Au CHU, l’exaspération des soignants victimes de la violence d’Etat

«Il ne faudrait pas exaspérer, il faudrait espérer. L’exaspération est un déni de l’espoir, elle est compréhensible, je dirai presque qu’elle est naturelle. Se dire que la violence n’est pas efficace, c’est bien plus important que de savoir si on doit condamner ou pas ceux qui s’y livrent». Stéphane Hessel, résistant, diplomate, auteur de : «Indignez-vous».

Stéphane Hessel qui a pratiqué la violence dans les maquis de la Résistance au cours de la Seconde guerre mondiale sait de quoi il parle : il n’y a pas de liberté, de justice, ni d’Etat de droit dans la soumission et l’indignité.
On ne peut pas jouer au Ponce-Pilate et ignorer que les situations humiliantes, dévalorisantes, d’exclusions sociales dans lesquelles les autorités de santé ont plongé des professionnels qui servent cet hôpital depuis des années peuvent nourrir l’exaspération. C’est cette exaspération qui s’est manifestée contre les directeurs de l’hôpital qui incarnent l’image violente et autoritaire de l’Etat.
L’hôpital, nous disent ceux qui s’arrogent le droit de parler au nom d’une «société civile» introuvable dans les malheurs de la Guade-loupe, est un sanctuaire. Pour qui ? Les cadres hospitaliers, le personnel vacciné ? Les autres, les agents non vaccinés, les patients, on s’en fout royalement ?
La discrimination s’expose sans complexe ici, parce que ceux-là sont dans la ligne scélérate d’Emmanuel Macron qui ne cherche pas seulement à «emmerder» les non vaccinés mais à créer un groupe de citoyens sans droits, bons pour ce qu’ils prétendaient honnir hier : «le goulag».
Pour ces hypocrites, les soignants et tous les citoyens non vaccinés sont les responsables de leur propre situation et de plus, ils représentent une menace pour leur petite vie de jouisseurs. Ils oublient ou ne savent pas que ces soignants qu’ils dénigrent aujourd’hui et des Gua-deloupéens sans grades participent depuis des années, des décennies pour certains, à la sauvegarde de cet hôpital.
Nous avons tous marché ensemble dans les rues de Pointe-à-Pitre, pour notre hôpital, avec le directeur général Gérard Cotellon qui a été accueilli par toute la communauté hospitalière et les Guadeloupéens comme un modèle de réussite, ce qu’il reconnaît lui-même. La question est «Que s’est-il passé depuis ?».
A tous les intellectuels faussaires, pour reprendre le qualificatif du géopolitologue français Pascale Boniface, qui considèrent qu’ils sont à eux-seuls «la société civile», nous leur conseillons de relire l’intellectuel communiste Antonio Gramsci qui a écrit sur l’erreur de l’intellectuel qui consiste à juger sans vraiment comprendre, sans ressentir et sans être «passionné». Selon lui, aucune connaissance n’est possible «sans ressentir les passions élémentaires du peuple, les comprendre et donc les expliquer et les justifier dans la situation historique particulière».
Ce qu’il faut, c’est une véritable compréhension des racines des phénomènes culturels et politiques, dans l’espoir de s’engager et de réparer pluôt que de simplement condamner «l’autre côté».
Cette pensée de Gramsci évite de s’enfermer dans des indignations sélectives. C’est-à-dire le fait de s’indigner d’une situation, d’un tort fait à certaines personnes, mais ne pas exprimer la même indignation quand une situation similaire concerne d’autres personnes.
Nous manifestons la même indignation quand un chef d’exploitation agricole fonce sur le Secrétaire général de la CGTG avec sa voiture, que lorsque le directeur général du centre hospitalier est menacé par des agents en colère.