Castatrophe naturelle : Gestion post-crise

L''événement est passé. On a géré la crise. On constate les dégâts et on croit que, l’épisode critique terminé, on va pouvoir passer à autre chose : pourtant, pendant trois à quatre semaines, il faut gérer «l’après», et cela demande une organisation et des ressources importantes.
«La survenance d’une crise, qu’elle soit d’origine naturelle ou technologique, affecte de manière instantanée et parfois pérenne, le fonctionnement social, administratif ou économique de la zone sinistrée. Nonobstant la partie «prévention», la gestion d’une crise s’orchestre en trois phases successives : «la pré-crise, la crise et l’après-crise».
GÉRER LA CRISE NE S’ARRÊTE PAS À L’ÉPISODE LE PLUS AIGU
Lorsque l’on anticipe une crise, on pense gestion de l’urgence, déploiement du plan communal de sauvegarde, mise en sécurité des biens et des personnes. «L’après» est une phase tout aussi déterminante. Elle nécessite une organisation différente et un déploiement de ressources qui dépasse la capacité d’intervention normale d’une collectivité. La colonne vertébrale de cette organisation est la communication : elle permet de maîtriser les flux d’informations qui vont générer cette activité supplémentaire liée à l’après-crise. La clarté de l’organisation interne sera également un préalable indispensable à l’efficacité des actions. Enfin, les partenariats sont vitaux pour démultiplier la capacité d’intervention sur le terrain et soutenir la population touchée.
Communiquer : imposer la bonne information par une présence accrue sur les réseaux sociaux
Jusqu’à l’arrivée des modes de communication digitaux, la communication concernait le bilan, elle arrivait bien après le sinistre. C’est désormais un élément structurant de l’action, car elle permet de maîtriser les flux d’information entrants et sortants qui peuvent rapidement saturer l’organisation. La communication est un élément majeur à ne pas négliger.
La communication est un élément majeur à ne pas négliger. Pendant et après la crise, il est donc important d’imposer un canal unique et fiable de communication : c’est une étape structurante de la gestion de crise et de post-crise. Comme dans de nombreux domaines, les réseaux sociaux sont devenus incontournables avec leurs avantages et leurs inconvénients. Premier impératif : si ce n’est pas la collectivité qui diffuse l’information, c’est le public qui s’en chargera. Car la population est avide d’informations en temps de crise. Outre les chaînes d’information en continu, elle consultera et sera même sollicitée in petto par ses contacts sur les réseaux sociaux. Il vous faut donc maîtriser l’information sous peine de la poursuivre et de chasser les messages obsolètes, les fausses allégations et les rumeurs.
Il faut inclure dans le plan prévisionnel de gestion de crise la diffusion régulière d’une information locale, calibrée, et simple, au spectre le plus large possible.
Concrètement, il ne faut pas hésiter à utiliser la page Facebook et le compte Twitter de la collectivité pour diffuser fortement son message. Une page spéciale en accueil du site internet de la collectivité sera complémentaire, récapitulant les informations capitales et garantissant la mise à jour régulière. La voie de presse «papier» n’est en la matière pas assez rapide pour rattraper la diffusion par les réseaux sociaux. La collectivité doit rester maîtresse de la communication. La prise d’images et de témoignages «à chaud» est, de plus, difficile à gérer ; elle nécessite du sang-froid et le respect des sinistrés, que les journalistes et les internautes ne placent hélas pas toujours au premier plan. La presse «papier» sera en revanche pertinente pour valoriser un bilan d’intervention et remercier les partenaires dans un dispositif classique de communication de crise.
Les réseaux sociaux ne sont pas uniquement le creuset des peurs : ils sont également le vecteur de formidables élans de solidarité. Mais ceux-ci peuvent rapidement dépasser les capacités de gestion et d’absorption de la collectivité. La grande différence en matière de communication par les réseaux sociaux est que le message initial est partagé sans être daté, contrairement à un article de presse. Il vaut mieux ajouter des paramètres temporels dans les messages sur les réseaux sociaux et être le plus précis possible.
Conseil : l’expérience nous montre qu’il vaut mieux ajouter des paramètres temporels dans ce type de message et être le plus précis possible : «nous avons besoin de dons, nous les recueillerons jusqu’au vendredi ..…» ; «une cellule psychologique est ouverte à l’hôtel de ville du .... au ..…». Ainsi, le message relayé par les internautes sera devenu obsolète de lui-même et n’échappera pas à votre contrôle.
