PARTIR À LA DISSIDENCEUn fait demeuré longtemps comme légendaire

«Ils sont partis à la dissidence». Une phrase souvent entendue durant notre enfance. Les mieux informés savaient seulement que ce mot «dissidence» évoquait une fuite, peut-être même un mar- ronnage et la guerre.

Et même plus tard, durant le par- cours scolaire de ces enfants, au pri- maire comme dans le secondaire, la «dissidence» ne représentait pas grand-chose, sinon que des Guade- loupéens étaient partis pour faire la guerre, l’histoire de la Guadeloupe ne leur étant pas enseignée.

Ils ne pouvaient pas comprendre que certains de leurs aînés avaient pu trahir la Guadeloupe en étant des «dissidents» et aller jusqu’à se réfugier à l’extérieur, à La Domini- que, au Surinam, en Amérique notamment. Ils avaient fui … lâchement.

Car, jusque dans les années 1950, ces jeunes, nés à partir de 1930 environ, chantaient, récitaient encore et idolâtraient, sur les bancs de l’école avec leurs enseignants, voire même jusque dans l’église catholique, avec des larmes, en chantant ou en récitant : «Nos ancê- tres les Gaulois» ; «Vercingétorix pre- mier chef de la nation française» ; «Jeanne d’Arc la pucelle brûlée vive sur un bûcher» ; «Je te salue ô terre hospitalière» (hymne de la Savoie) ; «Maréchal nous voilà» (à la gloire et au culte de la personne du maréchal Pétain) ; «Allons enfants de la patrie» (La Marseillaise) ; «J"aime le son du cor, le soir, au fond des bois», d’Alfred de Vigny ; «Qui a eu cette idée folle, un jour de rentrée d’école»

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Et bien d’autres savoirs étranges à nos réalités, notre identité, nos moeurs et coutumes, notre envi- ronnement naturel, notre enraci- nement.Alors oui, ces jeunes sou- vent très férus d’histoire et de géo- graphie de la «mère patrie» la France, pouvaient obtenir leur baccalauréat sans vraiment savoir les tenants et les aboutis- s ants de ces départs, contés parfois, d’aînés partis à la dissi- dence. Qui étaient-ils aussi ces h ommes qui avaient été pour- suivis par l’armée française, à Matouba ou à Baimbridge ? N ’étaient-ce pas de beaux récits comme ceux qu’ils découvraient au hasard de lectures leur fai- sant apprécier «Blanche-Neige et les sept nains» ?

Jusqu’au jour enfin où allaient être révélées des vérités historiques et scientifiques, plus ou moins tardive- ment, mais qu’on ne pouvait plus cacher, grâce à la persévérance et aux révélations de chercheurs de différentes nationalités, y compris ceux de la Guadeloupe, qui ont rétabli les faits et expliquer combien la France était redevable de la Guadeloupe en matière de victoires sur les fronts de guerre.

La dissidence allait alors prendre tout son sens à leurs yeux et adultes devenus, ils saluaient le courage, l’héroïsme et le sens du devoir de leurs compatriotes, 2 500 Antillais, hommes et femmes qui étaient partis dans les îles anglaises voisines de La Dominique et d’Antigua pour répondre à l’appel du Général de Gaulle, dès le 16 juin 1940, afin de poursuivre le combat et libérer la F rance. Actes d’héroïsme et non de trahison car, ils n’étaient pas ques- tion pour eux de collaborer avec le m aréchal Pétain, l’amiral Robert, le Gouverneur Constant Sorin et le maréchal Pétain et laisser la France envahie par les Allemands au péril du nazisme et du fascisme. Aux y eux de l’amiral Robert, ces hom- mes et ces femmes n’étaient que des traîtres, des dissidents.

Ces dissidents antillais, guadelou- péens pour beaucoup, avaient la fierté d’avoir participé à la victoire des alliés sur l’Allemagne nazie et à la fin de la deuxième guerre mon- diale, au péril de leur vie. Beaucoup sont tombés sur les champs de bataille. Beaucoup sont revenus mais n’ont été reconnus par les dif- férentes forces alliées et singulière- ment la France que plusieurs décen- nies plus tard. Ce n’est qu’en juin 2009 que le Président de la République Nicolas Sarkozy décore quinze résistants antillais, lors d’une cérémonie devant le monument aux morts de Fort-de-France.

Nouvelles-Etincelles, par ces quel- ques mots, a tenu à saluer la mé- moire de tous ces compatrio

tes, quelles que furent leurs opinions politiques, à travers trois personna- lités qui ont été des dissidents ou des résistants.

Salinière Doctrove Ségor, Petit-Bourg Guadeloupe (17 mars 1920 5 juillet 2019)

E ngagé dans la France Libre en février 1942Guy André Lazart Cornely, Pointe-à- Pitre, Guadeloupe(2 septembre 1921 26 avril 2005)

Intègre à 18 ans, en 1939, la ma- rine nationale. Il participe au débar- quement sur les côtes normandes le 6 juin 1944, après le sabordage du navire «Le Courbet». Il raconte avec passion et fierté que ses premiers mots en foulant la côte normande é taient «Schoelcher tu m’as libéré. J’ai libéré ton pays. Je ne te dois plus rien».Paul Valentino Pointe-à-Pitre, Guadeloupe(9 juin 1902 15 mars 1988)

Opposant histo- rique en Guade- loupe au Gouvernement de Vichy du maréchal Pétain. Il refuse l’ar- mistice dès le 1 er juillet 1940, après la défaite de la France. Il est empri- sonné à plusieurs reprises, au fort Richepanse en Guadeloupe, au fort Napoléon aux Saintes et au bagne des Îles du Salut en Guyane.