplification).
Y’a-t-il vraiment de quoi se réjouir lorsqu’un parlementaire guadeloupéen s’ex- pose à la risée des politiciens véreux de la France ? Car, cet amendement est tota- lement bidon, un véritable cache-sexe démocratique. Dans son exposé de motif, le sénateur Théophile ose écrire : «Intégrer les maires (au congrès) avec voix déli- bérative, c’est à travers eux, intégrer les citoyens et tordre le cou à l’idée selon laquelle les débats sur l’évolution institutionnelle et des compétences sont uniquement l’af- faire des élus». Vous avez bien lu ? Alors là, Théo n’a pas fumé un «joint», mais un véritable «bâton» d’herbe pour nous sortir une telle stupidité.
Pour mieux comprendre l’inutilité de cet amendement, il faut se rappeler que dans ce congrès crée par la loi Jospin du 13 décembre 2000 siègent avec voix délibérative les conseillers régionaux et les conseillers départementaux. Les parlementaires et les maires siègent avec voix consultative. Mais ce n’est au fond qu’un paravent, car, dans un système électoral qui s’accommode des cumulards, les maires participent de fait avec voix délibérative. La preuve, dans le congrès de Guadeloupe siègent 14 conseillers départementaux- maires et 8 conseillers régionaux-maires. Il n’y a donc que 10 maires sur 32 qui n’ont pas voix délibérative au congrès.
Mais là ou ça devient plus cocasse c’est lorsque notre sénateur nous assène que «intégrer les maires, c’est intégrer les citoyens». Alors là, ce n’est plus de la fumée sans pipe, mais un brasier sans combustible. En quoi le maire serait plus représen- tatif des citoyens dans un pays comme le nôtre où les élus ont la même base élec- torale avec un avantage pour les conseillers départementaux et régionaux ?
La voix délibérative d’une dizaine de maires de plus au congrès n’apportera aucun souffle démocratique dans cette assemblée à moins d’introduire une disposition inique dans la loi qui autoriserait à recueillir deux fois le vote du conseiller départemental et régional-maire ou mieux encore, modifier la loi électorale pour interdire le cumul des mandats de maire et de conseillers départementaux ou régionaux.
Il faut comprendre que cet amendement est passé parce que les parlementaires français sont à mille lieues de cette «cuisine autochtone» qui ne fait pas partie de leurs préoccupations électorales ou politiques. Ils se sont simplement contentés de renvoyer l’ascenseur à Théo comme ils l’ont fait avec la députée Benin sur le «report du pass vaccinal» pour avoir endosser la proposition de la loi sur l’eau.
Le congrès, véritable Ovni, dans le paysage politique français, n’existe aujourd’hui que dans la seule région-monodépartementale de la Guadeloupe. La politique dit-on, c’est l’art du possible. Cette instance a été inventée par les socialistes pour contrer la déclaration de Basse-Terre et pour verrouiller notre marche vers la responsabilité. Nous pouvons la récupérer et imposer sa transformation pour les besoins de notre cause : la domiciliation par la voie démocratique d’un pouvoir politique en Guadeloupe.
Les forces vives du pays relayées par les parlementaires guadeloupéens doivent se saisir de la proposition de modification de la loi du 13 décembre 2000, mise en débat dans le pays par le Parti Communiste Guadeloupéen, depuis 2015. Cette proposition s’articule autour des points suivants :
- Election au suffrage universel direct et à la proportionnelle intégrale d’une Assemblée instituante.
- Elaboration par cette assemblée dans une démarche de démocratie participa- tive d’un projet de statut politique adossé à une stratégie de développement.
- Négociation avec le gouvernement français d’un projet de loi organique à partir de ce projet.
- Consultation des électeurs guadeloupéens sur le projet de loi négocié avec le gouvernement avant sa présentation au Parlement français.
C’est dans cette démarche que le citoyen guadeloupéen va exercer libre- ment et pleinement son droit de choisir son destin. Alors Théo es-tu prêt à repartir dans la bonne direction ?