La guerre en Ukraine nous appelle à nous mobiliser sur notre modèle de développement

Peu de gens effectivement avaient parié sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pour ceux qui s’imaginaient que le 21ème siècle serait le triomphe de la maturité poli- tique et d’une certaine démo- cratie, la déception est cruelle ; l’impensable a pris corps. Cette réalité, indépendamment des analyses géopolitiques que l’on pourrait faire, nous livre trois types d’enseignement : 1° la certitude que nous sommes en Guadeloupe, sujets passifs d’une économie mondialisée ; 2° l’accentuation de nos vulnérabi- lités ; 3° l’impérieuse nécessité de réfléchir à la manière de passer d’une économie de consommation à une écono- mie de production.

1° LA MONDIALISATIONNOUS FRAGILISE DAVANTAGE

La pandémie Covid-19 qui pour- suit son oeuvre insidieuse et fluc- tuante, avait par sa brutalité, affecté nos circuits de distribution, nos rythmes de vie en montrant comment notre connexion avec l’extérieur était marquée du sceau de la dépendance, tant écono- mique qu’institutionnelle.

Suspendus que nous étions à l’arri- vée des bateaux, des avions et des directives provenant des organes déconcentrés de l’État français, nous avons tous souhaité la fin de ce phénomène qui menaçait l’équilibre tout entier de notre territoire. La guerre en Ukraine vient réveiller cette crainte à laquelle, on avait attaché le terme de pénurie, de manque etc. La presse nous révèle combien les pays belligérants et les autres sont extrêmement liés par des réseaux d’approvisionne- ment en énergie, en matières pre- mières, en réseaux financiers etc., d’où la difficulté, notamment pour les pays qui souhaitent infliger des sanctions à la Russie, de dégager une unanimité… 45% du gaz alle- mand provient de la Russie, contre environ 17% pour la France. Il ne faut pas oublier que la France a un quasi-monopole en matière d’ex- portation de biens chez nous, ce qui signifie que toutes les aug- mentations de coûts, notamment celui des matières premières agri- coles, se répercuteront sur notre pouvoir d’achat.2° L’ACCENTUATIONDE NOS VULNÉRABILITÉS

C’est un doux euphémisme que de dire que nous n’en n’avons pas fini avec les conséquences de la pandé- mie. Le mouvement social qui s’est greffé sur le refus de l’obligation vaccinale a réveillé toutes nos bles- sures, toutes nos vulnérabilités : celles liées à la carence des infra- structures, en matière de logement, en matière d’adduction d’eau, en matière d’équipements hospita- liers et sanitaires, celles attachées à l’utilisation de pesticides, aux pathologies dites de société (obé- sité, diabète, maladies cardio-vas- culaires et mentales), sans omet- tre les affres du chômage, du dés- oeuvrement, de l’échec scolaire, de la montée de la délinquance, qui atteignent notre jeunesse.

Avec les fragilités environnemen- tales, les transferts organisés de population visant à caldochiser la Guadeloupe, nous avons là le triste décor d’un pays an boulvès, dont la pandémie a accentué les lignes de fracture et que la guerre en Ukraine va conforter. Les plus sérieux obser- vateurs de l’évolution du conflit font observer que les risques de pénurie sont grands. Il y a lieu de penser, encore une fois, que ce sont les per- sonnes les plus défavorisées qui subiront les conséquences désas- treuses de ce qui pourra peut-être se muer en conflit mondial.

3° L’IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉDE RÉFLÉCHIR À LA MANIÈRE DE PASSER D’UNE ÉCONOMIE DE CONSOMMATION À UNE ÉCO- NOMIE DE PRODUCTION L ’action publique en Guadeloupe a davantage un caractère curatif, obéissant à l’injonction parfaite- m ent assimilée de soi-disant retards de développement, sur on ne sait quel modèle, alors qu’elle se devrait d’être prospective et orientée sur les potentialités endogènes de ce t erritoire. Au cours de la pandémie, nous avons déployé des trésors d’ingéniosité, afin de mettre en oeuvre les circuits courts de distri- bution notamment dans le domaine agricole. La guerre qui se poursuit en Ukraine, avec les consé- quences que nous avons ci-devant énumérées, nous oblige encore une fois à nous interroger sur le carac- tère profond de notre économie. Il ne s’agit plus de se comporter en comptoir colonial, absorbant l’in- t égralité de ce que propose un centre situé à 7000 km, mais au contraire, de sanctuariser les t erres agricoles qui permettront de nourrir ce pays ; de mieux amé- nager un territoire terriblement déséquilibré, dont l’essentiel de la «richesse», se trouve dans la c onurbation pointoise, baie- mahaultienne et abymienne. Il s’agit aussi d’élever au rang d’insti- tutions économiques, les savoir- faire locaux qui se sont révélés de véritables alternatives, là où l’im- port-export a révélé ses faiblesses.

C’est une tout autre conception du développement qui doit émer- g er si nous ne voulons pas être les victimes collatérales de la guerre qui risque d’affecter le continent e uropéen et au-delà. C’est le moment aussi pour éduquer les Guadelou-péens à la culture du risque, de mettre en place en même temps une véritable poli- t ique de formation, au terme d’un diagnostic de notre territoire et de son riche potentiel. Que serait- ce tout cela, cependant, si nous Guadeloupéens, cessions de croire en nous-mêmes, en ce que nous sommes et en notre désir de prendre toute notre place dans cette grande humanité, à laquelle l’histoire nous appelle ?