Jocelyn Sapotille : «La délégation des maires d’Outre-mer a été entendue»

Le Parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris a accueilli la 104e édition du Congrès de l’association des maires de France (AMF). Plus de 10 000 élus locaux étaient conviés et la première journée d’échanges a été dédiée aux Outre-mer. Une fierté et une belle représentativité pour la délégation Outre-mer et pour le président des maires de Guadeloupe et maire du Lamentin, Jocelyn Sapotille.

Quel est votre sentiment général après ce rendez-vous de travail parisien ?
Jocelyn Sapotille : Je suis très satisfait et je pense que c’est un ressenti partagé par tous les acteurs des Outre-mer. Nous avons été très bien reçus par M. David Lisnard, président de l’Asso-ciation des maires (AMF), et nous sommes enthousiastes d’avoir pu rencontrer des intervenants de qualité. De plus, nous sommes surtout honorés d’avoir été mis à l’honneur dès la première journée. C’est la première fois dans l’histoire du congrès que les Outre-mer disposent d’une journée, pas simplement protocolaire mais d’une véritable journée de travail. D’accoutumé, les ministres du gouvernement viennent nous saluer rapidement mais, cette année, la délégation de maires des départements d’Outre-mer de l’AMF, initiée par nous cinq, présidents de l’Association départementale des maires de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion, et instaurée en juin, a pris une part relative dans les débats. Le fait d’agir collectivement a permis de défendre nos intérêts et d''évoquer nos spécificités avec davantage de pertinence et d’aplomb, que ce soit sur les thèmes de la sécurité, du logement social et de politiques publiques

. Le ministre des Outre-mer, Jean-François Carenco, est d’ores et déjà prêt à travailler sur les propositions que nous avons émises. C’est une belle victoire.
Cette délégation Outre-mer
vous offre-t-elle également plus
de visibilité ?
Totalement. Depuis la création de la délégation, nous échangeons de manière beaucoup plus efficace entre nous tout d’abord et avec le ministère des Outre-mer. Aupara-vant, nos discours étaient dispersés. Aujourd’hui, notre parole est organisée au sein de l’AMF. Il est important de présenter des réflexions qui amènent des solutions sensées, dont nous suivrons leurs applications avec attention. Aujourd’hui, nous sommes disposés à mettre en lumière des sujets précis et sensibles et, surtout, nous nous rendons compte que d’autres territoires de l’Hexagone sont confrontés à des problématiques similaires. Cela donne du crédit et du poids aux interventions. Plus vous êtes nombreux et unis, plus vous êtes forts.
Quel sujet de société a été au coeur des débats ?
L’efficience des politiques publiques. C’est un sujet qui revient chaque année car nous ne cessons de demander une évolution institutionnelle dans ce domaine. Il faut redistribuer les pouvoirs aux communes. L’assimilation portée par la départementalisation depuis 1946 a atteint ses limites. C’est une réalité. Il faut aller vers une politique de différenciation. Il faut décentraliser les pouvoirs et transmettre plus de compétences aux régions. D’ail-leurs, nous, les Outre-mer, sommes très bien placés pour mettre en exergue ce combat que nous menons depuis longtemps. En effet, il est clair que les réglementations et les normes ne peuvent pas être uniformes lorsque des territoires ne le sont pas. Or, à l’époque, les gouvernements successifs ne voulaient pas l’entendre. Pourquoi ? Parce qu’ils pensaient, à juste titre peut-être, que nous étions bloqués dans un prisme identitaire, idéologique et autonomiste ultramarin. Mais, dès à présent, les choses ont évolué et ce projet est mené de manière plus transversale par toute la classe politique hexagonale. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il est essentiel de redonner du sens au fonction du maire de commune et, ainsi, de l’aider dans ses volontés administratives.
Pourquoi cela p

rend-t-il autant de temps si tous les maires émettent les mêmes requêtes ?
Ce n’est pas dans l’ADN de la Ve République que de distribuer le pouvoir, au contraire de la IVe qui elle en avait trop accordé. Je pense que le gouvernement est frileux mais il semble de plus en plus à l’écoute. Il comprend que nous sommes tous dans le même bateau et que nous voulons avancer vers une meilleure coordination et dans une démarche de partenariats et de négociations concertées. Le but n’est pas de créer des leaders dénués de toute con-trainte mais vraiment de libérer les énergies pour innover et construire un cadre moins contraignant pour nous et plus en phase avec les problèmes de nos concitoyens.
Dans quel domaine vous sentez-vous limité ?
La question de l’aménagement du territoire nous frustre énormément. Nous recherchons des subventions pour pouvoir mener à bien certains projets et nous sommes régulièrement en quête de ressources financières dynamiques. Le Sénat nous a entendu et il va nous accompagner à hauteur de 30 millions d’euros dans le cadre du fond d’investissement exceptionnel pour les communes. De plus, nous devons également alléger certaines formalités pour éviter ce sentiment d’impuissance publique qui résonne souvent dans nos mairies. Le maire a besoin de travailler dans des conditions plus saines et avec des moyens financiers accrus. Sans cela, il devient le bouc émissaire de la misère de la population qui le tient pour responsable de tous leurs maux. Le maire est le premier élu à porter de baffes et nous faisons face à de nombreux actes de violence. C’est totalement anormal. Nous demandons de pouvoir, avec intelligence, déclencher des projets sur nos territoires sans avoir à demander l’aval des hautes sphères. Qu’il s’agisse d’agir sur les sargasses ou sur les déserts médicaux, nous devrions être capables de prendre des décisions adaptées et rapides.
Dès lors, que va-t-il se passer dans les prochains mois ?
Nous allons établir un calendrier de travail pour mettre sur papier nos idées. Nous allons également nous associer avec la délégation Outre-mer du Sénat pour avoir toujours plus de poids dans nos aspirations. La machine est lancée et je crois que nous pouvons être optimistes quant à la suite. Le travail des maires doit être valorisé car nous nous battons pour un meilleur quotidien de ses administrés.