Le peuple guadeloupéen assumera son destin

Il est pour le moins imprudent de déclarer que le peuple guadeloupéen a rejeté définitivement l'idée de changement institutionnel et statutaire de la Guadeloupe.

Au moment où sur tous les continents, des hommes, des femmes et des enfants s'organisent, luttent, souvent au prix de leur vie pour défendre leur terre, leurs droits de peuple, leur patrimoine et leur culture, il est difficile de crier victoire après les résultats néga - tifs de la consultation du 7 décembre 2003 en Guadeloupe.

Si on regarde ces résultats bruts : 72 % de Non pour garder le statu quo et 27 % de Oui pour le chan- gement, la conclusion serait sans appel : les Guadeloupéens évoluent à contre-courant de l'his - toire. Ils ont choisi le colonialis- me, l'assimilation, l'aliénation,l'immobilisme.

Cela voudrait dire que cinquan - te années de luttes pour l'éman - cipation, l'identité culturelle, un pouvoir politique guadelou - péen se seraient effondrées devant la première marche de laresponsabilité.

Le peuple guadeloupéen appa - raîtrait alors, vraiment, comme le "cheval de T roie" du colonia- lisme français et européen dans la Caraïbe. Mais, une analyse plus attenti - ve de ces résultats montre toutes les ambiguïtés et la relativité de l'expression majoritaire pour le Non.

En réalité, le Non ne représen- te que 34 % des électeurs inscrits et 22 % de la population de la Guadeloupe. Le Non ne représente au fond qu'un électeur sur trois et un Guadeloupéen sur cinq .

Il est pour le moins imprudent de déclarer que le peuple gua- deloupéen a rejeté définitivement l'idée de changement institutionnel et statutaire de laGuadeloupe.

Les 36 000 Guadeloupéens qui ont répondu Oui, les 7 500 qui ont voté nul et les 386 000 qui ne se sont pas encore expri- més restent la fraction majori - taire du peule qui pourrait, après un travail d'éducation et de conscientisation en profon - deur, n'excluant pas ceux qui, aujourd'hui, ont voté Non, faire la différence demain. Une lecture plus lisible et plus valable exige aussi de se pencher sur la composition du corps élec - toral. Parmi les 72 % qui ont voté Non, dimanche dernier, ils sont combien, ceux qui sont étrangers à notre communauté? Ils pèsent de quel poids, tous ceux qui ici forment la "nomenklatura" de l'appareil colonial ?

Ensuite, il ne peut y avoir une lec - ture unique, monolithique dans l'expression du Non, qui n'exprime aucune position politique et sociale homogène, claire, of fensi - ve, constructive. La part du vote départementaliste représente vraiment peu de chose à côté du vote sécuritaire, électoraliste, assisté, protestataire et tout cela sans aucun lien commun.

Le Non du 7 décembre est tout à la fois marqué par l'ambiguïté, la peur, l'aliénation, le conservatisme, l'assimilationnisme.

Les politiciens qui ont mené cam- pagne pour le Non, portés par une presse elle-même réfractaire à toute idée de changement politique, avaient la tâche facile. En attisant toutes les peurs, en men - tant sans vergogne sur le contenu d'un projet qu'ils connaissaient parfaitement, ils ont dévoyé le débat, obscurci l'objectif et installé un spectacle politicien décon - certant. Ils ont activé tous les opportunistes et tous ceux qui tirent profit de ce marécage institutionnel généré par les deux assemblées. Le mouvement syndical guadeloupéen, hormis la CTU, plongé dans une démarche assimilationniste, misant sur la lutte des travailleurs français pour préserver ses intérêts, s'est trompé de cible. En refusant le combat pour l'émergence d'une collectivité guadeloupéenne responsable, il s'est privé d'un outil de défense dans son opposition à la politique anti-sociale du gouvernement français et aux directives dangereuses d'une Union européenne au cœur de la mondialisation capitaliste.

Il ne fait aucun doute que la mise en œuvre des lois de décen- tralisation et l'élargissement de l'Union européenne mettront demain, chacun face à ses responsabilités.

Le Parti Communiste félicite les Guadeloupéens qui ont fait preuve de courage, de clairvoyance, de sens éthique pour choisir une Guadeloupe qui doits'af firmer dans la Caraïbe et maîtriser ses relations avec la France et l'Europe. Ils représentent incontestable- ment avec tous ceux qui viendront les rejoindre, l'espoir pour une évolution statutaire possi- ble de la Guadeloupe, que personne, aucun pouvoir , ni aucun système ne pourront indéfini- ment bloquer.

Si nous avons mis 45 ans pour rassembler les principales forces politiques et sociales par delà les clivages gauche-droite sur la revendication d'un changement de statut et pour faire inscrire dans la Constitution française la possibilité de créer une collecti - vité à statut particulier, nous sommes convaincus que la toute prochaine génération gagnera la nouvelle étape.

En intégrant dans ses pratiques tous les enseignements qu'il tire des résultats de la consultation du 7 décembre, le Parti s'acquit - tera de toutes les tâches que lui impose le développement de la situation en Guadeloupe, tout en travaillant avec détermina- tion à organiser, sur la base des résolutions de son 13e Congrès, la lutte contre le colonialisme et l'assimilation afin d'ouvrir la voie à la conquête d'un véritable pouvoir guadeloupéen démocratique et anti-capitaliste.

Déclaration du PCG (10/12/03)