Le Sommet des océans

Du 9 au 11 février 2022 s’est tenu à Brest en France le 5 ème Sommet des Océans consacré cette fois à trois jours d"échanges internationaux pour identifier des voies et moyens de protéger les océans. A priori, ce Sommet sem- blait être capital au vu de la préoccupante situation environ- nementale mondiale.

En effet, les océans occupent 70% de la surface du globe et jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique. Or, les scientifiques se déclarent très inquiets ne sachant pas jusqu’à quand les océans pour- ront continuer à jouer leur rôle de régula- teur du climat. D’autre part, ces océans nourrissent les populations, abritent de nombreuses espèces. Pour autant, ils res- tent mal connus et mal protégés. A ce Sommet, ont participé 400 experts composés des représentants du milieu scientifique, des jeunes entreprises, des ONG libérales, des multinationales, banques, assurances, et une vingtaine de chefs d"État et de gouvernement (un nom- bre bien plus petit que ce qui avait été annoncé au début).QUELS DANGERS MENACENT LESOCÉANS POUR TENIR UN SOMMET ?

Ce qu’il faut savoir c’est que les océans a bsorbent plus de 90% de la chaleur géné- rée par les activités humaines et environ 30% des émissions de CO2, tout en géné- rant près de la moitié de l’oxygène que nous respirons. Et de plus, ils abritent une grande partie de ce que nous mangeons. Or, d’après l’Organisation non gouvernemen- tale WWF (Fonds mondial pour la nature), la pollution plastique a atteint toutes les par- t ies des océans et menace la biodiversité marine. Elle évalue chaque année à près de 23 millions de tonnes de plastiques dans les eaux de la planète dont une grande partie finit en mer ! Cette situation catastrophique fait peser une menace sur certaines espèces y compris les oiseaux de mer mais affecte en réalité tout l’écosystème. C ETTE POLLUTION N’EST PAS DÛEQU’AUX PLASTIQUES!

Selon l’Unesco, 80% de la pollution marine provient du continent. Il s’agit entre autres d’eaux usées et d’engrais chimiques qui rejettent de grandes quantités de subs- tances nutritives en mer. Cette surabon- dance de nutriments engendre la proliféra- t ion d’algues. Ces dernières puisent une telle quantité d’oxygène dans l’eau que de plus en plus de zones s’en trouvent dépourvues. Elles sont de fait désertées par la vie sous-marine. Ainsi, ce sont les poissons, les oiseaux, les reptiles et les mammifères qui souffrent de cette pollu- tion. D’ailleurs une enquête publiée dans la «Annual Review of Marine Science» prédit un déclin de 7% de la quantité d’oxygène présente dans les océans au cours des 100 prochaines années.

Mais il existe d’autres formes de pollution maritime ! Citons entre autre le pétrole, les métaux lourds, les substances radioac- tives et toxiques. Un autre danger dont on ne parle guère et, qui est lié au mode de consommation : la surpêche ! 10% seulement des espèces sont pêchées dans des limites raisonnables. Par consé- quent cela entraîne comme conséquence une régression constante des stocks halieutiques (qui concernent la pêche). Selon l’ONU, la menace pèse sur 61% des espaces maritimes.

Un autre danger : la dégradation des écosys- tèmes côtiers. En effet, près de 340 000 et 980 000 hectares de zones côtières (man- groves, prairies sous-marines) sont détruits chaque année ! Alors que les écosystèmes de ces zones servent de protection contre les tempêtes et l’augmentation du niveau de la mer. En emmagasinant de grandes quantités de gaz à effet de serre, ils freinent ainsi le changement climatique.

D’autre part en absorbant 26% de CO2 détenue dans l’atmosphère, le taux d’aci- dité des océans n’a fait que se multiplier. Cette acidification des océans a des conséquences négatives directes sur les coraux dans les océans tropicaux l orsqu’on connaît leur importance.

D’autre part, l’Unesco met en garde que d"ici 2100, plus de la moitié des espèces marines seront menacées d’extinction par les avancées technologiques qui faci- litent l’exploitation des fonds marins, l’intensification des méthodes de pêche et le forage pétrolier et gazier toujours p lus en profondeur.

