30 avril 1944 - 30 avril 2022 L’Appel au peuple
Il y a 78 ans paraissait en Guadeloupe la déclara- tion intitulée : «L’Appel au peuple». Ce document historique scelle l’acte de naissance du Mouvement Communiste à la Guadeloupe. Elle signe la fin de la phase clandestine de l’activité communiste sous le régime de Vichy, menée depuis 1943 en Guadeloupe par une dizaine de Guadeloupéens parmi lesquels : Frantz Rallion, Sabin Ducadosse, Amédée Fengarol, Alexis Bernard, Devaed, Rosan Girard. Ce premier cercle fut rejoint par Hégésippe Ibené, Raphaël Henri. C’est à la sortie du cauchemar vichyssois instauré en Guadeloupe par le gouverneur Sorin, arrêté et emprisonné sur le bateau de guerre L’aviso, que le noyau constitutif du Mouvement Communiste, jusque-là clandestin, prit la décision de lancer un «Appel» annonçant officiellement la constitution en Guadeloupe d’une Section Communiste du Parti Communiste Français. Cet appel parut le 30 avril 1944, a été tiré à 10 000 exemplaires et distribué dans toute la Guadeloupe. Son écho a été considérable et tout ce que la Guadeloupe comptait d’idéal et de cadres y a adhéré.
L’APPEL AU PEUPLEOuvriers, paysans, intellectuels de la Guadeloupe, la Section guadelou- péenne du Parti Communiste Français est constituée. Elle adresse son salut fraternel à la Section mar- tiniquaise du Parti. Forte déjà de plus de 5 000 adhérents, et avec laquelle elle se tiendra en liaison constante. Au vaillant Parti Communiste de France qui, der- rière le Général de Gaulle, exige impérieusement que tous les Français unis suivent la seule poli- tique que les circonstances impo- sent et que résume si bien la for- mule de Clémenceau : «la guerre rien que la guerre, toute la guerre».
Un Parti qui seul peut réaliser l’al- liance sincère et définitive entre le peuple français et les peuples sovié- tiques : garantie future des desti- nées de la partie française.
Au Parti Communiste Russe, qui a démontré au monde que des races et des peuples fort différents pou- vaient n’avoir qu’une seule âme et qu’un même mot d’ordre, et a su organiser l’Armée rouge dont les victoires libéreront les peuples asservis en Europe et assureront le triomphe du Socialisme sur le Fascisme et le Capitalisme.
En tant que Communistes, notre politique générale vise à remplacer le système capitaliste par la concep- tion socialiste de l’économie.
A la production anarchique des marchandises, nous voulons subs- tituer la production contrôlée, conforme au plan d’Etat et visant à la satisfaction des besoins des masses populaires sans tenir exclusivement compte de leur pouvoir d’achat.
L’économie socialiste planifiée a résolu deux problèmes fondamen- taux en face desquels le capitalisme s’est avéré impuissant : le chômage et l’écoulement des marchandises. Aussi, n’a t’elle pas à recourir à la conquête violente des débouchés et des matières premières.
Nous, Communistes, affirmons que le Capitalisme doit être ren- versé par la violence révolution- naire. Ceux qui font croire aux tra- vailleurs qu’ils pourraient, sous l’actuel régime économique, trou- ver autre chose que misère et exploitation, sont des mystifica- teurs qu’il convient de dénoncer.
Nous sommes les ennemis irré- ductibles des opportunistes réformistes qui prétendent réali- ser le mieux-être social par la seule action parlementaire, sans briser les cadres du capitalisme. Mais, nous sommes réalistes ! Notre combat d’aujourd’hui, dans le cadre même de la légalité bourgeoise, et dans la mesure où notre action ne peut porter atteinte à la poursuite de la guerre sainte et libératrice tend vers quelques objectifs immédia- tement accessibles :
1) Epurer la Guadeloupe de tous les Vichyssois non repentis, arrogants et vicieux, qui jouissent encore d’une impunité coupable. Nous les dénoncerons sans pitié, si hauts pla- cés qu’ils soient. 2) Démasquer les politiciens op- portunistes qui espèrent encore leurrer les Français avec leur par- lementarisme corrompu, gardien des intérêts capitalistes et rem- part légal des exploiteurs.
3) Combattre sans faiblesse les individus ou les groupements qui engendrent la misère aux Antilles et imposer à ceux-ci, comme à ceux-là, l’octroi aux ouvriers de salaires leur permettant des conditions de vie décente.
Bref, nous serons aux côtés des syndicats pour la défense de toutes les revendications des tra- vailleurs et à l’avant-garde de tous les Républicains sincères pour une République propre.
Mais, notre action à l’égard des travailleurs ne se bornera pas à ces justes revendications. Nous nous efforcerons à être de véri- tables éducateurs de la classe ouvrière, c’est-à-dire, nous lui apprendrons à être aussi sou- cieuse d’accomplir ses devoirs que de faire valoir ses droits.
Nous saurons la rendre digne de la mission que l’Histoire lui confie :«Mener l’humanité à un stade supérieur de civilisation matérielle et spirituelle».
Il y a place dans ses rangs pour tous ceux qui veulent, sans arrière pen- sées. L’union active des exploités contre les exploiteurs. D’où qu’ils viennent, nous fraternisons avec tous les hommes de bonne foi qui épouseront notre idéal.
Nous sommes les défenseurs de la vérité et voulons d’un monde fondé s ur la justice.
Nous proclamons l’égalité politique e t juridique de l’homme et de la femme, et, quelles que soient la race, la religion, le droit de tous au t ravail, au repos, à la santé.
Nous sommes pour la médecine totale (hygiène collective, prophy- laxie, prospection individuelle, gra- tuité des soins), pour la liberté absolue de conscience, pour l’acces- sion de tous à l’instruction. Et, loin d’abrutir les masses populaires, n otre Parti voudrait développer l’intelligence et la dignité qui som- meillent en elles.
Nous ne menaçons la sécurité matérielle, ni les biens d’aucun t ravailleur honnête. Nous n’en voulons qu’aux privilèges des parasites. Nous prêchons la vio- lence contre le système et non contre des hommes.
Guadeloupéens, venez à nous ! Vous nous trouverez toujours à l’avant-garde du combat contre c eux qui vivent de l’exploitation de l’homme. Au milieu des ténèbres de l’agonie capitaliste nous vous a pprendrons à voir clair et à espérer !
P our le Parti : Rosan Girard (Dr en médecine) - Sabin Ducadosse (m- étallurgiste) - Hégésippe Ibéné (avocat) - Raphaël Félix-Henri (ébéniste) Le 30 avril 1944