ACCD’OM : Adresse aux candidats à l’élection du président de la République

Le Conseil d’administration de l’association, réuni à Fort- de-France, le 10 mars 2022, a approuvé une adresse à l’at- tention des candidats à l’élec- tion présidentielle qui a été remise ce jour aux candidats auditionnés par l’Association des maires de France. A cette audition, Maurice Gironcel, président de l’ACCD’OM, a désigné le président de l’Association des maires de Mayotte, Monsieur Madi Madi Souf, maire de Pamandzi, comme porte-parole de l’ACCD’OM.

Le présent communiqué reprend les grandes lignes de cette adresse :

UNE SITUATION DES COM- MUNES ULTRAMARINES GLOBA- L EMENT ALARMANTE

• Les communes des COM n’ont p as été assujetties à la baisse des dotations au titre de la Contribution au redressement des finances publiques. Par conséquent, leurs finances paraissent plus saines que celles des communes des DOM. Pour autant, avec une économie fortement tributaire du tourisme, elles supportent de plein fouet le choc de la pandémie de Covid 19, sans compensation de leurs pertes fiscales par l’Etat.

• Parmi les DOM, Mayotte n’a pas été non plus assujettie à la baisse des dotations, mais les Mahorais sont invités à fournir des efforts colossaux pour financer la départe- mentalisation, notamment à tra- vers l’instauration d’une fiscalité locale de droit commun.

• En raison de la baisse des dota- tions de l’Etat, à partir de 2014, non compensée à 100% par la péréqua- tion nationale (verticale et horizon- tale), comme ce fut la cas pour les communes défavorisées de l’Hexa- gone (17 millions d’habitants), les communes des 4 DOM historiques (2 millions d’habitants) font face à ce jour à un déficit cumulé de 400 millions d’euros, qui se traduit par des délais de paiement démesurés, la ruine de leur capacité d’interven- tion auprès des populations et des investissements en berne. Elles ont en effet perdu leurs dernières marges de manoeuvre, la baisse des dotations intervenant dans un contexte d’essoufflement de l’Oc- troi de mer depuis la crise de 2009.

• Après les révoltes sociales en 2017 et 2018, l’Etat a enfin apporté cer- taines réponses au défaut de finan- cement des collectivités guyanaises et mahoraises, tant sur le plan du fonctionnement que sur celui de l’investissement (plans d’urgence de plus d’un milliard d’euros sur 10 ans prélevés en grande partie sur le budget de l’outremer qui évolue à moyens constants). Mais leurs finances demeurent fragiles en rai- son notamment d’une pression migratoire exceptionnelle, non comptabilisée par l’INSEE pour le calcul de la DGF.

• En revanche, considérées comme «riches» parmi les pauvres, les com- munes antillaises subissant un effondrement de leurs ressources (accentué par un effondrement démographique lié lui-même à la crise des finances locales, voir infra) se retrouvent dans une impasse b udgétaire totale ; elles ont été de surcroît, globalement, quasiment exclues du rattrapage de la péré- q uation nationale réalisé à partir de 2020, soit 55 millions d’euros ciblés sur les DOM les plus pauvres.

• Les communes réunionnaises se trouvent dans une situation finan- cière fragile : le profil démogra- phique de la Réunion tend vers celui des Antilles. 9 villes réunionnaises se trouvent dans le top 20 des plus pauvres de France.

LE DÉSENGAGEMENT BUDGÉ- TAIRE DE L’ETAT DANS LES DOM CONDUIT AU CHAOS

Malgré que les DOM soient con- frontés à des défis majeurs en ma- tière de rattrapage et qu’ils subis- sent des contraintes structurelles liées à l’éloignement et l’isolement, l’Etat poursuit depuis une quinzaine d’années, contre vents et marées, son désengagement budgétaire opéré, d’une part, par des transferts de compétences aux collectivités sans compensation intégrale et, d’autre part, par une réduction des dotations qui leur sont versées.

Ceci conduit à un essoufflement de l’économie (davantage tribu- taire de la dépense publique) et à un appauvrissement des DOM qui mènent au chaos social.

D’où la crise de 2009 dans les 4 DOM historiques, déclenchée par la pression fiscale supportée par les populations pour compenser le dés- engagement budgétaire de l’Etat. Mais, pour résoudre cette crise, l’Etat n’a pas soutenu les collectivi- tés, au contraire, ces dernières ont été invitées à réduire l’étau fiscal autour des populations, par exem- ple par la baisse de l’Octroi de mer aux Antilles. D’où l’aggravation considérable des difficultés de ces territoires après la crise de 2009.

Après les révoltes sociales de 2017 et 2018, des premières réponses financières ont enfin été apportées aux collectivités locales de Guyane et étendues à Mayotte. Mais des réponses structurelles s’imposent pour tous les DOM afin de moderni- ser leurs ressources pour faire face aux besoins de leurs territoires.

Pour mémoire, après les révoltes urbaines de 2005, l’Etat était aussi- tôt intervenu pour augmenter considérablement les ressources des communes banlieues en ciblant davantage les dotations de la péré- quation nationale sur les territoires défavorisés…de l’Hexagone. (Il a fallu attendre… 2020, pour qu’une réforme, encore insuffisante, de la p éréquation nationale voie le jour à l’intention des DOM). Par ailleurs, la ville de Marseille vient de bénéficier d e 1.5 milliards d’euros d’aides de l’Etat pour des investissements et les associations. Car face à l’ur- g ence, l’Etat a, selon le Président de la République, la responsabilité d’in- tervenir pour soutenir les popula- tions, indépendamment de la qua- lité de la gestion locale.

