Extraits du discours de Maître Maurice Marianne Prendre la Guadeloupe, tel est le mot d’ordre

(…) Cette docilité qu'encourage un climat social pesant donne ainsi le sentimentqu'aucune issue n'est possible sauf celle qui pourrait être octroyée de l'extérieur. Or, la démocratie ne se ramène pas au simple dépôt d'un bulletin dans une urne.

Et pourtant, créer et mettre un PAYS sur pied ne correspond pas à une ambition utopique. Les bouleverse- ments de l'Histoire sont beaucoup plus le produit de la volonté des peuples que le résultat du hasard. C'est précisément parce que l'Histoire n'est pas figée et que les yeux de l'esclave commencent à se déciller que nous sommes aujourd'hui à même de pro - clamer que la nécessité de créer et de mettre sur pied le PAYS GUADELOUPE est un cri de raison partagé par tout individu qui se veut libre et responsable. (…)

Prendre la Guadeloupe, tel est le mot d'ordre !!

Prendre la Guadeloupe c'est déjà n'avoir pas peur de le faire et y croire avec sincérité et réalisme. Prendre la Guadeloupe ce n'est pas chasser tout ce qui n'est ni noir, ni indien, ni mulâtre, ni béké et encore moins par la violence des armes. Nous ne sommes pas pour l'instant suffisamment outillés pour une telle entreprise qui en l'état actuel des choses déboucherait sur le chaos. Au contraire, l'image de la pluriculturalité doit continuer à assurer notre spécialité internationale de par le monde car elle constitue une richesse pourvu que toutes les composantes du tableau ras- sembleur aient la tête dans le même bonnet guadeloupéen frappé d'une seule couleur, celle de l'identité internationale. La France elle-même dont il est dit qu'elle est la patrie des droits de l'Homme gagnerait à accepter pareille mutation dont les contours juridiques seraient mutuellement définis.

Prendre la Guadeloupe c'est donc avec le concours de tous ceux, quels qu'ils soient, et qui veulent qu'elle s'af firme enfin sur la scène mondiale avec une autonomie de pensée, se placer résolument dans le camp d'un seul grand Parti anticolonialiste aux succursa - les réduites afin d'éviter les surenchères, avec pour but essentiel d'anéantir toutes les formes de dépendance de même que toutes les formes d'assimilationnisme qu'elles soient de droite ou de gauche, l'assimilationnisme de gauche étant tout aussi pernicieux que son frère de droite et ce, sans sombrer pour autant dans un sectarisme vengeur, inutile et inapproprié.

Prendre la Guadeloupe c'est aussi revoir les rôles notam - ment en innovant dans la nécessité pour le syndicalisme traditionnel de s'engager dans l'action de libération politique car «TOUT EST POLI- TIQUE». Solidarnosk de Lech Walesa n'avait pas fait le contraire en Pologne.

Bref, prendre la Guadeloupe c'est avant tout compter sur soi-même. Car ce qui est sûr et certain c'est qu'il ne se trouve - ra jamais aucun parti politique français ou obédience française, de quelque nature qu'elle soit, disposant de la volonté et de l'enthousiasme à adopter et à faire prospérer l'idéal qui est le nôtre. L'intérêt de Paris n'est pas celui de Basse-Terre.

Il ne suffit pas de chanter à tue-tête que la Guadeloupe «SE TAN NOU». Encore faut-il le démontrer !!!

Nous avons déjà raté trop de ren - dez-vous, en 1967, en 1986 lors de la proposition du «compromis historique», voire en 2009 et nous n'avons plus le droit de continuer à nous gargariser de slogans et d'incantations.

A force de propagandes audiovisuelles ou placardées sur les murs, d'inlassables prédications dans les sections de communes, les lycées, les entreprises, les lieux de ras - semblement, le moment est venu de lancer la mobilisation des masses laborieuses, rura - les, voire intellectuelles pour vulgariser l'impératif besoin de changer la conception résignée et attentiste que nous avons de la société sans âme qui nous entoure, de conqué- rir dans l'intérêt de nos enfants notre marché inté- rieur seul capable de promouvoir un vrai visage écono - mique, de favoriser l'émer- gence d'emplois productifs et de crédibiliser l'ouverture du nouveau PAYS de Guadeloupe sur l'extérieur .

Tout cela pourrait être fait, afin d'éviter la dispersion des directives, sous la conduite d'une seule et unique gouvernance disposant de pouvoirs démocratiques lui permettant de négocier avec l'Etat et les Organisations Internationales, à la manière d'un Comité de salut Public.

Alors, en avant, Mesdames et Messieurs, pour la mise en place de ce Comité de salut Public dont, en tout état de cause, la mission principale consistera à guider l'ACTION. (…)