Les cuisines des Outre-mer intéressent le gouvernement

En février, la cheffe guadelou- péenne Babette de Rozières a remis à Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, un rapport sur les cuisines des Outre-mer. Elle dresse un état des lieux sur la situation des acteurs de la filière agroalimen- taire ultramarine et fait des propositions pour promouvoir la cuisine de ces territoires.

Quelle était l’objectif de ce rapport ?

Babette de Rozières :J’ai été missionnée en juillet par le ministère des Outre-mer pour faire un état des lieux jamais réalisé jusqu"à présent sur la gastronomie des ter- ritoires ultramarins. Mon sujet de recherche et d’analyse était élargi et conséquent. Il concernait toutes les cuisines des Outre-mer ; pra- tiques culinaires, modes de cuisson et de conservation, utilisations des produits locaux. J’ai également listé les acteurs concernés et la littéra- ture consacrée et j’ai ainsi regroupé toutes les recettes, coutumes et tours de main qu’il peut exister dans nos territoires. Le document que j’ai rédigé est extrêmement complet et j’espère qu’il va servir à bon escient.

Comment avez-vous procédé pourla rédaction de ce rapport ?

Je me suis déplacée seule dans cha- cun des neuf territoires des Dom- Tom et j’ai été à la rencontre des acteurs des métiers de bouche et de la filière agro-alimentaire. Je devais dresser le constat de tout ce qui va et tout ce qui ne va pas dans ces secteurs

. Le but étant de faire un retour pertinent au ministre car, à terme, nous avons comme objec- tif commun de définir une vraie politique de promotion et de pro- tection des cuisines des Outre-mer, pratiquement oubliées.

A l’issue de votre enquête, quellesont été vos conclusions ?

J’ai touché du doigt des carences liées à la formation professionnelle des apprentis cuisiniers. On leur apprend à faire des fraisiers alors qu"ils pourraient faire des man- guiers. C’est dommage car nous devons perpétuer l’apprentissage de nos recettes. La culture se vit dans l"assiette. C"est cela qui fait l"authenticité des différents terri- toires. Ce n"est pas normal que l"on trouve plus de produits d"Outre- mer au marché de Rungis que dans les marchés de nos territoires. Mais j’ai également pu constater avec bonheur la vitalité du secteur agroalimentaire et la forte déter- mination des jeunes entrepre- neurs dans chacun de nos terri- toires. Ils sont alignés pour relever le défi d’une meilleure qualité de vie en Outre-mer et cela passe par l’éducation d’une alimentation plus saine et plus locale. Il est important de revoir nos modes de consommation et de transfor- mation des matières premières. Il faut inciter les gens à cultiver leurs propres produits. Malheureusement, parfois ça blo- que. A Mayotte, il n"y a pas de laite- rie pour transformer le lait en yaourt, ou il n"y a pas d"abattoirs à Saint-Pierre et Miquelon. C’est là tout l’enjeu de ce rapport, c’est-à- dire mettre en exergue les limites de nos territoires et trouver des solu- tions adaptées.Comment ce rapport a-t-il étéaccueilli ?

J’étais ravie que le ministre accueille aussi favorablement ce rapport. Il m"a assuré qu"il prendra toutes les dispositions nécessaires pour soute- nir et développer la filière agro-ali- mentaire et également valoriser les produits locaux. C’est également mon rôle que de m’assurer que mes préconisations seront suivies. Mais, il faut souligner que c’est la première fois qu"un ministre des Outre-mer prenne autant à coeur la défense de notre culture. Nous avons eu des ministres ultramarins beaucoup moins préoccupés par les réels pro- blèmes des Outre-mer et son impli- cation mérite d"être soulignée.

Quelles sont vos aspirations pourl’avenir de la gastronomie des Outre-mer ?Je souhaiterais que nous puis- sions mieux faire connaître notre culture. J’aimerais qu’un jour on arrête avec les clichés que nous connaissons tous ! Aux Antilles, on mange des accras, du boudin et du colombo… Ce n’est pas vrai. La richesse de nos mets est plus grande et son histoire égale- ment. Je suis toujours émerveillée de découvrir qu’un plat comme lebougna kanak, emblème culinaire de la Nouvelle-Calédonie, puisse trouver une origine auvergnate. Nous avons des recettes qui diffè- rent, même entre des îles voi- sines comme la Martinique et la Guadeloupe. Servez-nous de nos diversités !