Et enfin, tous ces dangers ont forcément des répercussions socio-économiques car 8% de la population mondiale soit 450 mil- lions de la population mondiale vivent de la pêche et de l’aquaculture ! Une consé- quence d’une poursuite de cette dégrada- tion serait sans aucun doute l’augmentation d e la pauvreté, de famine voire de conflits.SOMMET DE BREST : LA MONTAGNEA T-ELLE ACCOUCHÉ D’UNE SOURIS ?

Voyons voir ce qu’il en sort de ce Sommet. Tout d’abord, va-t-on vers un traité pour protéger la haute mer ? Après des années de négociations, les défenseurs des océans espéraient faire enfin aboutir un traité des- tiné à protéger la haute mer, fragilisé par les activités humaines. Même si ce traité n’allait pas régler tous les problèmes, mais il pour- rait permettre d"assurer la mise en place de refuges pour que les espèces marines et la nature puissent respirer, survivre et s"adap- ter au réchauffement.

Les négociations de ce futur texte, commen- cées en 2018 mais interrompues par la pan- démie, portent sur quatre domaines : la créa- tion d"aires marines protégées, les ressources génétiques marines et le partage de leurs avantages, la réalisation d"études d"impact environnementales, ainsi que le renforce- ment des capacités et les transferts de tech- nologies notamment vers les pays en déve- loppement. Le Sommet a-t-il réussi à fran- chir cette étape ? La satisfaction (si on peut s’arrêter à cela !) c’est l’apparente mobilisa- tion internationale à travers des déclarations fortes sur l’adoption d’un tel traité.

Si par exemple, l’objectif de protéger d’ici 2030, 30% des aires marines est forte- ment affiché, non seulement un consen- sus avait déjà été établi en septembre 2021 lors du congrès de l’Uicn (Union internationale pour la conservation de la nature), mais deux interrogations pous- sent au scepticisme. La première ce n’est en réalité qu’au mois de mai prochain que les négociations vont commencer sur cet objectif et qu’il devra par la suite être adopté. La seconde est le fait d’un double langage voire d’une hypocrisie.

En effet, comment concilier le fait de vouloir aller notamment vers des réseaux d "aires marines protégées, vers la protec- tion de la haute mer, et le fait de poursui- vre l"extraction, l"exploration et l"exploi- tation des grands fonds ?

D’ailleurs le président de l’association Pleine Mer n’a pas manqué de faire cette déclara- tion «Derrière de belles paroles en faveur des océans, Emmanuel Macron, champion d u double-discours soutient l’exploitation minière en eaux profondes et défend les industriels de la pêche. Nous refusons de participer à cette mascarade, nous serons mobilisés pour alerter sur les mensonges de la croissance bleue, et pour mettre en avant les oubliés de ce sommet : la biodi- versité marine, ainsi que les femmes et les hommes qui vivent de la pêche artisanale s ur les territoires côtiers».

Et même lorsque ces dispositifs sont mis en place, leur efficacité est mise en doute. Prenons l’exemple de notre région : le sanc- tuaire Agoa. Il a été créé en 2010 dans la Zee des Antilles françaises, afin de garantir un habitat favorable aux mammifères marins, en les protégeant des impacts négatifs, directs ou indirects, avérés ou potentiels, des activités humaines. Mais cette aire marine protégée est peu et mal protégée car peu de moyens humains sont consacrés à sa surveillance (moins d’une demi-douzaine d’agents et une unique embarcation pour une surveillance dans 150 000km 2 !).

D’autre part, des sujets ont été omis volon- tairement au débat : la question de la sur- pêche notamment la surpêche industrielle et celle des subventions accordées juste- ment à la pêche qui crée cette surpêche. Et l’importante question de la pollution plas- tique en haute mer ? Devant l’urgence pour le climat, il fallait passer du stade des constats aux actes. Et c’est là tout le pro- blème car en réalité pour inverser réelle- ment et durablement la catastrophe, il faut changer de modèle notamment pour les activités industrielles.

Or si tout est est fait pour s’entendre sur le développement de l’économie bleue, tout est également organisé pour faire du sur- place concernant la protection des océans. Et pourtant une solution est possible : faire le choix d’une économie circulaire, avec une économie de la sobriété, pour toutes les res- sources qu"on sort des océans ! Oui, il faut changer de modèle ! A la vérité, à quelques semaines des élections présidentielles, le président français, Emmanuel Macron a encore fait un coup de com’ !