Appréhender autrement notre pratique politique
A vant toute chose, nous voulons affirmer avec force que nous ne som- mes pas de ceux qui opposent les élections à la mobilisation des masses, aux manifestations de masses de rue. Nous n'igno- rons pas la capacité de mobilisations populaires dans les rues à créer de façon parfois décisive un rapport de force favorable aux travailleurs dans la lutte qui les oppose aux oppresseurs et aux exploiteurs. De même, y compris dans la démocratie coloniale que nous subissons, nous ne pouvons, pas ne pas prendre en compte le vote de nos compatriotes pour des candidats qui deviennent nos représentants légitimement élus, même si ces derniers dans leur majorité se complaisent, pour leur profit personnel, à se vautrer dans les fanges du système. Nous sommes donc pour les élections, comme nous som- mes pour les batailles politiques dans les rues pour des objectifs politiques clairement affirmés. Les unes et les autres pouvant être des moyens de lutte, des outils à utiliser avec pertinence et efficacité par les forces du changement réel. Mais nous ne pouvons être pour la participation aux élections, à toutes, celles-ci sans exception, simplement au motif que le droit de vote a été une conquê- te arrachée de haute lutte, sim- plement au prétexte que le suffrage universel a été reconnu aux nègres ou par simple calcul politicien de fidéliser une clien- tèle électorale dans la perspective de futures consultations. C'est une question de considération tactique. Nous avons au PCG une longue, très longue expérience des élections. Nous déterminons notre engagement aux élections au cas par cas, en fonction du contexte politique général. Nous en avons fait une arme de lutte efficace dans les pires conditions de gangstéris- me électoral, en faveur des travailleurs et de la population. Mais nous avons également, il faut le dire, sombré dans l'électoralisme quand certains de nos élus se sont installés comme la plupart des autres, simplement dans la logique de leur réélection, renonçant de fait à leur engagement sur le front de l'Autonomie et quand la pra - tique militante sur le terrain a per du de son organisation et de sa vigueur , son axe s'étant déplacé dans les assemblées élues comme si la lutte poli - tique était déléguéequasi exclusivement à nos élus.
- Gagner n'est pas forcément pour nous remporter le scrutin, obtenir un mandat électif. Gagner peut simplement signifier réaliser une avancée, une importante mobilisation populaire sur la base de notre poli - tique à l'occasion d'une campa - gne électorale. Parce que l'on peut gagner des postes électifs sans aucun bénéfice direct ou indirect ni pour la lutte de libé - ration nationale et sociale de notre peuple, ni pour une amé - lioration tangible des conditions d'existence des travailleurs et encore moins pour le renforce - ment du Parti ou l'organisation politique. Notre Parti dans un passé enco - re récent a compté une dizaine de municipalités gérées par des maires communistes, autant de conseillers généraux et régio - naux, des parlementaires consi - dérés comme sérieux et au bout du compte si cela lui a conféré un certain prestige, si cela a cor- respondu à une certaine influence électorale dans le pays, cela n'a d'aucune façon aidé à faire avancer la nécessaire lutte de décolonisation de notre peuple, au contraire… Nous savons de quoi nous par- lons. Et ce n'est point une critique personnelle contre tel ou tel de nos élus. C'était le courant dominant du sommet à la base même du Parti et les élus s'en accommodaient volontiers. Ainsi, tout le monde était d'accord à parler dans nos congrès de la ligne stratégique pour la nécessaire décolonisation, mais les dirigeants «gardiens» de la ligne électoraliste savaient que le travail de vulgarisation de cette politique était réservé à une poignée de dirigeants et de militants sans mandats électifs, toujours les mêmes, de sorte que le frein principal était d'abord interne. Cela dit et par honnêteté poli- tique on ne peut pas le nier, sur le plan de la logistique et sur celui de l'éducation, de la culture, de la santé publique, les municipalités dirigées par les communistes ont apporté une appréciable contribution à l'amélioration des conditions de vie de notre peuple. Aujourd'hui, dans le contexte de crise généralisée que nous vivons, nous ne pouvons déployer les forces qui nous res- tent dans des batailles électorales pour conquérir des mandats qui ne nous permettrons pas de briser les mécanismes du systè- me d'oppression mais comportant le risque de nous enfermer dans la gestion démocratique de l'assimilation. Il faut recent- rer le Parti sur son objectif principal : La lutte de la libération nationale et sociale du peuple guadeloupéen. Cela signifie qu'il faut le renforcer idéologi - quement, pédagogiquement, bref le rendre performant sur le plan organisationnel. Cela signi - fie qu'il faut développer avec la même persévérance la bataille pour l'union des forces anticolo - nialistes. Chacun sait que l'u - nion, c'est un combat. Car l'exi - gence majeure, l'enjeu décisif c'est de domicilier au plus tôt et dans les meilleures conditions dans notre pays, un réel pouvoir politique lui permettant d'aller vers son développement multi - forme par l'érection d'un statut de large Autonomie. Aucune autre bataille ne mérite autant d'être conduite. Aucune autre lutte ne vaut davantage la peine d'être menée. Le jeu politicien français est désormais à l'alter - nance entre la droite et le PS destinés l'une et l'autre à gérer le système capitaliste et à main - tenir la domination coloniale dans notre pays. Il n'y a dans celui-ci aucune alternative sérieuse pour notre peuple. Il nous faut en sortir pour vivre enfin, dans la dignité et le tra - vail, notre destinée de peuple majeur et responsable.