UNE LOGIQUE IMPLACABLE DE LA FRANCE VIS-À-VIS DES DOMFocus sur l"augmentation de l"impôt sur le revenu

Selon les données du ministère des Finances, entre 2013 et 2017, l"évolution de l"impôt sur le revenu demeure relativement contenue. En revanche entre 2017 et 2018, on observe une brusque augmentation de l"im- pôt sur le revenu, de l"ordre de 7% pour l"Hexagone mais jusqu"à 23% pour la Guyane, pour une moyenne de 18% dans les Dom. Ensuite, en 2019, l"im- pôt se stabilise à ce niveau élevé.

C ette augmentation générali- sée à partir de 2018 peut s"expliquer dans une large mesure par l"instauration du prélè- vement à la source 1 . Mais pourquoi une augmentation trois fois plus importante dans les Dom 2 où les revenus des ménages sont nette- ment plus faibles ?

En réalité, au moment où a été ins- tauré le prélèvement à la source, le législateur a augmenté les impôts des ménages des Dom, en rédui- sant l"abattement de 40% et 30% de l"impôt sur le revenu, pour près d"un ménage sur deux redevables de cet impôt. Les ménages ultrama- rins ont subi une perte de pouvoir d"achat disproportionnée dans un contexte où la «vie chère» repré- sente un défi majeur.

Annoncée pour un montant de 70 millions d"euros, il est possible que la ponction de l"Etat fut plus élevée. La somme de 90 millions d"euros a même été évoquée lors des débats parlementaires en 2019.

De plus, cette ponction a été ciblée sur 10% des ménages les plus «riches» (environ la moitié des 25% des ménages qui paient l"impôt dans les Dom), compre- nant en réalité essentiellement la classe moyenne.

Or, l"on peut aisément considérer que l"abattement de l"impôt sur le revenu dans les Dom est, tel qu"il a été institué, légitime pour tous, étant donné que les ultramarins ne bénéficient pas de services publics au niveau de ceux dispensés par l"Etat dans l"Hexagone.

Les Outre-mer ne bénéficient pas non plus de dotations de conti- nuité territoriale «équitables», mais seulement d"une enveloppe de 45 millions d"euros pour 2.7 millions habitants, contre 190 mil- lions d"euros pour la Corse, peu- plée de 330 000 habitants, et éloi- gnée de 20 kilomètres des côtes françaises.

Enfin, à contrecourant de sa poli- tique appauvrissant les «riches» dans les Dom, l"Etat a offert aux plus grandes fortunes, un cadeau fiscal sans précédent en se pri- vant de 4 milliards d"euros de recettes avec la suppression de l"impôt sur la fortune.

Les efforts demandés aux ultrama- rins s"inscrivent dans une logique implacable de la France vis-à-vis de ses «ex-colonies».

Contrairement aux idées reçues, les Dom ne bénéficient pas de «largesses» de l"Etat, mais, dans le droit fil de la période coloniale pré-assimilationniste, sont consi- dérés comme une source de pro- fits pour la France. Déjà, dès le XVIII ème siècle, Choiseul considé- rait que la France devrait plutôt se débarrasser de ses colonies si cette fonction - de pwofitasyon- n"était plus assurée 3 . Dans cette logique de profits, aujourd"hui, ce qui paraît légitime pour les territoires de l"Hexagone est considéré comme un «avan- tage» pour les Dom et doit être raboté. Par conséquent, l"objectif de l"Etat est d"augmenter considé- rablement les impôts des Dom avec la suppression totale de l"abat- tement de l"impôt sur le revenu qui doit lui rapporter, non pas seule- ment 70 millions d"euros mais à terme 400 millions d"euros (!).

Mais les visées de l"Etat, quel que soit le gouvernement en place, ne s"arrêtent pas là. Il y a la suppression de «l"avantage» de la prime de vie chère versée aux fonctionnaires (1 milliard d"euros), et surtout, au motif de la vie chère, la suppres- sion de «l"avantage» de la taxe d"octroi de mer destinée aux col- lectivités qui serait remplacée par une TVA à 19,5% (supportée par le consommateur final) et alimen- tant le budget de l"Etat, moyen- nant une compensation des col- lectivités locales a minima qui ne fera qu"aggraver la crise sociale et l"exode de la jeunesse.

