L’Etat fait payer le carburant des Antillais aux compagnies aériennes

Il y a deux mois la question du pouvoir d’achat était au coeur des débats de tous les candidats aux élections prési- dentielles. Le gouvernement du président Emmanuel Macron distribuait à tout va des chèques (chèque énergie, chèque carbu- rant, chèque alimentaire (en projet). Au regard de la réalité, cette démarche consiste à donner d’une main pour mieux reprendre de l’autre.

D ans les Outre-mer ou l"aé- rien est presque vital pour l"économie locale, alors que les compagnies retrouvent un bon niveau d"activité, sur fond de flam- bée du prix du pétrole, le gouverne- ment a décidé de tirer une balle dans l"aile des transporteurs desser- vant la Martinique, la Guadeloupe ou encore la Guyane. Apres la loi sur l"augmentation de la taxe sur les bil- lets d’avion, une nouvelle hausse de 15% (5% pour la Guyane) des prix du kérosène, est appliquée rétro- activement au 3 juin dans l’en- semble des aéroports des dépar- tements français des Antilles fai- sant donc payer aux compagnies la flambée du pétrole dans les sta- tions essence. Une mesure électo- raliste qui ne passe pas vraiment dans l"aérien français.

Alors que leurs prix moyens aug- mentent très sensiblement depuis plusieurs mois à cause de l"envo- lée des cours du pétrole, et donc du kérosène, cette nouvelle hausse substantielle du prix du kérosène risque encore de ren- chérir le coût du transport. Ces augmentations, sont opérées sans aucune justification liée à la hausse du prix du pétrole.

On peut donc imaginer que cette décision aura des conséquences inévitables sur la qualité de des- serte de ces départements et entraînera une augmentation des tarifs pour les passagers et le fret de et vers les Antilles. Il faut rappeler que selon les chiffres de l"aviation civile (DGAC), en moyenne au premier trimestre, les prix des billets d"avion vers les départements d’Outre-mer ont augmenté de 14,3% sur un an (dont +8,9% juste depuis le début de l"année).UNE TAXE INJUSTE QUI PÈSE SUR LES CITOYENS ET DES CONSÉQUENCES INÉVITABLES

Sauf disposition particulières les compagnies risquent de ne pas avoir d’autres choix que de répercu- ter cette inflation du carburant (25 à 30% des coûts de la compagnie) sur les prix des billets.

La Fédération nationale de l"avia- tion et de ses métiers (Fnam) c ondam-ne fermement cette décision brutale de la Société anonyme de raffinerie des A ntilles (Sara) et des autorités françaises -prise sans concerta- tion sérieuse avec les compagnies aériennes- alors que les tarifs du kérosène, très hauts dans le monde entier, sont déjà significa- tivement plus élevés en Martinique, Guadeloupe ou Guyane que dans le reste de l"Arc caribéen. Elle intervient juste avant les vacances, période privi- légiée durant laquelle les familles antillaises, étudiants se déplacent pour rejoindre le pays.

«Une telle décision aura des consé- quences inévitables sur la qualité de desserte de ces départements et entraînera une augmentation des tarifs pour les passagers et le fret de et vers les Antilles. Elle est par ailleurs incompréhensible -dès lors que les variations importantes des p rix du kérosène entre les Antilles, la métropole et les pays tiers sont susceptibles de favoriser des phé- nomènes non vertueux sur le plan environnemental de sur-emportde c arburant», dénonce la Fnam.L’EMPLOI DANS LE SECTEURE ST MENACÉ

Si les professionnels du secteur ne prévoient pas de chaos, le bond attendu du trafic combiné aux pénuries de personnels vont allon- ger les temps d’attente, files d"at- tente d"embarquement qui s"al- longent jusqu"à l"extérieur des aéroports, attentes interminables lors des vérifications de sécurité, retards. Il y aura 15 à 20% de pénurie de personnels dans les aéroports. «On sauve les meubles grâce au chômage partiel mis en place pendant la crise sanitaire qui a permis de sauver des compé- tences mais pas toutes»,explique Thomas Juin, président de l"Union des aéroports français. L"inflation, le renchérissement mécanique du prix des billets à cause du pétrole et des taxes la réduction du nombre de vols pour é conomie de carburant, la situa- tion internationale sont autant d"éléments qui incitent à être très p rudents, sur l’emploi.

Ce manque de visibilité pourrait donc inciter les compagnies et les aéroports à ne pas recruter sur du long terme et retomber sur une saisonnalité des embauches qui rebute au plus haut point les jeunes qui pourraient être intéres- sés. C"est donc le serpent qui se mord la queue.

Dans tous les cas la seule vérité dans cette affaire c’est que, le contribuable, la population reste le dindon de la farce et devra payer. La question de l’améliora- tion du pouvoir d’achat reste un argument de campagne électo- rale sans réelle volonté de d’ap- porter de solution.