Le vote, droit ou devoir ? (1 è re partie)

LES URNES ONT PARLÉ, OUIMAIS DE QUELLES VOIX ?!

Ça y est les élections présidentielles et législatives sont maintenant ter- minées ! La première a vu la réélec- tion du président sortant, Emma- nuel Macron réélu avec 58,55% des suffrages exprimées soit 18 768 639 de voix représentant 38,50% des inscrits face à Marine Le Pen (pour la deuxième fois consécutive) qui a comptabilisé 13 288 686 voix, soit 27,26% des inscrits. Notons qu’en 2017, le président réélu Emmanuel Macron avait récolté 20 743 128 voix contre 10 638 475 voix pour Marine Le Pen. Cela se traduit par une diminution de 9,51% par rapport à 2017 pour le président sortant tandis que Marine Le Pen progresse de 24,91% par rapport à 2017 1 .

Le constat est sans appel, les idées du Front National rebaptisé Ras- semblement National (RN) se dif- fuse en France mais aussi dans les territoires d’Outre-mer dont la Guadeloupe ou cette dernière lors du second tour des élections pré- sidentielles est sortie en tête devant Emmanuel Macron avec 69,60% des suffrages exprimées. Vote sanction ou vote d’adhésion, les élections législatives confir- ment cette percée au niveau national avec 89 sièges de dépu- tés pour le RN, une première, dont aucune circonscription n’est en Guadeloupe.

Soulignons-le tout de même, le député sortant de la 3 ème circons- cription, a été mis en ballotage par le représentant local du RN. En dépit de l’influence grandissante du courant et donc de l’idéologie por- tée par le RN tant au niveau national que local ce sont d’autres chif- fres qui doivent surtout nous interpeller : l’abstention.

Au second tour de l’élection prési- dentielle de 2022, l’abstention s’est é levée à 28,01% contre 25,44% en 2017 soit une augmentation 2,57 points de pourcentage au niveau n ational. Au niveau local, en Guadeloupe pour le second tour de l’élection présidentielle 2022 l’abs- tention s’est élevée à 52,82% contre 50,77% pour 2017 soit une augmentation de 2,05 points.

Pour le second tour des élections législatives, au niveau national, on enregistre une sensible baisse de l’abstention avec un taux de 53,77% pour 2022 contre 57,36% en 2017 soit une diminution de 3,59 points de pourcentage. Cependant au niveau local, en Guadeloupe, l’abstention pour le second tour connait des niveaux records avec des taux de 71,77% pour 2022, contre 69,35% en 2017 et 58,08% en 2012, soit une aug- mentation de 13,69 points de pourcentage en 10 ans 2 .

Cette absence de la population lors des «rendez-vous» démocra- tique peut-elle se traduire par une forme de désintérêt de la chose publique ou bien d’une défiance envers les élus. Pour connaître les intentions pour lesquelles, les électeurs feront le choix de se rendre aux urnes, il est important de bien définir le vote, sa fonction et son enjeu. Pour cela, un bref rappel de l’histoire du vote et de son évolution en France, et donc en Guadeloupe est nécessaire.ENTRE SENS DU DEVOIR ET DEVOIR DE MÉMOIRE

Le vote ou le suffrage est l"acte par lequel l"électeur, lors d"une consultation électorale, procède à une désignation, exprime un choix, une volonté. Il est dit uni- versel quand ce droit de vote est reconnu à tous les citoyens.

Selon une définition que propose l’Assemblée nationale le vote (ou le suffrage) est : «… est l"expression de la volonté individuelle de l"élec- teur. C"est aussi la décision collec- tive résultant du décompte de cha- cun des votes. Il peut avoir pour objet d"élire un ou plusieurs dépu- tés, un chef d"État, une assemblée parlementaire ou locale ou d"expri- mer par référendum l"adoption ou le rejet d"une mesure, d"une dispo- sition constitutionnelle, d"un projet de loi ou encore d"autoriser la rati- fication d"un traité». Cette approche qui se veut poli- tique, ne prend pas en considéra- t ion les autres votes auxquels les citoyens sont soumis dans leur quotidien et qui ne bénéficient pas d e la même présence médiatique que les élections politiques. On peut citer par exemple les élec- t ions professionnelles qui jouent un rôle déterminant dans la vie économique car elles se retrouvent au coeur de nombreuses décisions politiques. Dans notre démarche, nous porterons notre attention que sur le vote «politique».