Quel que soit le message diffusé et quelle que soit son origine (population, collectivité, presse…), les médias et les réseaux sociaux agissent comme un amplificateur de l’émotion collective. Les dons peuvent affluer de la France entière -et même de l’Europe, par le biais des jumelages. Les appels téléphoniques seront nombreux pendant plusieurs semaines, saturant les standards. Le premier réflexe consisterait à ne pas diffuser de numéros de téléphone pour tarir la source des appels : le seul résultat obtenu par cette stratégie est la dilution des appels sur de nombreux postes (services techniques, services à la population, direction générale, cabinet, standard…) et une désorganisation générale. L’organisation exceptionnelle mise en place doit être d’une grande clarté avec une redirection des appels vers la cellule d’aide à la population (numéro spécial et/ou organisation spécifique).
UNE ORGANISATION EXCEPTIONNELLE, CLAIRE ET DIFFUSÉE À L’ENSEMBLE DU PERSONNEL
«La reconstruction est souvent mise en oeuvre en termes de continuité des services de la collectivité : reconstruction de bâtiments publics, réparation des réseaux (électriques, routiers, évacuations etc.) mais elle doit aussi être celle de la «résilience» pour les populations (bien que le retour à l’identique soit très rarement possible).
Les impacts indirects psychologiques et sociaux ne sont que rarement recensés. En effet, parmi les facteurs de déstabilisation, nous pouvons imaginer la perte brutale du cadre de vie que les victimes s’efforceront de recréer rapidement, les douleurs affectives (perte d’un membre de la famille ou d’un ami) auxquelles s’ajouteront, dans un second temps, les démarches administratives contraignantes. C’est alors le sentiment d’abandon qui envahit les victimes.
C’est pourquoi, lorsque le plan communal de sauvegarde est déclenché par le maire, le PCC (poste de commandement communal) doit impérativement disposer d’une cellule «population» afin de permettre aux autorités d’informer, d’accompagner et de soutenir les victimes».
Le poste de commandement communal doit impérativement disposer d’une cellule «population» afin de permettre aux autorités d’informer, d’accompagner et de soutenir les victimes.
Le personnel municipal est le premier au contact de la population, avec les élus qui ne manqueront pas de soutenir les sinistrés par leur présence et la manifestation de l’engagement de la collectivité. L’organi-sation de la cellule «population» doit être connue de tous les intervenants, afin d’éviter plusieurs écueils : le pire étant «je ne sais pas», il peut être accompagné de fausses informations qui vont orienter la population vers des interlocuteurs désemparés. Rapidement, des numéros de téléphone et des noms d’agents peuvent circuler par le bouche-à-oreille, désignant des interlocuteurs privilégiés pour les sinistrés, mais qui n’en sont pas en réalité !
Pour éviter ce phénomène, les plans de gestion des risques prévoient que la cellule de crise perdure tant que l’état «normal» n’est pas retrou-vé. On mésestime le choc émotionnel de la confrontation aux sinistrés, à l’étendue des dégâts et de la détresse humaine, sur le personnel en charge de la gestion de crise.
Rapidement, l’organisation de la collectivité ne suffit pas à couvrir l’étendue des besoins car l’on sort à la fois des attributions et des capacités de celle-ci. Rapidement, l’organisation de la collectivité ne suffit pas à couvrir l’étendue des besoins car l’on sort à la fois des attributions et des capacités de celle-ci. Il faut ramener la ville à son état initial, garantir la sécurité, la propreté et la salubrité, reloger les familles sinistrées, rouvrir les routes condamnées… Mais aussi accueillir les populations touchées, recenser l’étendue des dégâts sur les biens et les personnes, rédiger les déclarations d’assurance pour les biens publics endommagés et, le cas échéant, établir une demande de classement en catastrophe naturelle. Le tout, dès le lendemain de la crise, et ce, quel que soit le jour où cela se produit, et nonobstant les périodes de congés et les effectifs absents.
Le travail est colossal, tentaculaire et les besoins de la population immédiats. L’attente des habitants et sinistrés est légitime et pressante : il convient d’y répondre avec efficacité, clarté et humanité. L’appui de partenaires est ici indispensable.
DES PARTENAIRES RODÉS
À L’INTERVENTION
L’aide médico-sociale s’articule autour du Samu qui peut déclencher une cellule psychologique ad hoc avec des professionnels qui prendront en charge les victimes (que ce soit d’une catastrophe ou d’un attentat), puis des services départementaux (maisons de la solidarité) pour assurer la continuité aux côtés du CCAS et des services municipaux. Il ne faut en outre pas hésiter à solliciter les services de l’État et les bailleurs sociaux : ce sont des soutiens précieux pour aider la commune à reloger les sinistrés en mettant temporairement à disposition leurs contingents respectifs.