Enfin, pour rappel, après la révolte des Gilets Jaunes, en 2018, l’Etat a renoncé à 14 milliards d’euros de recettes issues de la taxe Carbonne afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages et…la paix sociale.

Mais s’agissant des DOM, et en par- ticulier des Antilles, transformées en poudrière sociale, l’Etat deman- de aux communes de retrouver les marges de manoeuvre perdues par la baisse des dotations par une ges- tion plus rigoureuse de leurs charges de personnel qui seraient la cause de leurs difficultés.

Quoi qu’il en soit, les charges de per- sonnel des communes ultrama- rines, en dehors de la prime de vie chère, sont égales à celles de l’Hexagone (cf. Rapport Caze- neuve/Patient). Par ailleurs, malgré la prime de vie chère, les dépenses de personnel des DOM sont égales à celles des communes défavorisées de l’Ile de France.

Aussi, contrairement aux idées reçues, les charges de personnel des communes ultramarines ne peuvent représenter un levier pour retrouver des marges de manoeuvre financières (perdues par des politiques publiques iné- quitables) et répondre aux enjeux de leurs territoires : cohésion sociale, développement écono- mique, aménagements urbains…

DES MESURES DE SAUVEGARDEINCONTOURNABLES

Face au désengagement budgétaire de l’Etat, les communes défavori- sées de l’Hexagone sont prises en considération en amont des réformes par les institutions de l’Etat. Et ceci afin d’éviter de faire supporter aux populations les plus vulnérables une panoplie de mesures d’austérité : hausse des impôts, baisse des subventions aux associations, fermeture d’écoles, absence de recrutements… Toutes choses qui dans les DOM, en parti- culier aux Antilles, ne peuvent qu’accentuer l’exode de la jeunesse et préparer de nouveaux cycles de révoltes sociales.

L es propositions de l’ACCD’OM aux candidats à l’élection présidentielle relèvent par conséquent d’un prin- cipe de cohérence dans l’action publique et de cohésion des terri- toires, outremer compris.

Il ne s’agit pas de dépenses addi- tionnelles pour l’Etat, mais pour l ’essentiel d’un redéploiement de crédits dont sont arbitrairement ou injustement privés les DOM.

Les mesures phares sont les sui- vantes :

- Restituer aux DOM les dotations de péréquation qui leur reviennent. (+ 200 millions par an en 2020) et qui se retrouvent sur les budgets des communes de l’Hexagone.

- Restituer aux DOM les 169 mil- lions d’euros que l’Etat prélève chaque année sur le budget des col- lectivités locales (région, départe- ment, communes) à travers la baisse de leurs dotations, et ceci afin de permettre aux Dom de poursuivre leur rattrapage.

- Ne plus faire aux DOM contri- buer au redressement des finances publiques, car des efforts disproportionnés ne peuvent que générer le chaos social. C ontrairement aux idées reçues, il n’y a pas une pénurie de res- sources empêchant l’Etat d’inter- v enir dans les DOM : l’Etat a pré- levé plus d’un milliard d’euros sur le budget des collectivités DOM depuis 2014 pour réduire son déficit qu’il ne cesse de creuser, p ar exemple 50 milliards d’euros pour la compétitivité des entre- prises ou 26 milliards pour la sup- pression de la taxe d’habitation.

Par ailleurs, des mesures devront aussi viser plus directement le pou- voir d’achat des ménages (mis à mal par la pression fiscale résultant de transferts de compétences de l’Etat) tout en ménageant les marges de manoeuvre des com- munes. Aussi un abattement obli- gatoire de la taxe foncière com- pensé par l’Etat (déjà opérant pour Mayotte) semble incontournable dans un contexte de refonte de la fiscalité locale. En effet, la mission Richard/Bur appelait à une soli- darité nationale renforcée à l’égard des territoires les plus fra- giles, dont les DOM en priorité, à l’occasion de cette réforme.

Au final, la modernisation des res- sources des communes des DOM se soldera par un fort retour sur investissement pour les territoires ( relance économique, maintien des populations…), mais aussi pour l’Etat qui bénéficiera, par les i mpôts et taxes, d’une reprise de l’économie ultramarine tout en assumant à sa juste mesure ses responsabilités en matière de cohésion des territoires.

L’ENJEU DE COHÉSIONNATIONALE CONCERNE TANT LES DOM QUE LES COM

S’agissant des COM, épargnées par le séisme budgétaire que repré- sente la baisse des dotations, elles doivent continuer d’être exemp- tées de contribution au redresse- ment des finances publiques. Par ailleurs, elles appellent des prises en considération particulières, tant pour ce qui concerne la continuité territoriale que pour l’accompagne- ment par l’Etat des politiques publiques élaborées par les autori- tés locales (au plan économique, de la solidarité…) dans une période marquée d’incertitudes dans le domaine du tourisme. La Polynésie a ainsi élaboré un vaste projet pour renforcer sa sécurité alimentaire, suite à la pandémie de Covid 19, mais l’Etat doit aussi jouer son rôle d’accompagnement.M aurice Gironcel P résident de l’ACCD’OM