Le vote en tant que tel n’a pas tou- jours été l’expression universelle qu’on lui confère aujourd’hui. Ce «droit» dépositaire des libertés indi- viduelles et collectives a connu de nombreuses mutations au cours des siècles précédents. Afin de schématiser les évolutions du droit de vote, plus spécifiquement du droit de vote en France, quelques étapes clés sont essentielles à connaître : Après la Révolution fran- çaise de 1789, la Constitution du 3 septembre 1791 met en place une monarchie constitutionnelle. Dans ce régime, la souveraineté appar- tient à la nation mais le droit de vote est restreint. Le suffrage est dit cen- sitaire. Seuls les hommes de plus de 25 ans payant un impôt direct (un cens) égal à la valeur de trois jour- nées de travail ont le droit de voter. Ils sont appelés «citoyens actifs». Les autres, les «citoyens passifs», ne peuvent pas participer aux élec- tions. Le suffrage est aussi indirect car les citoyens actifs élisent des électeurs du second degré, dispo- sant de revenus plus élevés, qui à leur tour élisent les députés à l’Assemblée nationale législative.

La Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) établit le régime du Consulat. Elle institue le suffrage universel masculin et donne le droit de vote à tous les hommes de plus de 21 ans ayant demeuré pendant un an sur le terri- toire. Mais ce droit est limité par le système dit des listes de confiance. Il s’agit d’un scrutin à trois degrés : les électeurs désignent au suffrage universel un dixième d’entre eux pour figurer sur les listes de con- fiance communales, ces derniers choisissent ensuite un dixième d’en- tre eux pour l’établissement des listes départementales, qui eux- mêmes élisent un dixième d’entre eux pour former une liste nationale.

Le Sénat conservateur (dont les membres sont nommés à vie) choi- sit ensuite sur cette liste nationale notamment les membres des assemblées législatives (Tribunat et Corps législatif). Le peuple ne désigne donc pas encore directe- m ent ses représentants.

En 1815, avec le retour de la dynas- t ie des Bourbons (on parle de la Restauration), durant cette période le suffrage universel masculin est a boli et le suffrage censitaire rétabli. Seuls les hommes de trente ans payant une contribution directe de 300 francs ont le droit de vote. Pour être élu, il faut avoir 40 ans et payer au moins 1 000 francs de contribu- tions directes.

De plus, la loi électorale du 29 juin 1820 du double vote permet aux électeurs les plus imposés de voter deux fois. Ces mesures cherchaient à avantager les grands propriétaires fonciers, c’est-à-dire l’aristocratie conservatrice et légitimiste.

A la suite de mouvements révolu- tionnaires, le suffrage universel […] est établi

En 1848, à la suite de mouvements révolutionnaires, le suffrage univer- sel masculin et le vote secret sont établis. Le droit de vote aux femmes ne sera accordé qu’en 1944 par l’ordonnance du 21 avril 1944. Tandis que l’égalité de suf- frage dans les outre-mer inter- vient entre 1946 et 1956 avec la loi du 7 mai 1946 (dite loi Lamine Guèye) proclamant citoyens tous les ressortissants de l’empire colo- nial et la loi du 23 juin 1956 (dite loi-cadre Defferre) qui institue le suffrage universel et le collège unique dans les territoires d’ou- tre-mer. En 1974 le droit de vote passe de 21 ans à 18 ans.

Sur près de deux siècles, le vote a connu de nombreuses mutations et adaptations en fonction de ceux qui étaient au pouvoir dans le but d’as- surer leur position dominante. Du suffrage censitaire on est passé à un suffrage dit universel.

Cependant le droit de vote acquis aux citoyens de la République fran- çaise, ne lui attribue pas un carac- tère d’obligation ni même de devoir. Pour ces raisons, l’acte de vote peut être utilisé et interprété différem- ment en fonction de sa condition et de son origine sociale. R.C A suivre… 1. Source : https://www.resultats- elections.interieur.gouv.fr/presidentielle-2022/FE.html https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les- resultats/Presidentielles/elecresult__presidentielle- 2017/(path)/presidentielle-2017/FE.html

2. https://www.guadeloupe.gouv.fr/Politiques- publiques/Elections/Archives/Elections-2017/Elections- legislatives/Les-resultats-du-second-tour-des-elections- legislatives-en-Guadeloupe-et-au-niveau-national

https://www.guadeloupe.gouv.fr/Politiques- publiques/Elections/Elections-nationales- 2022/Elections-legislatives-2022/Les-resultats-des-elec- tions-legislatives-en-Guadeloupe-et-au-niveau-national