Rentrée scolaire 2022 Ecole et citoyenneté, quel devenir ?

A l’occasion de cette rentrée scolaire, nous estimons opportun de se demander, si l’école, en tout cas, celle du système éducatif français, celle de Jules Ferry, père fondateur de l’école républicaine laïque gratuite, sera encore en mesure de jouer son rôle sociétal en préparant à la citoyenneté.

Quoi qu’on puisse lui reprocher d’avoir soutenu le colonialisme et d’être acquis au concept d’inégalité des races, le nom de ce ministre de l''Instruction publi-que et président du Conseil est, jusqu’ici, attaché à cette mesure du 16 juin 1881 qui concernait les enfants de six à treize ans.
Certes, les choses ont beaucoup évolué depuis en faveur de l’enfance et de la famille. Cependant, compte tenu de la crise que traverse l’institution sous différentes formes depuis plusieurs décennies et qui s’amplifient, on peut légitimement se demander si cette école survivra encore longtemps.
Cette préoccupation se fonde en effet sur :
- Le manque d’intérêt des jeunes diplômés pour cette profession. Depuis de nombreuses années, le déficit de recrutement s’accroit par rapport aux besoins pour atteindre 4 000 à cette rentrée 2022. Le corps des personnels de direction ne fait d’ailleurs pas exception et les postes sont souvent occupés par des maîtres auxiliaires.
- La nette préférence des jeunes diplômés pour les emplois dans le secteur privé, plus attractifs du point de vue salaire et plus sécuritaires. De nombreux retraités ayant accompli une longue et honorable carrière par vocation, déclarent aujourd’hui que s’ils avaient à refaire dans les conditions actuelles, ils ne le feraient pas, vu les risques et la décadence du système. L’enseignant n’est plus maître de sa classe pour faire régner la discipline nécessaire au message éducatif.
- Les rapports parents-enseignants qui se dégradent jusqu’à des agressions physiques.
La Guadeloupe évidemment n’est pas épargnée par ces difficultés, avec une population scolaire de 86 027 élèves et le retour à l’embauche de contractuels pour pallier l’insuffisance de personnes formées. Encore pour cette rentrée 2022, les différents syndicats sont unanimes à les dénoncer. Nous avons interrogé notamment Gustave Byram, le Secrétaire régional de l’UNSA Educa-tion Guadeloupe qui nous a confié : «Nous aurons prochainement notre Assemblée générale avec toutes les composantes de l’UNSA.
Certains problèmes nous interpellent sérieusement, tels :
- La possibilité pour tous les assistants d’éducation (AED), autrefois appelés surveillants, totalisant six années de service, d’avoir un contrat à durée indéterminée (CDI), sur avis des chefs d’établissements. Le décret d’application de la loi votée en février 2022, pour «lutter contre le harcèlement scolaire», a été publié le jeudi 11 août 2022. Même si le salaire n’est pas mirobolant et que ce n’est pas une fin en soi, c’est une belle avancée syndicale.
- L’augmentation de salaire de 5% à compter du mois de juillet, alors que le taux d’inflation estimé de janvier à septembre est de 7%.
- L’affectation sur des postes vacants en Guadeloupe des enseignants ayant passé des concours et nommés stagiaires, pour éviter les désorganisations de la vie familiale, et non leur affectation systématique pratiquement sur des postes en France, à Versailles ou à Créteil par exemple. Chaque année, depuis très longtemps, nous nous battons pour cela.
- Les réformes décidées par le président Emmanuel Macron en ce qui concerne : la carrière et les mutations des enseignants. Celles-ci ne sont plus de la compétence des Commissions administratives paritaires académiques (CAPA). Il en ressort un manque total de transparence. Autrefois, les organisations syndicales avaient tous les documents d’appréciation pour faire respecter, en CAPA, l’équité. Nous espérons donc parvenir à un retour à une situation normale.
- Le problème épineux de la retraite».
PRÉPARER LE CITOYEN
GUADELOUPÉEN
Dans une telle conjoncture, on peut craindre la disparition à plus ou moins longue échéance de l’Institution dans sa forme actuelle. Des comportements et des déclarations interpellent de plus en plus en effet, tant de la part des usagers du système que des autorités, au plus haut niveau de l’Etat. On pourrait citer :
- La préférence de plus en plus grande accordée par les parents aux écoles privées jugées plus performantes, même au prix de sacrifices financiers.
- L’expérience de l’école en distanciel faite durant deux années de situation épidémique et qui néanmoins a permis d’ouvrir la voie à une école publique au rabais.
- La sensibilisation de certains parents au droit à l’enseignement à domicile pour leurs enfants, nonobstant le contrôle.
- La récente déclaration du président de la République concernant «la fin de l’abondance», qui rappelle celle, à une autre époque, d’un ministre de l’Education nationale : «il faut dégraisser le Mammouth».
Dans ce monde de plus en plus ultra libéral et capitaliste dont le président Emmanuel Macron est un éminent représentant, on pourrait s’y attendre. Nous appelons donc nos compatriotes à la plus grande vigilance. Ils ne doivent pas se laisser griser par la déclaration des autorités académiques qui reviennent chaque année : «Préparer nos élèves à la réussite». La seule réussite qui doit être entendue doit être : «Préparer notre jeunesse à la réussite de l’homme guadeloupéen, le citoyen capable de prendre en main son pays Guadeloupe et d’assumer ses responsabilités en toute plénitude et non de servir béatement l’ultra capitalisme, l’expansionnisme, le colonialisme et l’hégémonisme, comme ce fut le cas durant des décennies».