L’écrivain Body Ngoy rend hommage à Kassav’

L’auteur de BD congolais-canadien Body Ngoy a publié Kassav’ : des traditions à l''universalité, un livre qui relate l’histoire du phénomène musical. Ce groupe emblématique des Antilles qu’il a découvert à l’adolescence et dont il s’est pris de passion. A travers ses pages et ses mots, il a souhaité notamment rendre hommage à Jacob Desvarieux, guitariste, membre leader et icône d’une génération, disparu l’an passé.

Question simple mais qui prend tout son sens. Pourquoi un tel ouvrage sur Kassav’ ?
Body Ngoy : Réponse toute simple, parce que je suis un inconditionnel de la musique de Kassav’ ! Je me rappelle encore, à l’âge de 15 ans, entendre les premières notes à Kinshasa au Congo, ma ville de naissance, de ce groupe qui fera fureur des années durant. Ce fut le début de nombreux succès et, également, de nombreuses découvertes musicales pour moi. Kassav’ m’a accompagné dans tous les chapitres de ma vie. Lorsque j’ai emménagé au Canada en 1992, il y a plus de 30 ans, il m’a suivi. Depuis, je suis très impliqué dans le mouvement communautaire francophone et la musique de Kassav’ est un vrai étendard pour la communauté noire.
Expliquez-nous comment
avez-vous travaillé ?
Au-delà de mon amour pour Kassav’, j’ai été vraiment révolté lors de la mort injuste de George Flyod aux Etats-Unis lors d’une arrestation policière en 2020. Cela m’a chamboulée au plus haut point et j’avais besoin de m’exprimer sur ce sujet

. Je suis auteur de bandes dessinées où je peins et présente la communauté noire. Je raconte parfois son passé, ses origines, et je le fais de manière ludique et pédagogique. Après cet incident, j’avais envie de mettre en lumière quelque chose de positif, un modèle de réussite, un exemple de leadership, et le groupe Kassav’ s’est imposé à moi. Car leur succès n’est pas uniquement lié à la musique, il est beaucoup plus large que cela. Ils ont réussi à universaliser une musique très stéréotypée com-me le zouk et ont, surtout, réussi à constituer un groupe d’amis et d’alliés sur le long terme. Kassav’ représente une entité solide qui a su étendre la culture antillaise, voire africaine, au-delà des frontières. Je me suis amusé à compiler des anecdotes, des témoignages, toute sorte d’informations et j’ai composé cet ouvrage comme une biographie de Kassav’ et ses membres. J’ai voulu y ajouter également mon histoire et l’influence que Kassav’ a eu dans celle-ci… Comment m’ont-ils donné l’énergie d’avancer, de croire en moi et comment m’ont-ils donné l’envie de renouer avec mes terres d’Afrique...
D’ailleurs, quel est le lien entre Kassav’ et le continent africain ?
Kassav’ a créé des oeuvres musicales qui des sonorités africaines prononcées avec la guitare, le tambour, ces rythmes de gwoka. Jacob a vécu plusieurs années en Afrique et cela se ressent dans ses inspirations. Dans mon livre, j’évoque tous ses liens initiatiques. Ils ont mis en valeur tout notre héritage et ils ont frappé très fort dans leur art. A travers la musique, ils ont trouvé une façon de valoriser l’afrodescendance et de rapprocher les communautés noires. Les Antilles et l’Afrique sont bien loin géographiquement mais ont des racines communes. Kassav’ a marqué les esprits par sa cohésion, son unité et cette façon de composer la musique ensemble… C’est un vrai exemple de réussite dans tous les domaines.
Vous en parlez avec tellement d’émotions et de fierté. C’est très touchant.
Oui parce que je remercie Kassav’ d’avoir fait autant de bien ! Ils sont sortis indemnes de tous les conflits, de tous les défis et de tous les préjugés. Ils n’ont pas été qu’un folklore. Économiquement, leur business a été également très lucratif. Ils étaient musiciens, producteurs, directeurs artistiques… Ils faisaient tout et géraient tout. Il ne faut pas douter de leur influence et leur intelligence. Puis, socialement, ils ont soulevé les passions militantes, les fiertés culturelles et les affirmations identitaires. Moi-même, ils m’ont aidé à être l’auteur que je suis. Écrire cet ouvrage où j’ouvre aussi ma sphère privée m’a permis de me consoler de ce deuil de George Flyod et, par la suite, de celui de Jacob. J’ai été très peiné de sa disparition et j’aurais tant aimé qu’il puisse lire mon livre… Mais je suis tellement ravi de l’accueil que j’ai reçu lors de mon passage aux Antilles début août. Ce sont des territoires que j’apprends à découvrir et qui me séduisent énormément. J’ai l’impression de pousser une porte qui m’amène vers le coeur des Antillais et j’espère continuer de créer des liens avec eux.
Body Ngoy, Kassav'' : Des traditions
à l''universalité, Les éditions du net