Seule une étude confiée par Bercy à un cabinet privé, oeuvrant pour le FMI, a pu prétendre qu"un tel scénario de suppression de l"oc- troi de mer remplacé par la TVA diminuerait le coût de la vie et apporterait la prospérité aux Dom, libérés des contingences de la production locale et livrés au tourisme et à l"hyper consomma- tion de produits importés.

Ce cabinet avouant ne rien connaître aux Dom avant de réali- ser cette étude, alléguait même que l"impôt sur le revenu prélevé d ans les Dom ne rapportait que 12 millions d"euros à l"Etat (page 7 du rapport FERDI) bien en deçà des propres chiffres du comman- ditaire de l"étude ( Bercy!) : 877 millions d"euros ...

Par ailleurs, la véritable offensive lancée par la douane et La Poste depuis février 2022 sur le pouvoir d"achat des ménages des Dom, en taxant à tout va les colis importés du fait notamment d"une baisse des franchises décidée par l"Etat, pro- voque une exaspération vis-à-vis de l"octroi de mer, propice à lui porter un coup fatal pour ouvrir grand la voie au marché unique : un enjeu majeur pour la France et une régression pour les Dom.

Ainsi, les entreprises de la «Métropole» pourront déverser toujours plus de produits dans les D om où la production sera sacrifiée. L"Etat en récoltera directement les fruits avec la TVA. Et enfin les «Métropolitains» pourront migrer «au soleil» occuper la place laissée v acante par les «Locaux» qui n"ont plus de perspectives d"emplois chez eux : le secteur privé et le secteur p ublic d"Etat étant de plus en plus réservés aux «Métropolitains» et les collectivités de plus en plus som- mées de faire de même, vu la «fai- blesse» de l"ingénierie «locale» déjà sous influence de l"AFD et de sa cohorte de consultants chargés d"orienter les politiques locales dans l"intérêt de la France, comme il est de coutume pour les bailleurs de fonds et leurs experts dans les pays en développement.

Soit un phénomène de migrations organisé et planifié dans les deux sens, garantissant la mainmise de la France sur «les Outre-mer», der- niers joyaux de la couronne, comme le dévoile la colonisation de peuple- ment en Nouvelle-Calédonie ; et cela par le biais et le jeu de la démo- cratie. Et, si l"on se réfère, au sens du mot «assimilation», l"avenir des Dom, c"est d"être «réduit en pâtée».

E t cela passe aujourd"hui, entre autres, par les effets déflagrateurs de la suppression des «avantages» conçus à l"origine pour les intérêts de la France, et qui, pour cette der- n ière, n"ont plus de raison d"être.

1. Le prélèvement à la source (PAS) entraîne un meilleur recouvrement de l"impôt sur le revenu, mais le ministère des Finances précise que les mon- tants diffusés sur son site sont calculés sans prendre en compte le crédit d"impôt modernisation du recouvrement instauré avec le PAS.

2. L"évolution du nombre de foyers fiscaux dans les Dom, certes supérieure à la moyenne nationale, mais inférieure à celle de Haute Garonne par exem- ple, ne permet pas d"expliquer cet écart.

3. «De la destination naturelle des colonies, fondées par les diverses puissances pour l’uti- lité de leurs métropoles :

1° Elles diffèrent autant des provinces de France que le moyen diffère de la fin. L’administration n’en affectionne le sol que dans la vue de la consomma- tion qu’il opère et il faudrait plutôt l’abandonner s’il cessait de remplir cette destination.

2° Plus la colonie diffère de la métropole par leurs productions, plus elles sont parfaites. C’est par ce type de différence qu’elles ont de l’apti- tude à leur destination et que les productions du royaume, restées sans prix, ont pu être échan- gées contre les denrées qui n’avaient pas à crain- dre la même disgrâce....».

Instructions de Choiseul au gouverneur de la Martinique en 1765