Mwa kréyòl
«Enfin les nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d''idiome pauvre comme celui des Hottentots, comme la langue franque, qui, dans tous les verbes, ne connaît guère que l''infinitif». L''abbé Grégoire
Jouné kréyol, simen kréyol, mwa kréyol...chak lanné, apochan koté októb-novanm, enpé toupatou asi latè, la moun ka palé kréyol, des manifestations sont organisées pour mettre en lumière les cultures et langues créoles.
Certains inscrivent ces actions dans le cadre de la légitime lutte de revendication identitaire, d''autres les perçoivent comme un nouveau «bèbel» accroché aux frasques diversives de la machine assimilationniste.
En tout cas, il est clair que parmi les séquelles de toute colonisation, la question de l''assimilation linguistique demeure au premier rang des préoccupations majeures du débat revendicatif.
Son importance se mesure aisément à l''analyse des pratiques du colonisateur qui s''applique à faire de sa langue, celle du pouvoir et du savoir, celle de la suprématie, celle qui est enseignée.
Celle du colonisé, en l''occurrence le créole, nous concernant, est indigeste et soumise à la subordination. Elle est maintenue au rang «d''idiome» (sic) à vocabulaire limité, au syntaxe abâtardie et surtout contrainte à une espèce d''amnésie culturelle car il faut ôter au colonisé l''instinct de socialisation, de mémoire donc de réalisation de soi.
Et c''est de là qu''émerge dans toute son acception, la notion de culture créole qui apparaît en fait comme une raison d''être de la langue, agissant alors tel un outil de défense, de diffusion et de valorisation du patrimoine culturel mais également de sa revivification en harmonie avec les exigences du monde moderne.
Cela montre bien qu''il ne s''agit pas «dè palé kréyol pou palé kréyol», il ne s''agit surtout pas de s''agiter en mode activiste-culturel brandissant à tout bout de champ un langage pour le moins agrémenté, vantant systématiquement et béatement les pratiques de nos ancêtres.
Ce faisant, ces adeptes du populisme culturel rejettent toutes formes de ce qu''ils appellent élitisme culturel et intellectuel et de multiculturalisme. Ils fonctionnement sur l''exclusion privilégiant la seule recherche des racines et traditions. Il s''agit là d''une vision passéiste partisane d''une glorification béate du passé.
Cette posture, il est clair, incarcère et la langue et la culture dans un ghetto étouffant qui conduit à prendre la voie régressive du repli identitaire. Cette espèce de sacralisation à outrance de la langue peut être de nature à la stériliser, à inhiber sa croissance et à scléroser son enrichissement.
En vérité, la langue doit survivre dans l''usage au quotidien, pas que dans les évènementiels du ghetto scolaire, politique ou culturel, mais dans les échanges administratifs et commerciaux. Sa véritable revalorisation ne peut s''effectuer que par le biais de la radio, de la télévision, de la presse, de l''art dans toutes ses dimensions mais doit surtout se concrétiser grâce à l''école.
Et là, se ressent l''impérieux besoin d''un système éducatif reconnaissant l''essence de notre peuple et de systèmes économiques, artistiques, médicaux, culturels issus de notre pensée.
Il s''agit bien d''une lutte pour la réhabilitation d''un patrimoine dénigré par le pouvoir colonial, de la reconquête d''une identité bafouée.
Si les actions menées pour «gloriyé kreyol» ne sont évidemment pas que «bèbel», l''évidence exige la nécessité d''admettre que le combat du peuple guadeloupéen pour son émancipation et sa souveraineté impose la voie éminemment politique dont l''issue est indéniablement conditionnée par la domiciliation d''un véritable pouvoir politique porté et exercé par un exécutif guadeloupéen.
«Penser et agir par nous-mêmes et pour nous-mêmes... Accéder à la modernité sans piétiner notre authenticité». L.S Senghor