Wopso ! An mé lévé pou yo

L a semaine dernière nous écrivions à cette même place, que «ce mois de Mai…» «…doit être la conscience de tout un peuple qu'il a une histoire jalonnée de sévices, d'oppressions, mais aussi de lut- tes émancipatrices, telles celles menées par Ignace, Delgrès, Solitude, Massoto, Marie- Rose Toto et tant d'autres après…». Nous n'avions pas encore sous la main le panel de dépliants, feuillets, papillons ou flyers nous invitant à commémorer Mai. Quel(s) Mai ? Quelle(s) date(s) célébrer, commémorer en priorité ? On se rappelle bien qu'après l'avènement de François Mitterrand au pouvoir en France en 1981, les élus guadeloupéens devaient choisir une date pour commémo- rer «l'abolition de l'esclavage». Si en Martinique le choix fut d'élever au plus haut rang le soulèvement du 22 Mai 1848 qui imposa la fin de l'esclavage, plutôt que le décret abolitionniste arrivé quelques jours plus tard, en Guadeloupe la majorité du Conseil Général donna la priorité au 27 Mai 1848, date d'appli - cation chez nous du même décret. Pourtant à l'époque, les rares manifestations commémoratives de Mai s'attachaient à rappeler la geste héroïque des hommes de Baimbrid- ge et de Matouba en Mai 1802. La stèle de Matouba Saint-Claude érigée par la municipalité de Rémy Nainsouta dès 1948, ou l'Anneau Brisée (symbolisant aussi la Montagne éclatée de Matouba), Place des martyrs de la Liberté à Pointe-à-Pitre, au pied duquel municipalité à direction communiste, Parti Communiste Guadeloupéen, Union de la Jeunesse Com-muniste Guadeloupéenne, Union des Femmes Guadeloupéennes et quelques anonymes se recueillaient chaque année le 28 Mai, sont enco - re là pour témoigner . C'est dire que depuis longtemps, dans certaines mémoires, dans certaines consciences, l'acte de résistance des glorieux de Baimbridge et de Matouba, sous la conduite d'Ignace et de Delgrès, pour empêcher à l'armée de Richepanse (envoyée par Napoléon Bonaparte) de venir imposer, en Mai 1802, le rétablissement de l'esclavage (abolit une première fois en 1794), cet acte là était plus symbolique pour notre peuple que le décret abolitionniste de Mai 1848.A P A CHELCHÈ (Schœlcher) KI LIBÉRÉ NÈG !!! On comprend alors mieux la gêne ou l'em - barras que peuvent avoir beaucoup aujourd'hui pour savoir sur quel pied de Mai dan ser , écartelés qu'ils sont entre l'assimilation - nisme de leur tête et la réalité intangible de l'histoire vivante de notre peuple. Oui, «pour se donner bonne conscience », beaucoup se vautrent sous le manteau de Mai afin de se donner l'impression qu'ils ont le sens du pays Guadeloupe, alors qu'ils n'ont d'yeux que pour la dite «mère patrie», ses recommandations, ses déci- sions, voire ses injonctions. Leur corps est (d')ici, mais leur âme est de l'autre coté del'Atlantique. Sinon, comment comprendre que ces assi- milationnistes qui prétendent se souvenir des hommes et des femmes de Mai 1802, allant jusqu'à limé on ti «Limyè ba yo», ne retiennent rien de la leçon laissée par les pères et mères fondateurs de la nation gua- deloupéenne, en rupture, dès l'époque, avec la férocité du colonialisme français. Plutôt que nous éblouir, l'histoire ne devrait-elle pas nous éclairer, nous éveiller ? Nous éveiller sur la nécessité de poursuivre dans la lignée des valeureux «sacrifiés» de Mai 1802 et de ceux qui ont repris le flambeau qu'ils n'ont pas relâché après 1848. Flambeau que des générations ont transmis sans relâche, et qui a forgé à travers le temps bien des hommes et femmes guadeloupéens qui se sont donné corps et âme, voués à la lutte émancipatrice pour un pays plus responsable, maître de son destin. Un destin qu'il reste encore à construire avec ceux qui sont déjà acquis à la cause Guadeloupe, mais aussi avec l'ensemble de notre peuple que les plus aguerris doivent accompagner et conduire à la conscience que notre salut ne dépendra que de nous, de notre capacité à croi - re en nos potentialités, et à impulser le combat pour qu'enfin nous puissions être nous-mêmes. Etre nous-mêmes pour arrêter de danser au bal des autres, parfois même en exhibitionnistes pour «tinter», un temps soit peu, la danse. T out comme aucune danse, si elle n'est impré - gnée des sonorités élevées du fond de nos ter - roirs, ne saurait être la nôtre et rythmer à mer- veille notre corps, aucune solution qui ne soit la réflexion collective de notre peuple ne pourrait «dètòtyé» la Guadeloupe du «choukaj» qui depuis trop longtemps nous paralyse. Sinon, interminablement nous serions condamnés à nous interroger de savoir «Que sommes-nous devenus ?», depuis 1802. L'heure est propice, il est encore temps en ce mois de Mai, pour prendre la résolution, en pensant au «Mai de nos aïeux», de bâtir une Guadeloupe nouvelle, engagée vers le progrès véritable.

Alors, WOPSO ! AN MÉ, LÉVÉ POU YO !!!!