Pour soutenir la population, la collectivité doit également s’entourer de partenaires associatifs locaux ou nationaux.
Pour soutenir la population, la collectivité doit également s’entourer de partenaires associatifs locaux ou nationaux. C’est notamment très important pour intervenir chez les particuliers et assurer un suivi psychologique de long terme. Un organisme national comme la Croix-Rouge pourra efficacement coordonner l’ensemble des bénévoles et des associations pour assurer toute une logistique sous le contrôle de la collectivité. La Croix-Rouge dispose en effet d’un service spécifique à la gestion post-sinistre. Son image auprès de la population lui permet d’intervenir, en confiance, chez les populations sinistrées pour aider à la reconstruction physique et psychologique.
D’autres services de l’État viendront en soutien lors de la reconstruction, pour participer à la prévention des risques surajoutés par la catastrophe initiale. Des mesures doivent être prises et appliquées en fonction du niveau de danger identifié. L’État peut également mettre à disposition de la collectivité ses propres contingents de logement social pour parer au plus pressé et proposer des solutions de relogement aux sinistrés les plus touchés.
L’accompagnement de la population débute deux jours après la crise en elle-même : c’est le temps nécessaire pour la population avant de faire appel au soutien de la collectivité. La première semaine nécessite une présence accrue de la puissance publique et un soutien psychologique important.
3 axes pour une gestion post-crise réussie : communication - organisation claire - partenariats forts
À savoir
• La crise ne s’arrête pas à l’épiphénomène, ni à sa phase critique.
• Une équipe spécifique, la «cellule population», doit être constituée. Pluridisciplinaire, elle permet de coordonner l’action de soutien auprès des sinistrés.
• Deux jours après l’événement, les sinistrés se manifestent et ont besoin d’un soutien accru pendant une semaine environ.
• Le suivi des sinistrés sur les trois semaines suivantes nécessite un accompagnement par des partenaires rodés à cet exercice et pouvant intervenir chez les particuliers en toute confiance.
À faire
• Communiquer sur les canaux digitaux et notamment les réseaux sociaux pour assurer une information régulière, utile et surtout fiabilisée.
• Maîtriser son message pour éviter la diffusion de rumeurs.
• Calibrer ses communications avec une fin dans le temps afin d’éviter les partages sur les réseaux sociaux de posts obsolètes, surtout en matière d’appel aux dons.
• Au-delà de la cellule de crise principale, prévoir une cellule d’aide à la population qui perdure un mois après l’événement pour prendre en charge les sinistrés.
• Détecter et neutraliser les éventuels risques surajoutés par le sinistre principal.
• Savoir réaliser un retour d’expérience pour améliorer son organisation.
• Ne pas oublier de remercier les bénévoles et les personnels.
S’améliorer par le retour d’expérience
Si le premier temps de l’après-crise doit être consacré à la reconstruction du territoire et à l’accompagnement des victimes (le soutien des populations), il est indispensable d’engager de manière systématique un retour d’expérience.
Ce «Retex» doit être mené par une personne ou un groupe de personnes extérieures à la gestion de la crise afin que la mission soit diligentée de la manière impartiale, complètement dégagée de toute autorité hiérarchique.
Chaque acteur d’une gestion de crise est inclus dans un système dit «apprenant» et le Retex a pour objectif d’améliorer le ou les dispositifs existants et permettre une meilleure aide à la décision par une connaissance des erreurs du passé.
Exemples de décisions issues d’un Retex :
1/ création d’une réserve communale de sécurité civile.
2/ désignation d’une équipe de journalistes dûment autorisée à suivre les opérations, non pas pour les contrôler, mais pour témoigner.
LES REMERCIEMENTS
En aval du PCC, il y a les «gens du terrain» : les fonctionnaires, les partenaires (sociaux, commerciaux, médicaux…), les élus, etc. Si la plupart sont intégrés du fait de leurs fonctions dans le secours et le soutien aux populations, d’autres sont des bénévoles. Il ne faut surtout pas oublier que chacun subit, d’une manière ou d’une autre, les effets de la catastrophe. Il est essentiel de toujours avoir une pensée et un mot de remerciement pour ces personnels dévoués.
Source : Lettre du cadre.fr